BmN Kiosque lorrain

L'Est républicain du 20 mai 1909

La grande semaine anglaise à l'Exposition

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En réponse à la grande semaine lorraine à Londres, le Comité franco-britannique organise, sous le haut patronage de la municipalité, avec le concours des comités directeurs de l'Exposition, de la Chambre de commerce, de l'Alliance française, de la Société industrielle de l'Est et de diverses sociétés, la grande semaine anglaise à l'Exposition, qui sera inaugurée le mardi 1er juin, par l'arrivée de vingt représentants du conseil municipal de Londres (London County Council) et de leurs familles.

Les présidents et vice-présidents actuels, ainsi que deux anciens présidents du London County Council, les maires de Douvres et de Canterbéry et quelques parlementaires accompagneront cette délégation.

Le mercredi 2 juin, l'Alliance franco-britannique, société londonienne d'Entente cordiale, affiliée à l'Alliance française, viendra se joindre au groupe municipal et aux représentants des grands journaux anglais invités officiellement par la municipalité.

Parmi les brillantes fêtes et réceptions prévues, signalons le mercredi 2 juin soir, un diner organisé par les comités directeurs de l'Exposition, suivi de fête de nuit et feu d'artifice à l'Exposition et le jeudi 3, à l'hôtel de ville, un banquet officiel municipal, auquel les membres des sociétés seront invités à souscrire.

La tenue de soirée pour les dames et les messieurs sera exigée à ce dernier banquet.

Le programme détaillé sera publié prochainement.

Affiche de la Semaine Franco-Britannique 1908

Grande semaine lorraine à l'Exposition franco-britannique de Londres 1908.


BmN Kiosque lorrain

L'Est républicain du samedi 29 mai 1909

La grande semaine anglaise

La municipalité de Nancy vient de faire afficher l'appel suivant :

Mes chers concitoyens,

Dans quelques jours, des délégations du « London County Council » (Conseil général du comté de Londres) et de la « Franco British Alliance » des membres du Parlement anglais et des représentants de la presse anglaise viendront visite l'Exposition de Nancy.

La municipalité, très honorée de l'accueil qu'elle a reçu à Londres l'an dernier, pendant la grande semaine Lorraine de l'Exposition franco-britannique, sera heureuse de témoigner sa reconnaissance en offrant à ses hôtes une réception aussi cordiale et aussi brillante que possible.

La « London County Council » qui représente presque toute la ville de Londres et sa banlieue, est une assemblée dont les attributions sont de la plus haute importance ; son bureau ne s'est jamais rendu en France dans aucune autre ville de province. L'Alliance franco-britannique est un groupement qui renferme l'élite artistique, littéraire et scientifique de la Société de Londres. Leur démarche, à laquelle doivent s'associer d'autres personnalités notables, est extrêmement flatteuse. Nous devons montrer que nous en sentons tout le prix.

Il importe donc que tous les habitants s'unissent à la municipalité pour donner à cette réception le plus vif éclat.

Décorons nos rues, pavoisons et illuminons nos maisons. Accueillons chaleureusement nos amis de la Grande-Bretagne, afin qu'ils conservent de leur passage dans la vieille capitale lorraine un agréable et sympathique souvenir.

Nancy, le 25 mai 1909.

Pour le maire de Nancy, absent,

Le premier adjoint.

MICHAUT.


BmN Kiosque lorrain

L'Est républicain du mercredi 2 juin 1909

La semaine anglaise

Mercredi 2 juin - MATIN

9 heures et demie. — Visite du « London County Council » à l'Hôtel de ville de Nancy. Réception officielle par le conseil municipal.

10 heures. — Visite officielle à la Préfecture. — Après les visites, promenade en voitures à travers les principales rues de Nancy (Itinéraire fixé ultérieurement).

SOIR

2 heures et demie. — Visite des monuments sous la direction de M. P. Denis, archiviste de la ville. Visite du Musée lorrain. Visite d'industries d'art.

6 heures. — Réception en gare de Nancy des membres de l'Alliance littéraire, scientifique et artistique Franco-Britannique, par la municipalité, l'Alliance française et le Comité Franco-Britannique.

7 heures et demie. — Restaurant du Consortium, parc Sainte-Marie. Diner organisé par les comités directeurs de l'Exposition en l'honneur du London Country Council, du Parlement, de l'Alliance Franco-Britannique et de la presse, sous la présidence de M. le maire de Nancy.

De 9 heures à minuit. — Concerts.

Embrasement féerique des parcs, illumination des palais et pavillons, feu d'artifice ; l'Entente cordiale (de J.-H. Paine, artificier à Londres). Fête de nuit. Visite des attractions.

_____

Il est évident qu'une fois terminé les réceptions de bienvenue, nous ne pourrons pas entrer dans de très abondants détails sur les si nombreuses et si diverses phases de cette visite. Aujourd'hui, en effet, ce seront les banquets et des visites. Demain, les banquets encore, encore des visites ou des excursions et banquets visites ou excursions couronnés de toasts et de discours. Nos colonnes y seraient de beaucoup insuffisantes!

Au reste, toutes ces visites et toutes ces excursions se ressembleront, qu'elles soient faites dans une jolie bourgade mosellane, dans unr ville d'eau voisine, ou dans quelques-unes des cités environnantes : Toul, Lunéville, Saint-Nicolas.

Nos vœux accompagneront nos hôtes dans toutes ces visites, dans toutes ces excursions, où ils ne manqueront pas d'admirer notre belle et industrieuse Lorraine. Puisse le ciel leur sourire aussi de tout son soleil!

Arrivée des premiers hôtes anglais

R.-A. ROBINSON et Sir MELVILL BEACHEROFT

Mr R.-A. ROBINSON, Ancien président du L. C. C. qui reçut les Nancéiens en 1908.

et Sir MELVILL BEACHEROFT, président du London County Council.

Ainsi qu'il avait été annoncé, nos premiers hôtes anglais sont arrivés à Nancy, mardi, à 8 heures 55 du soir.

Dès 8 heures, un service d'ordre rigoureux et nécessaire avait été établi aux alentours de la gare. On ne pénétrait dans la cour qu'après avoir exhibé un laissez-passer en règle.

A huit heures et demie précises, la municipalité est arrivée en landau. Sur le siège, avait pris place, aux côtés du cocher, un majestueux huissier de la mairie.

Nous voici sur le quai de la gare.

Le salon des premières, où doit avoir lieu la réception, est luxueusement aménagé. M. Nérot, inspecteur principal de la Compagnie de l'Est, veille lui-même aux derniers préparatifs.

Le conseil municipal est là au complet. Tous nos édiles portent, au revers de la redingote, le nouvel insigne.

On remarque aussi la présence de nombreuses notabilités : M. Vilgrain, président de la Chambre de commerce ; M. Villain, président de la Société industrielle de l'Est ; M. Laffitte, directeur de l'Exposition, etc., etc.

*

* *

Le train est signalé. Les notabilités pénètrent dans le salon d'attente.

A l'heure exacte, nos hôtes descendent de wagon. Et soudain retentissent les accents du God save the King.

Il est exécuté par l'excellente Chorale de l'Est. L'effet de l'hymne anglais, à la sévère allure religieuse, est très impressionnant.

M. Marcel Knecht, secrétaire du Comité franco-britanique de Lorraine, fait les présentations. Le premier personnage présenté à M. Beauchet est le président du London County-Council, sir Melvill Beacherott. Il ressemble merveilleusement à M. Clémenceau notre « premier ».

Et les présentations se suivent cependant que du salon on aperçoit les « hip ! hip ! hourrah ! » de la foule massée dans la salle des Pas-Perdus et dans la cour de la gare.

Un certain nombre de membres du London County Council sont accompagnés de leurs femmes qui sourient à cette belle réception de toute la grâce de leurs yeux bleus.

Aucun discours n'est prononcé ; on se borne à des échanges de paroles courtoises.

Les présentations terminées, on sort par la grande porte de la gare.

Une véritable ovation se produit alors. Les Anglais en paraissent très touchés, très émus. La foule pousse de retentissants « Hip ! Hip ! Hourah ! »

Dans la cour de la gare nos hôtes montent en voitures.

Les têtes des chevaux sont ornées de rubans aux couleurs lorraines et anglaises. Les acclamations retentissent au passage de chaque voiture avec une nouvelle énergie.

*

* *

Sur tout le parcours, l'affluence est considérable ; la foule est très gaie, très bon enfant. Parfois de quelques groupes, sortent de vieux refrains de café-concert.

Le cortège débouche enfin sur la place Stanislas, puisqu'il se rend au Grand-Hôtel tout illuminé.

Là, le service d'ordre est assuré outre la police, par des gendarmes à cheval, dont les hauts chevaux se cabrent.

Au Grand-Hôtel

Nos hôtes sont reçus au Grand-Hôtel par le God save the King. Tout le personnel est sous les armes et forme haie.

Les Anglais sont conduit dans le grand salon où, par une délicate attention, les premiers objets qui frappent leur vue, sont de très belle photographie du roi Édouard VII et de la reine Alexandra.

Des conversations animées s'engagent. On entoure beaucoup M. Sire, le représentant de la Compagnie du Nord à Londres, qui a tant fait pour l'organisation de ce voyage.

*

* *

Les délégués du London Conty Council sont le président de cette assemblée, sir Melvil Beacheroft ; sont vice-président, M. Edward White ; deux anciens présidents du conseil, M. R.-A. Robinson (qui reçut en 1908 la Grande Semaine lorraine), ainsi que Sir Edwin Cornval, membre du parlement ; M. R.-T. Davies, membre du Parlement ; M. Dennis, maire de Westminster ; le secrétaire-général du conseil, M. G.-L. Gomme ; Sir William Lancaster ; M. E.-G. Easton ; M. J.-H. Hunter ; M. Walter Key ; M. Mullins.

Parmi les autres personnalités figurent M. Alfred Sire, l'organisateur de cette visite officielle ; M. Georges Sire, le général d'artillerie ; Sir Alfred Turner ; M. Yves Guyot, ancien ministre ; M. Dumont, ancien maire de Dunkerque ; M. Brandt, délégué de la Compagnie du South Western ; les représentants du Morning Post, du Dally Mail, du Dally Telegraph, du Dally Chronicle, du Standard, de la Chronique de Londres, du Dally News, du Petit journal et du Times.

Vers onze heures, alors qu'une partie de nos hôtes se retiraient dans leurs appartements, les autres se rendaient au cirque Plège, qui avait préparé en leur honneur une très belle soirée de gala.

Nos hôtes anglais au cirque

Pour faire honneur aux membres du « County Council », Mme Plège avait organisé une soirée de gala, et avait envoyé à la gare son régisseur, l'aimable M. Frachet, afin d'inviter les hôtes de la ville de Nancy.

Après leur arrivée au Grand-Hôtel et un moment de repos, nos hôtes gagnèrent le vaste établissement de la place Carnot.

A leur arrivée, l'orchestre fit entendre le God save the King, puis la Marseillaise. Les nombreux spectateurs acclamèrent les visiteurs étrangers, qui semblaient éprouver une joie intense à voir les splendides acrobates que sont les « Grunatho », qui faisaient leurs débuts, et les exercices surprenants des « Quatre Perez » sur l'échelle verticale.

La représentation finie, nos hôtes regagnèrent le Grand-Hôtel, enchantés de l'excellent accueil reçu et de la représentation qui leur avait fait oublier les fatigues du voyage.

*

* *

Rappelons qu'aujourd'hui mercredi, arrivent en gare de Nancy à six heures du soir, les délégués de l'Alliance franco-britannique, parmi lesquels le colonel sir Roper Parkington ; M. Schwann ; P. Picard, membre de la Chambre de commerce française de Londres ; M. Harold Hardy ; M. Egerton ; M. Dreyfus, secrétaire général du comité de Paris.

L. PIREYRE.

Notes et impressions

Devant la gare

Nancy, on vient de voir, a fait à ses hôtes britanniques une réception splendide. Le temps se prêtait d'ailleurs, à cette manifestation ; un ciel bleu, sans nuage, pailleté d'étoiles. Bien rares furent nos concitoyens qui restèrent fidèle à leurs habitudes et préférèrent la paix du « home » aux tumultes de la rue.

Car de joyeux tumultes emplirent nos rues. Une enthousiaste allégresse éclata, sur le parcours du cortège ; ça et là des lampions illuminèrent les fenêtres, des cierges magiques firent gaiement pétiller leurs gerbes d'étincelles, des drapeaux s'agitèrent au passage, cependant que la foule massé sur plusieurs rangs, formait une haie toute pleine de vivats, d'acclamations et d'applaudissements.

A huit heures et demie, un imposant service d'ordre, commandé par M. Flury, commissaire central, place ses barrages devant les grilles qui défendent l'accès de la cour de la gare.

La consigne est formelle. Hormis les voyageurs, les invités du Comité franco-britannique, les personnages officiels et les rares privilégiés munis de cartes spéciales ou de coupe-files, un « crible » inexorable écarte le public.

M. Lienhard, commissaire du IVe arrondissement, adjure, dans la cour et aux abords de la gare, le respect de cette consigne, et il a, pour l'appuyer, M. l'adjudant Brenet, avec une escorte imposante de gendarmes.

Mais à quoi bon tout ce déploiement de forces ? On rit, on s'amuse, on échange des quolibets, des lazzis, on est sincèrement heureux de s'associer à une fête populaire, on n'a que faire d'engager avec les agents ou les gendarmes une discussion.

Bientôt la place Thiers est noire de monde. Il s'agit de conquérir les meilleures places. Un tramway stoppe. Il est envahi, pris d'assaut. Des arbres s'emplissent d'une jeunesse audacieuse et bruyante ; le socle de la statue, les terrasses voient se jucher, comme sur autant d'observatoire, tous ceux qui se contentent à la rigueur d'apercevoir le chapeau d'un cocher entre la houleuse ondulation des épaules de leurs voisins.

M. Robin, officier de paix ; MM. Meyer et Diné, brigadiers contrôleur, se montrent pleins d'une aimable indulgence et concilient heureusement les rigueurs de la consigne avec les exigences de toutes ces curiosités qui se pressent, se bousculent, s'apostrophent gaîment. MM. Gudin et Chrétien, inspecteur de la sûreté, sillonnent le vaste espace que laisse libre, devant l'arrivée, des automobiles et des landaus, les dispositions du service d'ordre.

On attend

Nous pénétrons dans le vaste hall des pas perdus. Les piliers supportent des écussons tricolores chargés de drapeaux. Il faut montrer pattes blanches pour avoir le droit de passer sur les quais.

— Qui êtes-vous ? Avez-vous une carte ? On n'entre pas… telles sont les questions ou les refus dont les oreilles sont obsédées.

Mais allez donc vous y reconnaître parmi la cohue des chapeaux hauts de forme, de « panamas » et de bérets qui excipent leurs qualités !

MM. Les adjoints ont le sourire ; M. Beauchet se tient grave ; M. Vilgrain presse des mains tendues vers lui ; M. Lafitte saute légèrement de sa 24 HP ; les journalistes s'arrachent les renseignements ; la voix sévère des employés domine le murmure :

— En arrière, messieurs, s'il vous plait ! 8 H. 54. La locomotive haletante s'essouffle, à grands jets de vapeur. Deux wagons-lits de la Compagnie du Nord stoppent à la hauteur de la salle d'attente des premières classes, somptueusement aménagées en vue de la réception.

Les bérets, des « panamas » et des hauts de forme à huit reflets s'agitent. On pousse avec un magnifique enthousiasme des ovations : « Hip ! Hip ! Hip ! Hourrah ! » Cela devient de la frénésie. Des dames brandissent leurs ombrelles. Les ovations durent cinq minutes. Le piquet militaire formé par une escouade du 37e d'infanterie, est littéralement débordé et renonce à opposer une inutile barrière devant la poussée.

Puis une accalmie relative se produit. On perçoit par bribes, le God save the King de la Chorale de l'Est, groupée autour de son chef, M. Carpentier, dans une salle d'attente. Il n'y a pas moins de 60 chanteurs, leurs voix puissantes ont magistralement entonné l'hymne national anglais.

Présentations. Poignées de mains. Fuite éperdue à travers les corridors, le buffet, les pas-perdus, d'une foule qui se précipite, se rue vers les issues, afin d'assister à la formation du cortège officiel.

L'impression est inoubliable. La gare souligne sa longue corniche et les moindres détails de son architecture par une rangée d'ampoule électriques, dont quelques-unes éprouvées subitement par l'intensité du voltage, tombent en miette sur le trottoir :

— Tiens ! voilà les lampes en proie à une explosion d'enthousiasme… remarque finement un spirituel Anglais, en essuyant son feutre.

Comme s'ils avaient conscience de la gravité de leur rôle, les chevaux du premier landau avancent d'un air solennel. Ah ! je vous prie de croire qu'ils n'ont point l'œil morne ni la tête baissée des coursiers d'Hippolyte ! Fringants, ils secouent la cocarde aux couleurs anglo-lorraines, piaffent, s'ébrouent, avec une impatience de conduire nos invités vers les acclamations dont la place, au loin, commence à retentir.

Dans la première voiture, M. Beauchet, maire de Nancy, prend place, ayant à son côté sir Melvill Beachcorft, président du London County Council. Des vivats nourris, des applaudissements éclatent.

Le comité d'organisation, avec une précision que lui envieraient bien des protocoles, préside à la formation du cortège. Une vingtaine de landaus, bientôt, s'éloignent vers la droite, gagnent la place Thiers où un peloton de gendarmes et d'agents cyclistes se chargent de les guider à travers les rangs pressés de la multitude.

Sans s'exposer au reproche d'une exagération, on peut évaluer à cinq mille personnes la masse énorme et toujours accrue des curieux. — Hip ! Hip ! Hurrah !

Nos hôtes, flattés par l'accueil, se lèvent dans les voitures, saluent, répondent par un geste sympathique aux vibrantes manifestations dont ils sont l'objet.

Une seule note discordante. Un individu nommé Mathieu a hasardé, près de la gare, un coup de sifflet. Le perturbateur est assez vivement malmené. Quelque citoyens le passent à tabac et le remettent en piteux état aux gardiens de la paix.

De la gare au Grand-Hôtel

Si la place Thiers a été supérieurement décorée ; si la Compagnie de l'Est s'est mise en frais pour recevoir la délégation britannique, il convient de dire que l'itinéraire du cortège était jalonné de mâts où flottaient les drapeaux des deux nations unies sous les hospices de l'Entente Cordiale.

La Bourse du Commerce était pavoisée ; le lycée avait décoré sa porte ; les magasiniers avaient peu ou prou répondu à l'invitation de leur Fédération en ornant leurs boutiques ; la place Dombasle offrait un aspect pittoresque ; on aperçut, 39, rue Stanislas, au deuxième étage, des fenêtres éclairées de lanternes vénitiennes ; on vit plus loin, sur un balcon, un groupe de citoyens soudain illuminés par le rougeoiement des flammes de bengale.

Mais ce qu'il nous est difficile de traduire, c'est la profonde émotion, la joie sincère et par instants délirante, de toute une population accourue, entre la gare et la place Stanislas, pour saluer nos éminents visiteurs.

Toutes les classes sociales sont là, mêlées, confondues, frémissant d'un égal enthousiasme, épris d'une même idée, n'ayant au cœur qu'un seul désir — et cela fait une sorte de communion intime et douce entre elles.

Les Lorrains ont été ravis de leur séjour à Londres. Il est agréable de penser que nos hôtes de la grande capitale britannique emporteront un souvenir aussi heureux de leur villégiature à Nancy.

Nous devons évidemment perdre l'ambition d'étonner par les réelles merveilles de notre Exposition des voyageurs qui ont vu ailleurs d'autres prodiges, les progrès de l'industrie, les richesses du commerce, les beautés de l'art ; mais ce qu'il importe de leur offrir, c'est avant toutes choses, le sentiment qu'en France et plus particulièrement en nos pays, nous savons témoigner mieux qu'ailleurs nos sympathies.

Aussi joignons-nous ici notre appel à l'invitation de la Fédération des commerçants pour engager nos concitoyens à décorer leurs maisons, à prodiguer les drapeaux, à montrer combien est vive notre gratitude pour nos hôtes et combien nous sommes touchés par la sollicitude empressée, la courtoisie charmante qui marquèrent la grande semaine lorraine à Londres.

Sur la place Stanislas

Il est neuf heures et demie, quand le cortège débouche — au prix de quelques difficultés ! — sur la place Stanislas.

Au long du parcours, les acclamations n'ont cessé de retentir. Le champ de foire, tout proche est presque désert. Un océan de têtes se meut dans un long remous. Chaque landau est saluée par les cris de : « Vivent les Anglais ! » Les chapeaux au bout des cannes, accentuent cette démonstration.

La façade du Grand-Hôtel, baignée de lumière, dessine le plein-cintre de son entresol et souligne d'un trait éclatant sa corniche. Les oriflammes pendent, dans l'air immobile.

Un bon point en passant, au service d'ordre, qui a maintenu sur les trottoirs un public docile et qui a dégagé devant l'hôtel de ville un espace où les voitures avancent sans peine. M. Faisant, commissaire du IIe arrondissement s'est acquitté de sa délicate besogne avec un soin parfait.

Dès qu'il a mis pied à terre, M. Melvill Beacheroft, entre un double rang d'huissiers municipaux en tenue de gala, gagne le magnifique salon du premier étage, dont les trois baies, immenses, laissent voir dans un éblouissant décor, la féerie des tableaux, des plantes vertes, des palmiers, dont la pièces est ornée.

Le président du London County Council s'approche d'une fenêtre. Plusieurs personnages de la délégation, des dames, l'entourent. Ils promènent un long regard sur la foule qui, maintenant, chante en leur honneur la Marseillaise — car le God save the King n'a pas su flatter encore par sa musique nos concitoyens, habitués plutôt aux rythmes entraînants et légers d'une marche.

D'un geste, nos hôtes réclament le silence. Sir Melvill Beacheroft prononce quelques paroles de remerciements. Personne n'entend ; mais on devine que l'orateur vient d'exprimer sa satisfaction et une longue ovation jaillit de plusieurs milliers de poitrines.

Comme la note gaie, en pareille circonstance, fait rarement défaut, un cocher qui conduit un landau vide, est acclamé. L'automédon prend son parti de cette manifestation inattendus, il s'en amuse, et, avec un orgueilleux sourire, il s'incline en maniant son fouet comme un roi manie son sceptre.

A dix heures, pendant que les voyageurs regagnent leurs appartements, la foule, lentement, se disperse, non sans pousser par intervalles, quelques hurrahs qui troublent d'un fraternel adieu la solitude lumineuse de la place Stanislas.

ACHILLE LIÉGEOIS.


BmN Kiosque lorrain

L'Est républicain du jeudi 3 juin 1909

Nos hôtes anglais et Jeanne d'Arc

La première « journée anglaise » aura été marquée par un incident d'autant plus émouvant qu'il était inattendu, et qu'on peut, sans exagération, qualifier d'historique.

Les hôtes anglais ont voulu, dès leurs premiers pas dans la capitale lorraine, saluer la statue de jeanne d'Arc.

Arrivés là, le président du Conseil du comté de Londres a lu une émouvante déclaration.

En même temps, sa femme, lady Beachcroft, déposait une gerbe de fleurs, aux pieds de l'héroïne…

Cette scène, si grande dans sa simplicité, a éveillé, dans le cœur des rares spectateurs d'un tel hommage, des sentiments que tous nos lecteurs partageront.

Sans vouloir faire un rapprochement que ni les circonstances, ni la situation politique n'indiquent — mais en notant uniquement l'intense émotion que dégagent les grandes manifestations qui, à certaines, rapprochent et confondent dans un irrésistible mouvement du cœur, des hommes et des femmes de races différentes — il est permis de dire qu'aucune scène aussi forte, aussi digne de figurer dans les annales de deux peuples, n'avait eu lieu à Nancy, depuis le voyage subit du grand-duc Constantin, pour saluer le président Carnot (7 juin 1892).

Arrivée des premiers hôtes anglais

Lady et Sir MELVILL BEACHEROFT

Lady BEACHEROFT, en costume blanc, dépose sur le socle du monument de Jeanne d'Arc une gerbe de rose offerte par la colonie

londonienne. et Sir MELVILL BEACHEROFT, président du comté de Londres, lisant son discours, devant la statue de Jeanne d'Arc.

La journée du 2 juin 1909 restera une date historique pour notre cité, ainsi que pour la conscience, épurée et éclairée, de l'Angleterre et de la France.

La Journée de mercredi

La réception à l'Hôtel de ville

Les membres du London County Council ont été reçus mercredi matin, à 10 heures, dans le grand salon de l'Hôtel de ville, par la municipalité de Nancy.

Aux abords de l'Hôtel de ville et du Grand-Hôtel — où se tenaient massés un certain nombre de curieux — un service d'ordre avait été organisé par les soins de M. Iverlet, commissaire de police.

Décidément, le beau temps favorise la semaine anglaise. La matinée de mercredi est, en effet superbe.

Un gai soleil dore les grilles de la place Stanislas et se joue sur les drapeaux anglais et français ornant la façade du Grand-Hôtel.

Les présentations ont lieu dans le salon carré de l'Hôtel de ville.

M. Beauchet, maire, reçoit les hôtes anglais. Il est entouré des adjoints et du conseil municipal. Ces messieurs sont en habit et portent l'insigne du conseil, tandis que les Anglais sont en redingote ou en jaquette.

Les membres du London County Council ont à la boutonnière un ruban jaune.

C'est M. Sire qui fait les présentations.

M. Beauchet prononce ensuite une allocution ; il rappelle le chaleureux accueil ménagé l'année dernière à Londres aux membres de la municipalité de Nancy, puis il fait l'éloge de l'esprit de traditionalisme qui anime le London County Council, cette institution qui englobe l'administration d'une grande cité, sans l'absorber.

Le maire de Nancy salue les représentants « de cet esprit municipal anglais, qui donne lieu aux initiatives les plus heureuses et est la sauvegarde des libertés politiques ».

M. Beauchet tient à remercier tout particulièrement M. Robinson, ancien président du London County Council (qui rappelons-le, reçut les Nancéiens en 1908).

Il assure tous nos hôtes de l'accueil le plus cordial de la ville de Nancy et des sentiments de vive sympathie de tous nos concitoyens.

Quelques applaudissements discrets ponctuent ces paroles, puis le président du London County Council répond en quelques mots au maire de Nancy.

Il s'exprime en ces termes :

« Messieurs de la municipalité de Nancy,

De ma part et de celle de mes collègues, je vous remercie du fond de mon cœur pour la réception magnifique que vous nous avez préparée.

Il ne me reste que de vous dire que nous attendons avec le plus grand plaisir les jours que nous passeront ici avec vous.

Je vous salue, messieurs avec l'expression de l'amitié la plus cordiale. »

(Applaudissements.)

Les visiteurs font un tour dans le grand salon de l'hôtel de ville. Ensuite le cortège se reforme pour se rendre

A la préfecture

Il est précédé des quatre huissiers de la mairie qui s'arrêtent à la porte de l'hôtel préfectoral et se tiennent, chapeau bas, pendant que défilent nos hôtes.

Dans le grand salon, M. le préfet Bonnet — en redingote — est entouré de ses collaborateurs : M. Bovier-Lapierre, secrétaire général ; les conseillers de préfecture ; M. Boutroue, chef de cabinet.

Nouvelles présentations, toujours par M. Sire.

M. le préfet se dit très heureux d'accueillir des hôtes éminents.

Lui aussi, il fait l'éloge de l'œuvre de progrès social et économique poursuivie par le London County Council ; il déclare que les Anglais sont « un peuple ami », et il leur fait part de ses sentiments les plus cordiaux.

M. Bonnet fils traduit l'allocution de son père dans l'anglais le plus correct.

On applaudit. Le président du London County Council remercie M. le préfet de ses excellentes paroles et se déclare très heureux de sa visite à Nancy.

M. le préfet Bonnet fait visiter à ses hôtes la belle salle de Fêtes de la Préfecture.

Une flûte de champagne est ensuite servie. Le président du London County Council lève son verre à M. Fallières, président de la République, et M. Bonnet porte la santé d'Édouard VII.

Au Palais du Gouvernement

La réception terminée, nouvelle formation du cortège pour se rendre, cette fois, au Palais du Gouvernement. Nos hôtes anglais ont tenu, en effet, à faire une visite de courtoisie à M. le général Pau, commandant le 20e corps.

Le général Pau, en tenue du jour, se tient dans le grand salon du palais, ayant derrière lui son état-major.

On lui présente les délégués du London County Council.

Le général Pau prononce une allocution d'une allure toute militaire. En tant que Lorrain, il dit tout la part qu'il prend à la manifestation de sympathie qui accueille nos hôtes anglais dans la cité coquette et patriotique qu'est Nancy.

Le général Pau a des paroles particulièrement aimables pour son camarade de l'armée anglaise, le général Turner.

Celui-ci, soixante ans environ, le visage barré d'une petite moustache, le ruban de la Légion d'honneur à la boutonnière, remercie avec effusion.

*

* *

M. Beauchet, maire, fait part au général Pau de la pieuse intention manifestée par les Anglais d'aller déposer une couronne au pied de la statue de Jeanne d'Arc, place Lafayette.

Le général Pau les en remercie, comme descendant de l'héroïne. Il montre la noble figure de Jeanne maintenant vénérée par tous dans une commune admiration.

Nouvelles poignée de mains. Nos hôtes sortent du palais du Gouvernement pour regagner le Grand-Hôtel.

Les dames anglaises se joignent à ce moment au cortège qui se rend

A la statue de Jeanne d'Arc

Une gerbe de fleurs est déposée par lady Beachcroft sur le socle de la statue

11 heures 25. La délégation britannique quitte le Grand-Hôtel. Les Landaus se dirigent vers la lace Lafayette.

Dans la première voiture, M. Beauchet, maire de Nancy ; sir Melvill Beachcroft, lady Beachcroft. Une superbe gerbe de fleurs que retient un large ruban aux couleurs franco-britanniques est placée sur les coussins.

Comme cette cérémonie n'était pas inscrite sur le programme, elle s'est naturellement déroulée dans un cadre de stricte intimité. Peu de monde. Un seul discours. Courte halte devant l'héroïne lorraine — mais combien touchant fut cet hommage rendu avec simplicité à la plus sereine incarnation du patriotisme.

A gauche du monument, un groupe se forme. On y distingue le premier magistrat de la ville, M. Beauchet, entouré des adjoins et de la plupart des conseillers municipaux, qui se rangent en demi-cercle, avec leurs invités du London County Council.

Allocution devant la statue de Jeanne d'Arc

Sir Beachcroft prend alors la parole en ces termes.

« Monsieur le maire,

Messieurs et mesdames,

Grâce à votre très aimable invitation, nous nous trouvons ici à Nancy tout près de la ville où est née une des plus sublimes et touchantes figures de l'histoire de France.

Nous regrettons extrêmement de ne pas avoir le temps de visiter la ville de Domremy, le lieu natal de Jeanne d'Arc, et nous demandons permission, messieurs de déposer sur cette statue cette gerbe de fleurs nouée par un ruban aux couleurs anglaises et de la France.

Nous déposons cette gerbe en témoignage de notre admiration de cette fille de France morte pour sa patrie, qui a été tout récemment béatifiée et qui sera prochainement canonisée.

Je me rappelle les beaux mots de Lamartine : « L'amour de la patrie est aux peuples ce que l'amour de la vie est aux hommes isolés, car la patrie est la vie des nations ». Aussi cet amour de la patrie a-t-il enfanté, dans tous les temps et dans tous les pays des miracles d'inspiration, de dévouement et d'héroïsme.

Messieurs, de la part des Londoniens ici présente, j'offre notre admiration respectueuse à la mémoire de Jeanne d'Arc. »

Au moment où l'orateur prononcé la phrase : « Nous déposons cette gerbe… » lady Beachcroft saisit le bouquet où s'épanouissent des roses, et d'un geste lent, noble et respectueux, presque hiératique, elle s'incline devant la statue et place sur le socle l'hommage fleuri de nos hôtes.

La scène impressionne. Elle éveille des sentiments émouvant ; elle abolit des siècles d'histoire ; elle unit ce que la tradition de deux races avait séparé ; ceux qui en sont témoins sont impuissants à contenir leurs sentiments. De longs applaudissements éclatent.

L'éminent président du Comté de Londres se tourne vers l'image de bronze brandissant son étendard fleurdelysée et, d'une voix vibrante, s'écrie :

— Vive Jeanne d'Arc !

Dans la solennité de cette minute où s'évoque Lamartine, les vers immortels chantent dans notre mémoire :

Quand ils se rencontraient sur la plage ou la grève,

Nos pères se montraient les deux moitiés d'un glaive,

Dont chacun d'eux gardait la symbolique part :

Frère, se disaient-il, reconnais-tu la lame ?

Est-ce bien là l'éclair, l'eau, la trempe et le fil ?

Et l'acier qu'a fondu le même jet de flamme,

Fibre à fibre se rejoint-il ? »

Et nous nous disons :

O fils des mêmes plages,

Nous sommes un tronçon de ce glaive vainqueur,

Regardez-nous aux yeux, à la barbe, aux visages ;

Hurrah ! pour l'Angleterre et ses falaises blanches !

Hurrah ! pour notre France aux côtes de granit !

Hurrah ! pour le Seigneur qui rassemble les branches

Au trône d'où tomba le vieux nid! »

Cette cérémonie unique prend fin après de vigoureux shake-hands, laissant chez les rares spectateurs une immense impression de réconfort où le patriotisme puise la douceur d'une émotion très douce, et aussi très grave, comme à l'issue d'une fête que dominerait de tout son prestige, de toute sa glorieuse beauté, notre chère paysanne de Domremy.

*

* *

Mercredi après-midi, le programme comportait une visite aux divers monuments de la ville, sous la direction de M. P. Denis, archiviste municipal.

L'arrivée des délégués de l'Alliance franco-britannique

Mercredi, à 6 heures du soir, est arrivée la seconde délégation anglaise. Elle était composée d'un certain nombre de membres de l'Alliance franco-britannique de Londres, notamment de M. Picard, membre de la Chambre de commerce française à Londres.

Elle a été reçue par le docteur Chrétien, adjoint au maire de Nancy ; M. Gavet, président de l'Alliance française ; MM. Güntz, professeur à la Faculté des sciences ; Bourcart, Lespine, de Roche, membres du comité de l'Alliance, etc., etc.

Le docteur Chrétien a prononcé une courte allocution de bienvenue. Il a regretté que les nouveaux hôtes anglais n'aient pu participer à la belle réception d'hier soir ; il les assure des sentiments de vive sympathie de la population nancéienne.

Le colonel Parkington, consul général du Monténégro à Londres, délégué général de l'Alliance franco-britannique, répond au docteur Chrétien et le remercie chaleureusement.

Puis les membres de l'Alliance franco-britannique prennent place dans les landaus et se dirigent vers le Grand-Hôtel.

Ajoutons qu'une foule assez nombreuse se pressait aux abords de la gare et a fait à nos nouveaux visiteurs une discrète ovation.

 M. Picard et le Colonel sir J. Roper Parkington

Mr PICARD, Membre de la Chambre de Commerce française de Londres. Délégué de l'Alliance franco-britannique.

et le Colonel Sir J. Roper PARKINGTON, Consul général du Montenegro à Londres. Délégué de l'Alliance franco-britannique.

Le premier banquet de l'Exposition

Affiche de la Grande Semaine Anglaise de l'Exposition de Nancy en 1909Le premier banquet officiel de l'Exposition de Nancy a eu lieu mercredi soir, au Consortium des Brasseries, en l'honneur des hôtes anglais.

Comme il est fatal dans l'organisation des grandes fêtes, il y eu quelque retard — accepté de bonne humeur, au surplus — dans l'heure d'ouverture de ces agapes.

Leur menu était illustré d'un dessin symbolique dû au beau talent de notre concitoyen M. P.-R. Claudin.

M. Beauchet, maire de Nancy, présidait une réunion de 300 convives environ, dont un certain nombre avaient pris place dans le jardin.

M. Beauchet avait à ses côtés le président du London County Council, le général Langlois, sénateur ; le général Pau, commandant le 20e corps ; M. Yves Guyot, ancien ministre ; M. Vilgrain, président de la Chambre de commerce ; M. Villain, président de la Société industrielle ; M. Bovier-Lapierre, secrétaire général de la préfecture ; le général Balfourier, commandant la 22e brigade d'infanterie ; M. Léon Goulette, président de l'Association de la presse de l'Est ; M. Sire, représentant du Nord français à Londres ; M. Laffite, directeur général de l'Exposition, etc. etc.

Bien entendu, les hôtes anglais, dont nous avons donné antérieurement les noms, étaient tous présents, et plusieurs dames jetaient parmi les sévères habits noirs la note claire de leurs élégantes toilettes.

Après un banquet très gai, tout rempli d' « entente cordiale », M. Beauchet se lève le premier.

Toast du maire

Le maire de Nancy — dit-il en substance, — réserve au préfet le plaisir de porter demain la santé du président de la République et du roi Édouard VII. Cependant si aujourd'hui les convives portent ce toast tacitement, ils ne le font pas moins chaleureusement. (Applaudissements.)

M. Beauchet adresse ensuite l'expression de toute sa gratitude aux membres du London County Council, qui se sont dérangés pour venir à Nancy. Seul, jusqu'à présent, en effet, Paris, a eu le choix de leur visite.

L'orateur voit dans la préférence marquée de nos hôtes pour Nancy, une nouvelle preuve de la vive sympathie et de l'entente cordiale entre deux grandes nations « entente » supérieure à certaine complications diplomatiques plus ou moins éphémères.

Si Nancy a été choisie par les délégués du London County Council, ajoute encore M. Beauchet, c'est que c'est un des boulevard de la France, où l'énergie et le patriotisme sont puissamment développés.

*

* *

L'orateur évoque encore les fastes de l'Exposition de Londres, à laquelle il se rendit l'année dernière ; il rend un hommage à l'exactitude qui a présidé à l'installation de l'Exposition des chemins de fer anglais cette année à l'Exposition de Nancy.

M. Beauchet tient tout particulièrement à saluer M. Sire, l'homme infatigable et dévoué, qui unit dans une âme d'élite les affections françaises et anglaises.

M. Beauchet lève finalement son verre en l'honneur du London County Council, puis il donne la parole à

Sir Melvil Beachcroft

Mais la musique du 69e, que dirige son chef, M. Lamy, entonne le God save the King, que les convives anglais reprennent en chœur.

L'audition terminée, le président du London County Council, d'une voix forte, bien articulée, prononce une allocution de remerciements pour l'accueil enthousiaste ménagé par la population nancéienne.

L'orateur s'attache ensuite à montrer tous les féconds résultats produits par ces visites municipales.

C'est ainsi qu'on apprend à mieux se connaître, s'estimer et s'aimer.

On fait disparaître de fâcheux malentendus et de regrettables méprises.

Sir Melvil rappelle ensuite qu'il a vu avec plaisir glorifié à Nancy Saint-Georges, qui est le patron de l'Angleterre et il tient à saluer la noble mémoire de Jeanne d'Arc « auguste sainte du patriotisme ».

Sir Melvil passant à un autre ordre d'idées, fait un historique succinct des diverses expositions qui se sont succédées depuis le siècle dernier.

Il formule ses meilleurs vœux pour la réussite de celle de Nancy. (Applaudissements.)

M. Laffite

Le directeur général de l'Exposition prononce une allocution d'un ton littéraire, véritable article documenté de revue.

L'orateur rappelle tout d'abord les impressions de voyages d'un Anglais, Arthur Young, qui, à la fin du siècle dernier, fit un vif éloge de Nancy.

Puis l'orateur trace un tableau de l' « effort lorrain » qu'il compare à l' « effort anglais » ; il s'attache à en dégager les caractéristiques et les points communs.

Même modestie, même ténacité laborieuse, même patiente application au travail.

L'orateur évoque le magnifique mouvement de la métallurgie lorraine et il dit tous les espoirs féconds que réserve la visite des hôtes anglais à l'Exposition de Nancy.

Parlant de cette Exposition, M. Laffite proclame avec ardeur tout la foi qu'il a dans sa réussite, dans la synthèse de l'âme lorraine qu'elle représente.

Les hôtes anglais lui apportent les plus précieux encouragements et M. Laffite lève son verre à l'Angleterre. (Applaudissements.)

Toast de M. Sire

La série des toasts a été close par M. Sire, qui, modestement, reporte sur M. Marcel Knecht les éloges que lui a décernés M. Beauchet.

Celui-ci fait battre un triple ban en l'honneur de M. Sire, puis il invite les convives à se rendre au feu d'artifice.

La Fête de nuit

Si c'est pour nous tremper dans un bain d'admiration qu'annoncée pour neuf heures, la fête de nuit ne commence réellement qu'à dix heures et demie, on a réussi.

Tout de même, on se lasse des meilleures choses. L'admiration fatigue. Les curiosités s'impatientèrent. Un ciel d'orage menaçait. Par mesure de précaution, les gens prudents se tinrent aux abords des issues et une hâte d'abandonner le parc Sainte-Marie, précipita dans une bousculade effrénée les voyageurs qui escaladaient les derniers tramways.

A propos des tramways, il est utile de signaler à la direction que les voitures circulaient en nombre insuffisant. Impossible de se caser. Au Point-Central, des familles entières se résignèrent à un « poireau » qui préparait une autre attente — non moins désagréable — devant le hangar des Fêtes.

Mais comme il est convenu qu'en temps d'Exposition, les petites misères, les mésaventures donnent de l'attrait, du piquant, de l'intérêt et une exceptionnelle saveur aux incidents, ne nous plaignons point : On nous accuserait de rompre une trêve.

D'ailleurs, elle fut jolie et pittoresque à souhait, la fête vénitienne. Avec un brin d'imagination, les jardins fabuleux de Sémiramis, les parterres somptueux de la Rome païenne se seraient épanouis en fleurs magiques de rêve sous ce ciel qui sillonnaient par intervalle, les brusques flammes du projecteur électrique.

Dès la porte Jeanne d'Arc, la perspective lumineuse trouait les ténèbres d'un double rang de mâts, reliés entre eux par les guirlandes de lanternes japonaises aux dessins, aux couleurs bizarres, aux formes rappelant le profil ondoyant des pagodes.

Comme une merveilleuse éclosion de fruits, les « ballons » chargeaient les branches dont l'enchevêtrement se précisait en traits sombres parmi les clairs feuillages.

Tout près, une musique aux notes primitives célébrait une naissance dans le village sénégalais ; l'ossature de quelque attraction s'érigeait ; les cris effrayés, les rires d'une nervosité que le vestige affole, les sifflets d'une locomotive dénonçaient l'animation d'une enivrante kermesse.

— Eh bien, les Anglais ne diront pas que nous engendrons la mélancolie… Constataient les promeneurs.

Il est huit heures et demie, quand la foule assiège les guichets. Nos hôtes Britanniques viennent d'arriver ; leur retard est de mauvais augures ; mais on se console momentanément au spectacle de la féerie qui éclate de toute part.

Le dôme élégant du Hangar des Fêtes s'enlève avec grâce, soutenu par le dessin horizontal des entablements où s'appuie sa base : les lignes éblouissantes montent, se croisent, se déplacent à mesure qu'on se rapproche — et bientôt, le monument dresse entièrement sa silhouette.

Une illumination a giorno met en valeur les lampes Beck. Déjà, la porte Jeanne d'Arc, avec ses ressorts aux spirales énormes, avec ses engrenages titanesques, accusait les moindres détails de sa structure, grâce aux vingt-cinq ou trente mille bougies que les lampes Beck sont capables de fournir.

Par instant, un parapluie s'ouvre ; des gouttes s'écrasent lourdement sur les mains tendues dans un geste qui constate l'imminence de l'orage ; un souffle violent roule en tourbillons la poussière ; les moires de la pièce d'eau, troublées par les frémissements du vent, font trembler les reflets lumineux qui ont l'air de vriller profondément la nappe liquide :

— Pourvu qu'il ne pleuve pas !

Cette crainte gâte un peu le plaisir qu'éprouve la foule dans un décor où le regard se grise à suivre, l'innombrable et splendide rayonnement de la fête.

On trouve le temps long. L'attente, même sous la fraîcheur des ombrages, même aux terrasses où moussent les bocks, même sur les sièges commodément répartis dans les allées, l'attente, disons-nous, commence à suggérer quelques réflexions désobligeantes.

Il est dix heures.

Vingt mille personnes emplissent le parc Sainte-Marie. Chacun choisit sa place ; mais l'immobilité devient une fatigue. On risque alors un tour de promenade.

Le banquet touche à sa fin. Cette nouvelle ragaillardit. Du coquet établissement élevé par le Consortium des brasseries de l'Est s'échappe en sonores bouffées un répertoire qu'interrompent les hymnes nationaux de l'Angleterre et de la France :

— Allons ! on prononce les toasts !

Nous avançons vers le terrain Blandan. La foule est compacte ; elle se tient au long des pelouses semées de lampes blanches, vertes, bleues et rouge, toutes pareilles à des vers-luisants dans l'herbe.

Un cordon tricolore court d'un bout à l'autre du parterre : Au milieu, fixées à l'extrémité de roseaux flexibles, des lampions japonais se balance mollement sous les caprices de la brise fraîche ; la vasque centrale frissonne et déforme en les réfléchissant les contours lumineux des palais qui s'y mirent.

Décidément, l'averse se montre indulgente. Son avertissement n'a ému personne. Elle épargnera les réjouissances populaires ; elle respectera les manifestations de l'Entente cordiale. Tant mieux !

Le faîte du palais de la Métallurgie est jalonné de mâts où flottent les drapeaux amis. Les courbes symétriques des portes sont séparées, tout en haut, par une sorte de foyer qui tord ses flammes. Une lueur d'incendie en accuse le reflet et rien n'est impressionnant comme la vision de cette forge ouverte violemment dans la blancheur crue de la façade.

En face, le palais de l'Alimentation, des Sciences, de l'Enseignement proclame avec autant de force et d'audace la suprématie de l'Art nouveau, la magnifique et définitive consécration d'un style que l'École de Nancy a fait universellement triompher.

On a eu grand soin, par exemple, d'en interdire l'accès au public ! Des chariots, de lourds camions, des caisses bariolées d'étiquettes, des monceaux de plâtras, témoignent éloquemment que rien n'est encore prêt dans ses galeries. Plus loin le palais des Textiles et le fameux Hangar des Fêtes trahissent le même abandon :

— On y travaille jour et nuit… Les équipes se relèvent sans arrêt… On met les bouchées doubles… nous dit le gardien.

Soit! Nous aimons mieux le croire que d'y aller voir. Il nous suffit de contempler les pylônes dont l'arête éblouissante se découpe sur un ciel d'encre, les motifs de la Chasse et de la Pêche, les lignes régulières que multiplie leur architecture dans le majestueux épanouissement de la fête.

Boum !

Une bombe, puis une autre bombe éclatent. La foule pousse des hurrahs. Son supplice est terminé et l'énervement de sa longue attente s'exhale dans une véritable clameur de soulagement.

Des feux de bangale jaillissent ; le projecteur électrique promène en tournant ses clartés d'améthyste et d'émeraude sur le moutonnement subitement révélée des massifs d'arbres.

Tout le paysage est comme inondé d'un fantastique éblouissement. On applaudit. On devine l'arrivée de nos hôtes — et c'est alors une formidable ovation qui les salue, en même temps que les artificiers allument un motif représentant le roi Édouard VII.

La musique militaire exécute le God save the King. Les dernières notes se perdent parmi les : hip ! hip ! hip ! hourrah ! Vingt mille poitrines acclament. L'impression est saisissante.

Un panneau, maintenant flambe. On y lit ces paroles de bienvenue : Welcome to the L. G. G., qui achèvent lentement de se consumer, pendant que l'orchestre joue un léger et enthousiaste allegro.

Enfin, le portrait du président de la République s'embrase dans un rapide crépitement et, aux accents de la Marseillaise, la délégation britannique se lève, exprime sa satisfaction, sa gratitude en agitant des mouchoirs, des chapeaux, en battant des mains, frénétiquement.

On croyait assister à un feu d'artifice. Il y en eut une courte déception. Mais, comme onze heures du soir conseillaient la retraite, le public se dirigea vers les portes — et l'averse précipita le désarroi général.

Devant la porte monumentale, une file interminable d'autos, de fiacres, de landaus s'ébranla bientôt, emmenant les Anglais et les personnages officiels vers un repos qu'ils ont bien gagné.

ACHILLE LIÉGEOIS.


BmN Kiosque lorrain

L'Est républicain du vendredi 4 juin 1909

La Semaine anglaise à Nancy

La journée de jeudi

La visite de l'Exposition

Le programme de la journée de jeudi comportait une visite de l'Exposition.

Nos hôtes anglais y sont arrivés vers dix heures en landaus. Ils ont été reçus par M. Michaut, premier adjoint ; M. Vilgrain, président de la Chambre de commerce ; M. Villain, président de la Société industrielle de l'Est ; M. Laffitte, directeur de l'Exposition, etc., etc.

M. Laffitte a conduit les Anglais à l'entrée du palais des Fêtes, où était étalé un plan de l'Exposition ; il a indiqué aux visiteurs les principaux palais et leur à donné une idée générale de l'Exposition de Nancy.

Ensuite, un cortège s'est formé pour la visiter sous les ordres du commandant Dambliermont, chef des gardes.

En tête venait un sous-brigadier porteur d'un fanion aux couleurs britanniques.

Les spahis algériens, superbe dans leur tenue de cérémonie, assuraient également le service d'ordre.

Constatons avec plaisir tout d'abord que l'Exposition de Nancy a produit sur nos hôtes anglais la plus favorable des impressions. Ces jours derniers, on avait, en effet, travaillé avec une admirable ardeur, de façon à leur laisser le souvenir d'une noble et puissante manifestation.

Tout à tour, ils virent les palais de l'Électricité, de la Métallurgie avec toutes leurs machines admirablement réglées.

Ici, c'est la précision des dynamos ; plus loin, toutes les combinaisons de la mécanique montrant leurs ressorts aussi compliqués qu'ingénieux.

Et la visite se poursuit, au milieu des exclamations laudatives.

L'exposition apparait comme une véritable ruche en éveil. M. Pignot, le sympathique président de la Fédération des commerçants, est très chaudement félicité pour les merveilles qu'il a su réaliser. Tout le monde a pris à cœur de redoubler d'efforts. C'est ainsi que M. Barghon, le couturier bien connu de la place Saint-Jean, a réalisé un véritable tour de force en exposant de délicieux « mannequins » revêtus de robes somptueuses.

Nous traversons les salles où les ouvriers s'affairent. M. Laffitte donne le bras à lady Mellvill Beachcroft, souriante dans ses bandeaux blanc, qui la font ressembler à une marquise du grand siècle. Le président du London County Council, son mari, a un mot aimable pour chaque exposant.

Le cortège s'arrête particulièrement devant les cristaux de Baccarat ; M. Henri Michaut est félicité par sir Mellvill, à qui on présente Mme Adrien Michaut, femme du maire de Baccarat, et sa fille.

Mais l'heure presse. Il faut regagner les landaux, car le programme de la matinée comporte encore une

Réception à la Chambre de commerce et à

la Société industrielle de l'Est

Et par les rues pavoisées, dans une atmosphère timidement rafraichie par une pluie modeste, on gagne la chambre de commerce, rue Gambetta.

Là, M. Sire lit en anglais une allocution de bienvenue adressée par M. Vilgrain, président de la Chambres, à nos hôtes.

Cette allocution définit également le rôle et le but de la Chambre de commerce ; elle explique l'utilisation de son nouvel hôtel et les diverses œuvres auxquelles elle accorde son patronage.

*

* *

On redescend maintenant à la Société industrielle de l'Est, installée, comme on le sait, à la Chambre de commerce.

Discours de M. Villain

Là, un discours de M. Villain est traduit par M. Marcel Knecht. Ce discours montre l'analogie de la Société industrielle de l'Est avec l'« Iron Steel institute anglaise ».

La Société industrielle a pour but l'étude des questions d'ordre technique, scientifique, économique, législatif, social, concernant l'industrie en général.

La Société industrielle de l'Est rapproche heureusement les diverses industries les unes des autres ; elle organise des réunions commerciales qui facilitent les transactions. Elle s'attache à créer d'intimes rapports avec les membres de l'Université, membres correspondants.

La Société s'occupe aussi d'organiser des conférences de vulgarisation.

C'est ainsi que les trois dernières ont portées sur les sujets suivants : « Les minerais de Suède ; Aérostation et aviation ; Sauvetage dans les milieux irrespirables. »

La Société publie encore un bulletin mensuel.

Elle organise des cours de comptabilité et de sténographie pour employés de commerce.

Elle donne des prix au Cercle du travail, aux Cours professionnels et à l'Institut chimique, des médailles aux ouvriers ayant 20 ans de service ou ayant fait des inventions.

On verra à l'Exposition une école d'apprentissage au travail.

La Société industrielle a donné un concours, direct et important à l'Exposition.

*

* *

Nos hôtes anglais applaudissent ce brillant exposé. On se rend ensuite

A la salle des fêtes

Là, un lunch est servi et M. Vilgrain, président de la Chambre de commerce, prononce en anglais une allocution dont voici la traduction :

« Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs,

Soyez les bienvenus à la Chambre de commerce de Nancy. Un économiste a dit que les Anglais étaient les meilleurs clients de l'industrie française. A ce titre déjà vous avez droit aux égards d'une assemblée composée d'industriels et de négociants et nous sommes heureux de vous accueillir.

Mais nous savons que votre visite à Nancy, comme la nôtre l'an dernier à Londres, ont une portée plus grande, un idéal plus élevé qu'un simple échange de marchandises.

Votre gouvernement et le nôtre se sont fait les champions de la paix mondiale et ils ont compris que si les Dreadnoughts et les bonnes armées étaient indispensables pour assurer cette paix, les bons rapports et les bons traités n'étaient pas chose négligeable.

De là cette entente cordiale, dont nos visites ne sont que des épisodes et qui vaudra au roi Édouard et au gouvernement de la République une gloire plus durable que les plus éclatantes conquêtes.

Mesdames, permettez-moi de vous offrir quelques fleurs de France. Elles se faneront probablement avant que vous ayez quitté notre Lorraine, mais ce qui vous suivra et qui repassera le détroit avec vous, c'est notre respectueuse sympathie, et notre gratitude pour votre aimable visite.

Messieurs, nous avons l'habitude d'offrir un jeton de présence à ceux qui participent aux travaux de la Chambre de commerce.

Nous avons travaillé ensemble aujourd'hui à rapprocher encore nos deux nations.

Veuillez accepter ce modeste témoignage du souvenir ému que nous garderons de votre visite. » (Applaudissements répétés.)

Réponse du président du L. C. C.

Le président du London County Council remercie avec effusion M. Vilgrain ; il assure qu'il conservera de l'accueil réservé à ses collègues et à lui par l'élite de la population nancéienne un inaltérable souvenir.

Nouveaux applaudissements. Les fleurs sont distribuées aux dames.

Les membres du London County Council se montrent particulièrement flattés du souvenir de Nancy qui leur a été remis. Il représente la place Stanislas avec les armes de notre ville.

Ajoutons que la maison des Magasins Réunis a fait remettre à sir Melvill Beachcroft, un très beau cliché de l'arrivée des Anglais à Nancy.

Mais il est midi vingt. Le moment est venu de se rendre de nouveau à l'Exposition où est organisé au Consortium des brasseries un déjeuner en l'honneur de l'Alliance franco-britannique.

Une interview de M. Sire

Nous avons interviewé M. Sire, le représentant de la Compagnie du Nord français à Londres. M. Sire nous a prié de dire au public nancéien, de la part des Anglais, combien leur avait été sensible la façon dont notre journal avait souligné la manifestation de nos hôtes à la statue de Jeanne d'Arc.

« Vous avez su montrer — nous a déclaré M. Sire — et apprécier la continuité d'un noble geste. Les membres du conseil municipal de Paris n'ont-ils pas apporté une couronne au monument de Nelson, le vainqueur de Trafalgar. Et quoi de plus éloquent que cette autre couronne de Jeanne « la bonne Lorraine » en sa chère petite patrie. »

Ainsi s'exprima M. Sire avec son autorité habituelle et sa claire compréhension des réalités de l'heure présente.

Léon PIRÈYRE.

Le deuxième banquet

Le comité de Nancy de l'Alliance française avait invité, comme on le sait, les membres de l'Alliance franco-britannique anglaise à un déjeuner, qui a eu lieu au Consortium des Brasseries.

Le banquet comprenant 130 couverts, était présidé par M. Yves Guyot, ancien ministre.

Notons, la présence du général Langlois, sénateur ; de M. de Ludre, député ; de M. Gavet, président de l'Alliance française ; de MM. Lespine, secrétaire général et Villemin, trésorier du comité de Nancy, etc., etc.

A l'heure des toasts, M. Yves Guyot, prend le premier la parole ; il fait un vif éloge de l'Exposition de Nancy et du cadre charmant dans lequel elle se déroule.

Il a tenu à dire que c'était l'un des convives, le colonel Robert Parkington, délégué de l'Alliance franco-britannique, qui avait le premier, en 1895, trouvé le terme si heureux d' « entente cordiale ».

L'orateur lève finalement son verre au roi Édouard VII, au président Fallières et « aux députés de l'Entente cordiale ». (Applaudissements.)

MM. Lespine, Gavet, Knecht et de Mont ont successivement pris la parole en des termes très appréciés ; ils ont montré tous les bienfaits d'une cordiale entente franco-anglaise.

Bien entendu, des photographies ont été prises pour commémorer le souvenir de cette si cordiale réunion.

*

* *

Disons, enfin, qu'entre quatre et cinq heures, les journalistes anglais furent reçus au pavillon de la presse, à l'Exposition, par les membres de l'Association de la Presse de l'Est.

*

* *

Un peu avant six heures, a eu lieu la réception des délégués anglais par le Cercle des étudiants.

Il y a eu un peu de retard, mais on s'est rattrapé par l'entrain.

Il y a eu, toasts, champagne et musique. M. le président des étudiants a parlé en fort bons termes de l'Angleterre, et lui a été répondu de même. la musique a exécuté tout à tour le God save the king, la Marseillaise et Sambre-et-Meuse.

Les hip ! hip ! hurrahs ! et les bans à queues doubles et même triples ont dignement couronné cette réception.

*

* *

Jeudi après-midi a eu lieu une garden-party à laquelle ont pris part nos hôtes, au château de Malakoff, à Saint-Max, appartenant à M. Noël, membre du comité franco-britannique de Londres.

Le grand Gala de l'Hôtel de ville

Jeudi soir, eut lieu dans le grand salon de l'hôtel de ville le banquet officiel auquel prirent part environ 300 convives.

M. Beauchet, maire de Nancy, présidait, ayant à ses côté MM. Bonnet, préfet de Meurthe-et-Moselle, en grand uniforme ; le président du L. C. C. ; le général Pau, commandant le 20e corps ; le général Langlois, sénateur ; MM. de Ludre, Grillon, Méquillet, députés ; les principaux délégués anglais ; M. Vilgrain, président de la Chambre de Commerce, et, en un mot la plupart des notabilités de Nancy et de lrégion.

Tous ces messieurs sont en uniforme, le général d'artillerie Turner, en tunique rouge brodée d'or ; un autre Anglais, M. Crampton, le vice-président du L. C. C., est également en tunique rouge, avec broderies et épaulettes d'argent, — quoiqu'il ne soit pas militaire. — Mais il porte l'uniforme, avec épée à poignée de nacre, en qualité de « lieutenant du comté de Londres ». Les autres membres du L. C. C. sont en frac d'ancienne coupe avec boutons d'aciers. (On sait que les Anglais sont très fidèles aux vieilles traditions, dans leurs vêtements, comme en bien d'autres choses).

A huit heures, on annonce : « Monsieur le maire de Nancy est servi ».

Toutes les dames, anglaises et françaises, sont en robe de soirée, décolletées. L'aspect de la salle est agréablement enchanteur. Les militaires français sont en uniforme. Tous les autres convives sont en habit.

*

* *

Banquet très bien servi, par les soins de la maison Walter.

Mais voici l'heure des toasts. M. Bonnet se lève.

Toast de M. le préfet Bonnet

M. Bonnet a une voix pleine et portant fort bien. Il porte, en quelques paroles bien martelées, le toast loyal au président Fallières.

La musique du 69e joue la Marseillaise. Tous les assistants se lèvent.

L'air national exécuté, M. Bonnet reprend la parole pour porter un toast, au roi Édouard VII d'Angleterre. Il loue ses efforts pour assurer, de concert avec la République française, la paix du monde. (Longs et répétés applaudissements.)

La musique joue le God save the king qui est entendu debout, par l'assistance.

Toast de M. Beauchet

M. le maire de Nancy évoque l'Angleterre, le plus ancien pays constitutionnel de l'Europe, où l'on sait pratiquer la liberté pour soi, respecter la liberté pour autres, et où les sentiments religieux sont également respectés. (Applaudissements.)

Jetant un coup d'œil sur l'histoire, M. Beauchet dit que Nancy est la capitale de la Lorraine, de ce pays où naquit Jeanne d'Arc qui, il y a cinq siècles, fut l'adversaire, non l'ennemi des Anglais. Ceux-ci aujourd'hui, honorent en elle l'incarnation la plus pure du patriotisme français.

(Nous reviendrons — pour en donner des extraits in-extenso, sur ce discours, d'un style nourri, étudié, et ardent dans ses aspirations et dans ses allusions).

Toast de sir Melvill Beachcroft

Le président du conseil du comté de Londres, lit une longue, mais substantielle allocution, dans laquelle après avoir complimenté la ville de Nancy, il « présente » à son auditoire la cité de Londres, avec ses cinq millions d'administrés, sont territoire immense, son budget, ses dépenses diverses d'édilité, la surface de ses rues, parcs, etc., etc.

Le toast de l'honorable président anglais est bourré de chiffres ; nous aurons probablement l'occasion de citer les plus intéressants d'entre eux.

Sir Melvill Beachcroft termine en portant un toast à la santé de son collègue, le maire de la capitale lorraine.

Cette allocution, lue d'une voix lente, avec beaucoup de conscience, a été écoutée avec respect par tous les auditeurs. Les convives français étaient profondément touchés de l'application apportée par sir Beachcroft, pour lire distinctement, en la langue française, qui ne lui est pas très familière, ce remarquable travail sur le comté de Londres.

Toast du général Langlois

L'honorable sénateur de Meurthe-et-Moselle excuse M. Mézières, dont la présence était attendue. Il apporte à l'Angleterre et à son Parlement, — le plus vieux du monde, — le salut des membres du Parlement français, présents à ce banquet.

Puis, le général, de sa voix claire de commandement, boit à l'armée anglaise.

Il rappelle les souvenirs du passé de mi-séculaire, la Crimée, l'Alma, Balaklava, Inkerman… Les batailles où combattirent côté à côte les deux armées alliées.

Le général Langlois, termine en buvant à l'armée anglaise, son toast qui a excité un vif intérêt, a ému beaucoup nos hôtes anglais — toast sur lequel nous aurons, également, l'occasion de revenir.

Toast du général anglais Turner

Nous en dirons autant du toast porté en français, par le voisin de table du général Langlois, par le général d'artillerie Turner.

L'honorable général parla d'une voix basse, et avec une certaine émotion.

Toast de M. Crampton

Au contraire, le vice-président du L. C. C., dans son magnifique uniforme rouge, noir et argent, a une vois de véritable orateur (il est d'ailleurs membre du Parlement.) Seulement, il parla en langue anglaise, longuement et élégamment. Les compatriotes l'écoutaient avec une satisfaction visible, et, nous, avec le plaisir qu'on éprouve — même quand l'on ne comprend pas — à entendre un organe bien timbré et une parole facilement abondante.

Toast de M. Léon Goulette

Au nom des membres de la presse, M. Léon Goulette est heureux de saluer les hôtes anglais, tout spécialement — devant cette brillante assistance — ses confrères venus de Londres, et d'exprimer l'admiration que mérite la presse anglaise pour sa vigueur, son énergie et son activité, pour le rôle considérable qu'elle joue dans les destinées de l'empire britannique, de la puissance, de la grandeur, de la splendeur duquel elle est, de très vieille date, une des plus solides assises, un des flambeaux, un des remparts. (Vifs applaudissements.)

Toast de M. Beaman, doyen de la presse anglaise

Au nom des journalistes britanniques, M. Adrem Hulme Beaman, exprime sa reconnaissance pour l'accueil fait par la ville de Nancy. Il remercie son confrère lorrain et français des paroles flatteuses décernées à la presse anglaise. Il s'attache ensuite, en termes très aimables, à faire ressortir le charme des journaux français. Il constate que notre presse est très goûtée en Angleterre. Chaque jour, les organes britanniques publient des colonnes d'extraits des journaux français.

Il y a vingt, on n'aurait pas eu l'idée de cela ! Aussi l'entente cordiale se manifeste-t-elle sur ce terrain comme sur d'autres!

M. Beaman termine par le cri de : « Vive la presse française ! » et se rassied au milieu des applaudissements et des marques de sympathie.

*

* *

Presque aussitôt après, éclatent les premiers notes de la retraite. Chacun quitte sa place ; les balcons sont remplis en un instant.

Les visiteurs anglais à qui l'on a, naturellement réservé les meilleurs places aux balcons, ne se lassent pas d'admirer la correction, la souplesse, et le brio, tout à la fois de nos soldats, ainsi que la belle ordonnance de la place Stanislas, ponctuée par les rampes de gaz et d'électricité, et, certes, l'aspect de la place est absolument féérique.

Des milliers et des milliers de spectateurs sont massés sur la place, se maintenant dans un ordre parfait. — Un de nos collaborateurs décrit, dans un article qu'on lira plus loin, ce tableau véritablement enchanteur.

Après la retraite, la soirée se prolongea encore quelque temps dans le salon de l'hôtel de ville, où l'on eut la surprise d'une visite des étudiants qui défilèrent, un drapeau anglais en tête, entre les tables et dans un joyeux brouhaha.

Sur la place Stanislas

Une foule de vingt mille personnes salue les invités de la municipalité

Concerts militaires

Nos hôtes emporteront de leur court séjour parmi nous un inaltérable souvenir. La capitale de la Lorraine s'est parée de ses merveilleux atours pour offrir à ses éminents invités une réception, un accueil, une hospitalité dignes d'eux.

La soirée de jeudi comptera parmi les fastes nancéiens. Vingt mille personnes, massées sur la place Stanislas, ont longuement acclamé la délégation du London Couty Council ; les musiciens et les fanfares de la garnison on multiplié leur sérénades et c'est au rythme entraînant des marches militaires, que, sous les fenêtres de l'hôtel de ville, défilèrent cavaliers et fantassins.

Le spectacle de la place Stanislas est indescriptible. Aussi loin que le regard s'étend, on distingue comme une marée humaine. Un sourd murmure emplit l'air. Le service d'ordre rencontre une foule docile, aimable, disciplinée, rompue déjà aux ordres de la troupe et de la police, aux consignes qu'elle écoute et qu'elle subit avec une humeur tranquille.

M. Flury, commissaire central, dans un splendide uniforme tout neuf, dirige en personne le service d'ordre. Deux commissaires, M. Rienhard et Faisant, établissent, vers huit heures et demie, les barrages.

La circulation des voitures est complètement suspendue. Les curieux sont maintenus sur les trottoirs et un espace large d'environ huit mètres est ménagé autour du vaste quadrilatère que forme la place, de manière à ménager une sorte d'allée où passeront hussards, spahis, artillerie, infanterie, dans la somptuosité d'un féérique décor.

Cette organisation paraît très heureuse.

La ligne rouge des pantalons garance trace une double haie. Les soldats sont en grande tenue. Ils s'appuient sur leurs flingots et, par instants, font sonner la crosse sur le pavé :

— Hé ! ne poussez pas si fort… Garder bien vos places de parterre… Y a pas de toges ni de galeries.

Ah ! comme l'atmosphère s'imprègne de la douceur estivale… Un souffle nous apporte de la Pépinière l'ivresse des tilleuls en fleurs. La sensation que dégage la proximité des verdures dégage aussi une fraîcheur, une poésie qui tient le public sous le charme. Au loin grouille un tumulte de chapeau de paille. Des groupes s'agglomèrent, compacts. Les papas indulgents hissent sur leurs épaules une marmaille joyeuse ; les femmes se hissent sur la pointe du pied. Tout le monde veut voir quelque chose — et l'on envie sincèrement les spectateurs privilégiés qui garnissent les balcons et les toitures de la place.

L'intérêt se concentre sur l'hôtel de ville splendidement pavoisée. Écussons, trophées chargées de drapeaux, oriflammes, banderoles, cartouches, où apparaissent en lettre de feu les initiales R. F. ; cette décoration alterne avec les baies larges et lumineuses des fenêtres ouvertes sur le salon du banquet.

Au milieu de la place, émergent au-dessus de la multitude, la statue érige la sobriété de son piédestal ; le geste du bon Stanislas se perd dans l'envahissement d'une nappe d'ombre que laissent intacte les rampes électriques courant autour des pavillons.

Les terrasses présentent un aspect des plus attrayants, quand par intervalles, les feux de bengale révèlent la masse énorme des spectateurs.

Voici la musique

A 9 h. 45, les musiques militaires débouchent de la rue Sainte-Catherine, passent devant le Grand-Hôtel et s'arrêtent enfin devant la façade de l'hôtel de ville, dans un ordre dont rien ne dérange l'impeccable correction.

Aux premiers rangs, tambours et clairons, soigneusement astiqués comme pour une revue de parade, resplendissent ; le cuivre des instruments brille et de détache en note claire sur la masse confuse des uniformes. A droite et à gauche, les cavaliers. Au fond, les soldats portent des lanternes au bout de longues perches.

Les quatre spahis accaparent l'attention. Ils ont été l'objet d'une flatteuse ovation, lorsque leurs burnous éclatants ont surgi en tête du peloton de hussards, sur la place enveloppée d'une lueur d'apothéose.

Flammes de bengale… L'Arc-de-Triomphe, avec son triple porche, barre entièrement la perspective de la rue Héré où se succèdent les éblouissantes arcades des entresols ; plusieurs centaines de têtes garnissent les fenêtres. La dorure des grilles, des lampadaires se colore de reflets rougeâtres. le coup d'œil est merveilleux

Encore des flammes de bengale… Cette fois, elles jaillissent en même temps, derrière les fontaines de Neptune et d'Amphitrite, mettant comme l'embrasement d'un prodigieux incendie parmi le clair retroussis des feuillages. Le square de la Rotonde et la terrasse de la Pépinière s'égaient dans le décor — et l'on aperçoit avec une surprise étonnée les motifs de Guibal supportant des grappes humaines.

Dix heures sonnent.

M. le chef de musique Hubert, du 26e régiment d'infanterie, qui dirige l'exécution du programme, fait un signe. Un long roulement de tambour domine la rumeur pareille à celle des flots.

Déjà les ovations éclatent ; elles se déchaîneront en une immense acclamation, quand la présence de nos hôtes aux balcons de l'hôtel de ville sera saluée par un God save the king, joué par les quatre musiques de la garnison.

La foule pousse à perdre haleine des : Hip ! Hip ! Hip ! Hourrah ! interrompus seulement par l'exécution du Père la Victoire, la marche d'Aïda sonnée par les fanfares de l'artillerie et des hussards, la Marche Lorraine et la Marseillaise.

Notons ce détail que les hymnes nationaux e l'Angleterre et de la France furent écoutés sans que — à de trop rares exceptions près — les fronts ne soient découverts sur la place Stanislas.

La retraite

Les troupes se préparent pour le défilé. Les instructions ont stipulé que « la dislocation s'effectuerait au fur et à mesure de l'arrivée de chaque musique devant la rue qu'elle doit prendre pour suivre l'itinéraire de sa retraite particulière ».

Lentement, elles font le tour de la place dans l'ordre suivant : fanfare des hussards, spahis, artilleurs portant les torches, fanfare des artilleurs, piquet de fantassins en armes, musique des 37e, 79e et 69e d'infanterie.

En arrivant à la hauteur de la rue Sainte-Catherine, chacun des groupes se détache et défile aux applaudissements d'une multitude enthousiaste. Les barrages sont rompus… Le public se bouscule joyeusement, afin de rejoindre celle des quatre musiques qui ramèneront chez eux les spectateurs de cette manifestation inoubliable en l'honneur de l'Entente cordiale.

A minuit, l'animation des brasseries prouve mieux que tous les arguments que, si on lui offrait un sujet de distraction, la population de Nancy aurait bien vite fait d'organiser elle-même cette « vie du soir » que l'on s'évertue à créer.

… Mais la pluie disperse les derniers curieux.

A. L.


BmN Kiosque lorrain

L'Est républicain du samedi 5 juin 1909

La semaine britannique

A Nancy, Toul, Saint-Nicolas & Lunéville

 M. Mullins et Walter Key

Mr MULLINS et M. Walter Key, Membre du L. C. C.

La lettre ci-dessous nous parvient, et là présence d'une importante caravane britannique, dans nos murs, double l'intérêt qu'elle présente, en même temps que les souvenirs historiques qui unissent l'Écosse à la Lorraine, nous font un agréable devoir d'examiner avec un empressement sympathique la thèse de nos correspondants :

Déclaration envoyée d'Écosse

A Monsieur le rédacteur en chef de républicain,

Bureau de la St. Andrew Society, Castel Street, 65, Edimburg (Écosse) Mai 1909

M. LE COMTE DE STAIR, Président honoraire. — M. DAVID MAC RITCHIE, Président. — M. LE COMTE DE CASSILIS, Vice-président. —

Monsieur,

Nous, les membres de la St. Andrew Society (Société de St-André), avons l'honneur d'appeler votre attention sur une erreur de nomenclature, trop commune dans la littérature de France, et qui choque vivement les sentiments du peuple écossais. Ce sont les fréquentes allusions faites aux Iles Britanniques sous la dénomination d'Angleterre, alors que ce dernier nom indique seulement une portion des Iles Britanniques, c'est-à-dire la partie sud de l'île de Grande-Bretagne, sans compter le Pays de Galles. Nous est-il permis de vous rappeler que l'Écosse et l'Angleterre furent des royaumes distincts jusqu'en 1603, année où le roi Jacques VI d'Écosse succéda, comme plus proche héritier, à sa parente Élisabeth, sur le trône d'Angleterre, laissé vacant par la mort de cette reine ? Pendant le siècle qui suivit, les souverains d'Écosse furent aussi souverains d'Angleterre, et administrèrent les affaires d'Écosse avec l'aide d'un Parlement écossais, siégeant à Édimbourg, et les affaires d'Angleterre, d'Irlande, et du Pays de Galles avec l'aide d'un Parlement anglais siégeant à Londres. En (l'année) 1707, sous le règne de la reine Anne, à la suite d'un accord intervenu entre les deux nations, les Parlements d'Écosse et d'Angleterre furent réunis en un seul qui eut son siège à Londres. On trouvera les détails de cette Union de 1707 dans le Traité d'Union de cette époque. L'article premier de ce traité stipule en premier lieu « Que les deux Royaumes d'Écosse et d'Angleterre devront, à partir du premier mai qui suivra cette date (1707) et pour toujours ensuite, être réunis en un seul royaume sous le nom de Grande-Bretagne » — Vous comprendrez facilement que l'honneur de l'Écosse exigeait une stipulation de cette sorte. Le peuple écossais n'aurait pu ni voulu consentir à la perte de son ancien nom, en tant que nom de nation européenne, qu'au cas où l'Angleterre aurait subi, une perte semblable ; les deux nationalités d'Écosse et d'Angleterre se fondant en une seule : celle de Grande-Bretagne.

En 1801, l'Irlande bien que n'étant pas un État souverain, et bien qu'étant restée sous la domination de la Grande-Bretagne, et auparavant sous celle d'Angleterre, fut, par courtoisie, reconnue « nation » et comme telle unie à la Grande-Bretagne pour former « le Royaume Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande ».

« Le Royaume Uni », et « Les Iles Britanniques » sont les équivalents plus courts et plus faciles de cette longue appellation.

Considérant les faits cités plus haut, vous admettrez, Monsieur, que le peuple écossais ressent vivement l'application qu'on fait du terme « Angleterre » pour désigner le « Royaume Uni » dont l'Angleterre n'est qu'une partie. Un Français, en écrivant ou en parlant, n'appelle pas l'Allemagne la Prusse ou les Allemands les Prussiens, bien qu'avant 1870 la Prusse fût le royaume le plus important de l'Allemagne.Il y aurait de la part des Bavarois et autres Allemands une protestation indignée si ceux qui écrivent et parlent français les qualifiaient de Prussiens.

En conséquence pouvons-nous vous demander, Monsieur, de faire votre possible, dans vos éditions pour appliquer à cet archipel les termes généraux de « Royaume-Uni », ou d'Iles Britanniques et l'adjectif britannique à son peuple et à ses affaires en général ? Il semble bien en effet que la langue française n'a pas de nom approprié aux habitants des Iles Britanniques, et cependant nous ne voyons pas pourquoi on n'emploierait pas dans votre pays les termes « Briton » et « Britonne ». Ce n'est pas à nous cependant d'indiquer à un Français quel mot ou quels mots devraient être ajoutés au vocabulaire français. Mais nous vous demandons au nom de l'exactitude historique et géographique, et comme une marque de courtoisie envers peuple écossais, de n'appliquer le terme « Angleterre » qu'au territoire qui s'étend de la Manche à la frontière méridionale de l'Écosse.

Agréez, Monsieur, l'assurance de notre parfaite considération.

Pour les membres de St. Andrew Society :

DAVID MAC RITCHIE.

CASSILLIS.

_____

(En enregistrant cette déclaration dont nous tiendrons certainement le plus grand compte, nous ferons remarquer que, à Nancy, nous avons affaire à des « Anglais », à des Londoniens, ou à des rédacteurs de journaux paraissant à Londres. C'est donc à bon droit que l'on a employé l'expression « semaine anglaise ».

Néanmoins, pour tenir compte des légitimes susceptibilités écossaises, nous modifions notre titre. Il devient « Semaine britannique », l'expression « britannique » ayant, en effet, un sens plus général que l'expression « anglaise ». — (Note de la rédaction).

MM. Easton et White

Mr E.-G. EASTON, Délégué du L. C. C. Ancien maire de Fuhlan et Mr. Edward WHITE, Justice of Places. Vice-président du L. C. C.

Échos du Banquet de FHôtel de ville

Voici la péroraison du toast lu par M. Beauchet, intéressante à lire in extenso.

L'honorable maire de Nancy s'y est déclaré, avec ardeur, et sans la moindre réserve, on le verra, partisan décidé d'une complète alliance — politique et spiritualiste » — avec la Grande-Bretagne ;

Ladies and Gentlemen, nous sommes d'autant plus touchés de votre visite à Nancy, que notre cité est la capitale de la province qui a donné le jour à cette grande héroïne qui fut, il y a près de cinq siècles, non point votre ennemie, mais votre adversaire irréductible.

Mais vous ne voyez plus en elle aujourd'hui que la plus douce, en même temps que la plus vibrante incarnation du patriotisme français.

Nous savions que la Vierge de Domrémy a trouvé de l'autre côté de la Manche des chevaliers magnanimes.

Nous avons vu dernièrement le plus grand organe de l'Angleterre, le « Times », déclarer que « la sublimité et la beauté morale du caractère de Jeanne, lui ont gagné les cœurs de tous les hommes ».

C'est de ces paroles que s'inspirait M. le président du Conseil du Comté de Londres dans ce beau discours qu'il prononçait hier, en rendant à l'héroïne lorraine ce touchant hommage qui nous a si profondément émus et dont l'écho retentira bien au-delà des limites de la Lorraine.

Vous savez d'ailleurs que, tout en combattant ardemment, elle vous promettait, messieurs les Anglais, si vous écoutiez ses conseils pacifiques, de vous associer un jour à un exploit mystérieux que devaient accomplir tous les Français, qu'elle rêvait pour les deux grands peuples chrétiens, une alliance qui serait le salut et la gloire de la chrétienté.

Eh bien ! après des siècles de luttes et de malentendus, vient enfin de se sceller sans arrière-pensée, cette alliance rêvée par la Pucelle, cette union intime de la France et de l'Angleterre, qui est absolument nécessaire pour empêcher la force brutale de régner en maîtresse dans les relations des peuples, car on peut affirmer que le jour où l'une des deux grandes nations viendrait à disparaître ou à ne plus être qu'une simple expression géographique, c'en serait fait des idées de liberté et de progrès dans le monde.

Messieurs, il est une vieille formule dont nous sommes fiers en France, c'est celle des « Gesta Dei per Francos » (des actions divines accomplies par la main des Francs).

Certes Ladies and Gentlemen, ce Dieu à qui, avec la ferveur de votre foi et de votre loyalisme, vous demandez chaque jour dans votre hymne national, que nous venons d'applaudir, de protéger votre roi aimé et vénéré, n'a certes pas encore épuisé la liste des actions qu'il réserve à ses peuples d'élection.

Eh bien ! nous ne serons nullement jaloux, nous serons au contraire, très heureux si le cycle de ces nobles actions se continuait désormais par les mains des Français et des Anglais, cordialement unis. Gesta Dei per Anglo-Francos (Nombreux applaudissements).

*

* *

D'autre part, il convient aussi de revenir sur les toasts militaires.

On le sait, le général Langlois a conclu à peu près en ces termes :

L'Angleterre et la France, unies par une entente durable, n'ont rien à redouter de personne, et c'est pour l'une et l'autre, la plus sure garantie de paix, d'une paix salutaire et féconde.

Le général Langlois termine en buvant aux drapeaux des deux nations amies et à l'armée britannique représentée ici par le général Turner. (Applaudissements répétés et hourrahs.)

Voici maintenant le texte complet du :

Toast du général anglais Turner

« Je suis extrêmement touché de l'accueil si cordial et si généreux, que vous avez bien voulu m'accorder, surtout n'ayant pas l'honneur de me trouver parmi vous comme membre du London County Council, ni de l'Alliance Franco-British, ni comme membre du Parlement, ou comme représentant de la presse. C'est comme officier anglais que vous m'avez donné une réception que je n'oublierai jamais, et je vous offre ma plus vive reconnaissance.

Il y a longtemps, très longtemps, que les soldats français et anglais, se sont rangés en ligne de bataille l'un contre l'autre.

Il est impossible de se figurer qu'il s'élève des questions diplomatiques, ou autres, qui pourraient faire surgir la guerre entre deux pays, dont les peuples sont réunis par tant de liens, qui, par la continuation de leur concorde, maintiendront, au plus grand degré, la paix européenne.

La guerre est un crime affreux et stupide — et il n'y a pas un homme possédant le sens commun, qui la désire — mais, jusqu'à ce que la nature humaine se changera, ce qui n'aura pas lieu dans ce siècle, il serait insensé de se désarmer, de se dépourvoir de la suprême garantie de l'indépendance.

Il faut donc maintenir, selon les circonstances, les flottes ou les armées immenses, et ne pas amoindrir ou affaiblir sa force défensive. Quand j'ai vu aujourd'hui les troupes magnifiques de la garnison de Nancy — cette ville si splendide et si pleine de mémoires guerrières et de traditions glorieuses — l'espérance surgit dans mon cœur, que jamais de tels officiers et soldats, deviendront les ennemis de mon pays.

Je vous remercie encore, de tout mon cœur, au nom de l'armée anglaise, de l'aimable, chaleureuse et cordiale réception que vous m'avez donnée et j'ai l'honneur de lever mon verre et de boire à la santé de la vaillante armée qui fait l'orgueil de la belle France. »

_____

La journée de vendredi

En route pour Messein

Vendredi matin, par un temps favorable — car, décidément, les Anglais ont toutes les veines — nos hôtes ont quitté vers onze heures le Grand-Hôtel.

Une file interminable d'automobiles s'étend autour de la place Stanislas : les luxueuses carrosseries, les cuivres tout battants neufs, les reflets des glaces miroitent au soleil : limousines, landaulets, breaks, voiturettes légères, souples, élégantes, trépident d'impatience.

Ajoutons, à ce propos, que l'on a fort remarqué la belle tenue des attelages et des landaus fournis par les maisons de louage de notre ville. M. Auguste Thouvenot, président, du syndicat des loueurs, avait prêté l'utile appui de sa compétence pour accoupler les chevaux et l'on fut unanime à proclamer l'heureuse sélection qu'il opéra dans les écuries et dans les remises de notre ville.

Les chauffeurs distribuent de grosses lunettes aux voyageurs ; les dames s'enveloppent dans leurs écharpes soyeuses dont les extrémités flotteront gaîment, comme le mouchoir de Roxane, dans le vent de la course.

Toutes les toilettes de sport, aussi simples, aussi « pratiques » qu'osent les porter nos voisins d'Outre-Manche, tempèrent leur audace cependant par le souci d'une « respectability » qui accorde à la mode quelques discrètes concessions.

Un des promeneurs a retroussé le bas du pantalon : l'ourlet d'Édouard VII !

— C'est probablement parce qu'hier il a plu dans le comté de Londres... » plaisante en souriant son voisin, coiffé d'une casquette dont la visière se rabat jusque sur les sourcils.

A mesure que les voitures s'emplissent de voyageurs, elles avancent jusqu'à la grille des Dom... Elles sont coquettement pavoisées. La première arbore un fanion aux initiales A.C.L. brodées d'or ; toutes portent avec fierté deux fanions aux couleurs nationales de Grande-Bretagne et de France. Elles sont au nombre d'une vingtaine ; mais quelques-unes partiront vides ou bien s'en iront à l'Exposition, où quelques membres de la colonie britannique sont allés prendre la tasse de chocolat matinale.

Nos lecteurs savent que nos hôtes sont invités par M. le comte de Ludre au château de Richardménil. Un déjeuner servi par les soins de la maison Walter, réunira environ 130 couverts. Le menu en est des plus copieux et fait naturellement le plus grand honneur à l'hospitalité du maître de la maison en même temps qu'à la réputation gastronomique de notre Vatel nancéien.

A 11 heures 25 exactement, le long cortège s'ébranle dans un grondement de moteurs.

M. Beauchct, maire de Nancy, occupe la cinquième voiture. Il a à son côté sir Melvill Beachecoft. Les deux hommes causent gaiement et il semble, au surplus, que le même entrain règne dans tout le cortège.

Rue des Dom... la foule salue ou acclame. Des gamins lancent des : hip ! et des hurrahs à n'en plus finir. Ils s'amusent beaucoup de ce mot nouveau pour eux ; ils n'en comprennent point le sens ; mais leurs cris n'en sont poussés qu'avec plus de conviction.

Les voitures filent, par les rues Saint-Dizier et Saint-Nicolas ; elles se retrouvent en ordre de route dans le quartier Saint-Pierre où les trompes des avertisseurs répandent un certain émoi :

— Vite ! vite... voilà les Anglais ! Les ménagères se tiennent au seuil des maisons ; quelques-unes, aux fenêtres, applaudissent ; ici des ouvrières sorties d'une usine se distinguent par un joyeux charivari ; là des consommateurs sortent d'un café et acclament les voyageurs. Et il en sera ainsi dans les villages traversés jusqu'à Messein !

Après le banquet intime au château de Richardménil, où la qualité du champagne suggère l'inspiration et l'éloquence aux toasts, on se dirige vers la Moselle. Un vapeur, le Frécot, attend. M. Imbeaux, ingénieur en chef des ponts et chaussées, fait les honneurs du bord. Il a pour les messieurs un souhait charmant et pour les dames une formule de galante courtoisie.

Il est deux heures, quand un coup de sifflet annonce le départ du Frécot. Le bateau glisse doucement dans la vallée, entre deux rives de verdure, jusqu'à Pierre-la-Treiche. Pendant cette excursion, les touristes ne cessent d'admirer le paysage, un des plus jolis et des plus pittoresques que nous ayons en Lorraine.

Les automobilistes, qui ont fait de leur côté, un tour de promenade, sont déjà arrivés à Pierre-la-Treiche et le cortège se reforme.

L'excursion britannique

A TOUL

(par téléphone, de notre correspondant particulier de Toul)

....Toute une procession d'automobiles, portant les délégués anglais et de nombreux Nancéiens qui les accompagnent, arrivent à Toul, venant de Pierre-la-Treiche, après une admirable promenade en bateau, de Messein à Pierre-la-Treiche.

Le maire de Toul et ses deux adjoints sont allés jusqu'à Pierre, également en automobile.

Malgré une chaleur d'étuve, la foule est fort considérable.

Le cortège entre en ville par la Porte de France, où se dresse un arc de triomphe superbe, formé de poteaux tricolores qui supportent des trophées de drapeaux anglais et français.

Au fronton de l'arc de triomphe, on lit cette inscription en français : « Soyez les bienvenus ! » et en anglais : « Welcome », surmontée des armes d'Angleterre (lion et cheval blanc). D'autre part, claquent au vent sur l'étoffe des drapeaux, les devises d'Angleterre : « Dieu et mon droit ! Honni soit qui mal y pense ! »

Face à la ville de Toul, on lit les inscriptions, sous les armes de la ville : « La ville de Toul à la délégation anglaise ».

« Enfin, dans toutes les rues que doit suivre le cortège, sont plantés des poteaux portant des trophées de drapeaux.

Les édifices publics sont naturellement, décorés aussi d'abondants trophées où se marient les couleurs anglaises et françaises.

En ville, le cortège ralentit un peu son allure. Il faut bien, d'ailleurs, donner le temps aux Toulois d'acclamer leurs hôtes de quelques heures, et les hip ! hip ! hurrah ! se succèdent désormais jusqu'à l'hôtel de ville.

Devant la mairie, les autos font halte. On dirait d'un vaste garage. Les marques célèbres sont représentées. Elles excitent la curiosité et l'admiration :

« — Hein, ma petite, s'écrie une ouvrière, apostrophant sa camarade, c'est le moment ou jamais de faire, ton choix... »

A l'hôtel de ville

Les délégués anglais sont reçus à l'hôtel de ville, où le Champagne est servi, par M. Denis, maire et conseiller général, entouré de ses adjoints et des membres de son conseil.

M. Denis prononce le toast suivant :

« Mesdames, Messieurs.

La municipalité de Toul est à la fois heureuse et honorée de recevoir aujourd'hui la visite des hautes personnalités anglaises qui ont bien voulu venir en Lorraine et y affirmer les sentiments cordiaux qui existent maintenant entre le peuple français et la nation britannique.

Nous savons l'accueil aimable qui a été fait l'an dernier par la ville de Londres à ceux de nos compatriotes qui sont allés visiter l'Exposition franco-britannique et nous en avons conservé à nos voisins d'Outre-Manche la plus vive reconnaissance.

Espérons que nos hôtes anglais garderont de leur court séjour en Lorraine un excellent souvenir et qu'ils emporteront de leur excursion dans la vallée de la Moselle et de leur réception à Toul une agréable impression.

Je tiens à remercier le comité franco-britannique de Nancy d'avoir associé notre vieille et patriotique cité au programme des fêtes offertes en Lorraine, pendant le séjour de la délégation anglaise.

Au nom de la ville de Toul, je lève mon verre en l'honneur de nos hôtes et particulièrement des membres du Parlement anglais et du conseil général du comté de Londres, et je bois à la prospérité de la nation anglaise. »

C'est sir Melvil Beachroft, président du London County Council, qui répond au toast du maire, au vin d'honneur de l'hôtel de ville.

« Je suis profondément touché, dit-il, par cet accueil cordial reçu et des mots agréables qui ont été droit à moi.

La municipalité de Toul n'est pas plus grande, mais elle est bonne ; n'est pas moins accueillante que toutes les autres déjà connues.

Vous, à Toul, nous, à Londres, nous sommes tous confrères.

Je vous salue tous, messieurs, au nom de la ville de Londres, qui est seulement la plus grande du monde, et au nom du conseil de Londres, qui est seulement le plus grand du monde avec ses 800.000 enfants dans nos écoles primaires.

Notre séjour est si court, en Lorraine ; nous avons déjà tant vu de choses intéressante: que nous sommes étonnés, enthousiasmés, et ce voyage, nous ne l'oublierons jamais.

Je vous salue tous avec sincérité, amitié, cordialité et reconnaissance. Je lève mon verre à vous tous, messieurs. »

M. Denis prend ici de nouveau la parole, pour boire aux membres de l'Alliance franco-britannique et à la presse anglaise, puis le colonel Parkington, délégué de l'Alliance franco-britannique, répond :

« Je ne m'attendais pas au grand honneur de parler à cette heure, et je remercie seulement le maire pour les aimables paroles prononcées.

L'Alliance franco-britannique est vivace et vivante. C'est aussi un honneur d'être ainsi reçu dans votre ancienne ville.

En Angleterre, nous n'arriverons jamais à rivaliser avec cet accueil. Je suis enchanté de la façon dont nous sommes reçus en France et particulièrement en Lorraine. L'Entente cordiale est une belle et bonne chose et je ferai tout pour la faire prospérer. »

C'est au tour de M. Cordier, vice-président du groupement commercial, de prendre la parole. Il le fait en ces termes :

« Le commerce et l'industrie de Toul vous souhaitant la bienvenue en vous remerciant hautement de l'honneur de votre visite que nous apprécions comme une marque de sympathie de la nation anglaise, notre amie.

Cette belle manifestation est pour nous l'espoir que sur le terrain du sentiment comme sur le terrain économique les deux peuples fraterniseront toujours.

C'est donc avec une émotion bien justifiée que nous crions du plus profond de notre cœur : Vive la délégation anglaise !

Vive l'Angleterre ! Vive la Lorraine ! Vive la France ! »

M. Horrgott, sous-préfet de Toul, comme représentant du gouvernement de la République, s'associe pleinement aux paroles du maire et aux souhaits de bienvenue :

« Je souhaite de voir enfin, ajoute-t-il, les deux peuples anglais et français unis à tout jamais, et honneur pour moi de lever mon verre au roi Édouard VII et à M. Armand Fallières, président de la République. »

Chacun de ces discours a été accueilli par un triple : hip ! hip ! hurrah !

A la réception, à côté des autorités municipales, avaient pris place le général Dupommier et le général adjoint de Valory ; les membres du tribunal, les Sociétés de bienfaisance.

C'est dans le magnifique salon rond qu'a eu lieu la réception, à la suite de laquelle le maire a fait visiter aux délégués britanniques les diverses salles de l'hôtel de ville.

De là, la délégation s'est rendue à la cathédrale, où elle a été reçue par l'archiprêtre, M. l'abbé Mansuy.

M. Denis, archiviste de Nancy, a fait l'historique de l'église où on a notamment admiré la chapelle des Évêques, puis le chœur.

La délégation se rend de là à Saint-Gengoult. Elle est reçue par M. le curé, Boulanger.

A la sortie, on monte en auto pour Nancy, au milieu d'ovations enthousiastes.

Au départ, la musique du 156e joue le « God save the King » et la « Marseillaise ».

Tout Le monde est debout et chante, et c'est par de formidables hurrahs que la population touloise salue le départ des autos. — F.

Le retour à Nancy

La nuit déjà commence à tomber lorsque les délégués anglais sont de retour à Nancy. Aussi le dîner doit-il être plus vivement expédié que d'habitude, pour pouvoir faire la toilette réclamée par

Le gala de la salle Poirel

Vendredi soir, a eu lieu à la salle Poirel, la soirée de gala organisée par le « Couarail », académie lorraine. C'est le cas de rééditer le cliché, très employé ces jours derniers, que la salle Poirel présentait un coup d'œil féerique. L'entrée est magnifiquement décorée de plantes vertes. La salle est brillamment illuminée, grâce à des guirlandes électriques d'une ligne élégante et sobre. La loge d'honneur est drapée aux couleurs anglaises et françaises.

Un public d'élite remplit la salle. Tout le monde — à de rares et fâcheuses exceptions près — a revêtu la toilette de soirée.

Nos hôtes anglais arrivent vers neuf heures et demie et le concert commence aussitôt. Comme au banquet de la veille, les membres du Conseil du Comité de Londres ont revêtu l'habit à boutons de métal, avec le jabot de dentelles. Le général est en uniforme rouge.

Le God Save the King et la Marseillaise chantés, par la Chorale ALsace-Lorraine et la Chorale de l'Est réunies sont écoutés debout.

Puis M. Mafféo vient lire un poème de M. Léon Tonnelier, suivi de l'exécution du Miracle de Saint-Nicolas, — un des clous du programme — avec l'interprétation de la création. Le succès fut très chaleureux pour les chanteurs, les instrumentistes et les auteurs, qui durent venir saluer le publie enchanté.

Ce fut ensuite M. Foucaut, qui interpréta un Lied de M. Lamy et une charmante page de Schumann, puis M. Mafféo, dans une poésie de M. Georges Garnier, M. Fernand Pollain qui triompha dans l'Adagio de Ropartz accompagné par l'auteur et dans les Danses Hongroises de Brahms, accompagnées par Mlle Chantriot.

Enfin Miss Alice Kellermann, une pianiste qui a du talent et de la conviction — beaucoup de conviction —bénéficia de la part du public d'une ovation vraiment spontanée.

Après un entr'acte de quelques minutes, l'orchestre des anciens militaires, dirigé par M. Millot, se fit applaudir légitimement et la soirée se termina par une pièce en un acte de M. René d'Avril, d'après Dickens : Au Chant du Grillon, petite bluette toute parfumée de poésie intime que M. Mafféo et plusieurs de ses élèves interprétèrent avec talent.

Et on se sépara enchanté aux sons de la Marche Lorraine.

_____

LA JOURNÉE DE SAMEDI

9 heures 45. — Départ (train spécial) pour Varangéville.

Visite des salines et mines de sel de la Société de Rosières-Varangéville, sous la direction de M. René Payelle.

Réception et lunch.

Visite de la basilique de Saint-Nicolas sous la direction de M. Émile Badel, chef du secrétariat de la presse à l'Exposition.

A Lunéville

La délégation britannique arrivera en gare de Lunéville, l'après-midi, à 2 heures 35.

Réception de la délégation par le conseil municipal. Exécution par la musique municipale du « God save the King ».

Présentations. Visite de la ville, itinéraire :

Carnot, place Léopold, rue Banaudon, arrêt au Square ; église, Grande-Rue, Cour du Château, les Bosquets jusqu'à la grille du Champ-de-Mars, retour par l'allée d'Hercule, sortie par la grande porte de la rue de Lorraines, rue de Lorraine, arrêt, maison Keller, célèbre par le traité de Luné-ville en 1801 ; rue des Capucins, place Léopold et salon des Halles où sera offert un thé et un lunch aux membres de la délégation et aux invités.

La musique militaire jouera de nouveau à l'arrivée le « God save the King », et ira ensuite prendre place dans le salon des Portraits où elle exécutera quelques morceaux pendant la réception.

Rappolons que le programme comportait ensuite :

Samedi, 5 heures. — Départ de Lunéville pour Bussang.

7 heures. — Arrivée à Bussang.

Réception par la Compagnie des Eaux minérales, banquet et concert aux Grands-Hôtels des Eaux.

Dimanche 6 juin. — 10 heures et demie. — Excursion au ballon « le Drumont », près Bussang.

4 heures et demie. — Visite du Théâtre du Peuple.

5 heures. — Départ pour Nancy (train spécial).

*

* *

Mais :

L'Excursion à Bussang est décommandée

En raison de la mort de M. Lucien Hinzelin, à la famille de qui appartiennent les sources et hôtels de Bussang, l'excursion franco-britannique dans cette localité, n'aura pas lieu.


BmN Kiosque lorrain

L'Est républicain du dimanche 6 juin 1909

La semaine britannique

A Nancy, Toul, Saint-Nicolas & Lunéville

La journée de samedi

Au plateau de Malzéville

Manœuvre en l'honneur du général Turner

On sait que parmi les éminents visiteurs anglais figure le général Turner. Celui-ci est un artilleur particulièrement réputé et un écrivain militaire fort apprécié.

Ainsi le général Pau, commandant le 20e corps, avait-il tenu à montrer à son camarade anglais — dont le rôle fut très remarqué pendant la guerre du Transvaal — les belles troupes de la 11e division dans une de ces grandes manœuvres à double action où elles peuvent donner la masure de leur entraînement et de l'habilité professionnelle de leurs chefs.

Cette manœuvre eut lieu samedi matin, sur le plateau de Malzéville. La température était agréablement rafraîchie par une ondée légère.

Le général Turner — en civil — est arrivé sur le plateau vers sept heures. Il était à cheval, entre le général Pau et le général Balfourier, commandant la 22e brigade.

La manœuvre a commencé aussitôt ; elle a été bien menée. Le général anglais s'est surtout intéressé à la façon dont l'infanterie utilisait les moindres accidents de terrain pour se dérober à la vue de l'ennemi. Notre artillerie a fait aussi sur lui une profonde impression.

Les troupes sont rentrées en ville vers onze heures.

L'excursion à Varangéville, Saint-Nicolas et Lunéville

Selon le programme, nos hôtes anglais se sont rendus samedi, par train spécial parti de Nancy à 10 heures à Varangéville.

Un certain nombre d'invités les avaient précédés par le train de 8 h. 40, car il s'agissait de visiter la mine de sel gemme de Rosières-Varangéville, et le temps alloué par le programme officiel eût été trop court, vu le nombre d'assistants.

La descente dans la mine et la visite eurent lieu sous la direction de M. Cholin, directeur.

Cette descente s'est effectuée par deux bennes, jusqu'à une profondeur de 126 mètres, pour visiter une galerie dont la veine ne mesure pas moins de 17 mètres d'épaisseur.

Aussitôt tous les touristes assemblés « au fond », M. Ed. Guérin, président du conseil d'administration, prononça quelques mots de bienvenue, auxquels répondit sir Melvill Beacrhcroft, président de la délégation britannique, qui salua la Lorraine industrielle et exalta l'initiative, la concurrence et la rivalité nécessaire à développer l'esprit d'effort et d'entreprise.

La mine était éclairée par des guirlandes de lampes électriques de couleur se répercutant à l'infini. Cette décoration, jointe aux feux de Bengale, éclairant les profondeurs, produisait le plus heureux effet, et rendait la marche facile dans les larges galeries.

Ce n'était plus qu'une promenade.

Elle fut couronnée par l'explosion de plusieurs blocs de sel gemme, dont l'un du poids de 4 à 5,000 kilos.

Durant la remontée, — forcément assez longue — l'Harmonie nancéienne donnait, dans la cour, un concert très apprécié. Le temps, d'abord pluvieux et menaçant, s'était décidé à se faire beau pour nos hôtes — comme les jours précédents.

Aussi ceux-ci se trouvaient-ils dans le plus heureux état d'esprit pour faire honneur au déjeuner offert pas la Société de Rosières-Varangéville.

Le couvert était dressé dans un vaste hangar, agrestement orné de feuillages sur lesquels se détachaient des trophées de drapeaux.

A l'heure sacramentelle des toasts, M. Ed. Guérin se leva et prononça une fort spirituelle allocution, à laquelle répondit dans les formes les plus correctement protocolaires, sir Melvill Beachcroft.

Ces toasts furent « coupés » par le God save the king et la Marseillaise, écoutés debout par toute l'assistance.

Prirent ensuite la parole, M. Beauchet, maire de Nancy.

Le colonel Parkington, au nom de l'Alliance franco-britannique, qui, avec humour, s'est félicité, au nom de ses compatriotes, d'avoir eu tant de sel sous les yeux, sous les mains, car « tout bon Anglais n'est content que lorsqu'il a le sel devant lui ».

M. Sire répondit en son nom et au nom de son collègue de la Compagnie de l'Est, M. Nérot, aux compliments qui avaient été adressés aux Compagnies de chemins de fer, organisatrices de la caravane ;

M. René Payette but, au nom du personnel de l'usine aux industriels et aux ouvriers anglais.

M. Yves Guyot, ancien ministre du commerce et l'un des champions les plus déterminés de la liberté du libre-échange, et de l'entente franco-britannique, prononça quelques paroles vigoureuses et sensées sur la nécessité de l'effort individuel.

M. Knecht but aux dames ;

Et lady Beachcroft clôtura aimablement cette série de « speech », en remerciant pour cette attention, en quelques mots prononcés en français avec un peu d'hésitation, relever par une bonne grâce qui donna un savoureux piquant à ce petit incident.

*

* *

Mais le temps s'écoulait, en si belle et si bonne compagnie… aussi n'est-ce qu'à deux heures passées qu'on songea à s'arracher à l'hospitalité de la société de Rosières-Varangéville, et, au lieu d'arriver à Lunéville à 2 heures 35, à ce moment même, la caravane, descendant la côte, entraînée par un pas redoublé de l'Harmonie, ne se trouva que devant le train spécial, à un kilomètre de Varangéville, où il fallut rentrer.

On y fut pour 2 h. 45 — et comme la basilique de Saint-Nicolas attendait les touristes, une heure fut accordée pour la visite de la cathédrale et de la vieille cité, sous la conduite de M. Émile Badel.

Et c'est seulement à 3 heures 45 que le train spécial s'ébranlait de Varangéville, pour Lunéville, comptant à bon droit, sur l'indulgence de la municipalité de cette jolie ville, car dans des excursions de ce genre, les retards sont absolument inévitables.

*

* *

A l'arrivée à Lunéville, les touristes ont été reçus par le conseil municipal ayant à sa tête le maire, M. Castara.

Allocution de M. Castara

M. Castara d'exprime en substance dans ces termes :

« Monsieur le président,

Je vous adresse mes sincères remerciements pour l'honneur que vous avez bien voulu faire à la ville de Lunéville en lui rendant une visite dont nous sentons tout le prix.

Des voix plus autorisées que la mienne vous ont dit chaque jour de cette semaine avec une éloquence à laquelle je ne saurai prétendre, les sentiments qui animent la Lorraine à votre égard.

Ces sentiments sont ceux que nous éprouvons tous en ce moment et les grandioses manifestations auxquelles vous avez assisté dans la capitale de la Lorraine en ont démontré l'unanimité.

Je désire moi-même que vous puissiez emporter de votre trop court séjour dans notre ville le souvenir durable que nos compatriotes ont rapporté de la cordialité avec laquelle vous avez bien voulu les recevoir à Londres.

Je lève mon verre à la santé du président du London County Council et nos illustres et à la délégation tout entière. » (Applaudissements.)

Sir Melvill Beachcroft, dont on ne saurait prendre en défaut la correction protocolaire, a répondu.

Puis a eu lieu une rapide visite de la ville, sous la direction de M. Pierre Boyé, président de la Société d'archéologie lorraine.

Un lunch était préparé au Salon des Halles, mais eut-on le temps de lui faire honneur ? C'est bien douteux, les nécessités du service de la voie obligeant le train spécial à quitter la gare de Lunéville à 5 h. 40, pour rentrer à Nancy.

Lunéville aura donc été la dernière — et non la moins intéressante étape de la « semaine britannique » dont nous espérons que la délégation conservera un bon et agréable souvenir, comme nous le ferons nous-mêmes.

P.-S. — Dimanche matin, en effet, nos hôtes quittent la Lorraine — où ils sont venus, dames comprises, au nombre d'environ 60 — ils prennent l'express de 7 h. 35 pour Paris.


BmN Kiosque lorrain

L'Est républicain du lundi 7 juin 1909

Clôture de la Semaine britannique

Quelques nouveaux détails sur l'excursion de Lunéville

Je vous envoie sur la réception de Lunéville quelques nouveaux détails complémentaires.

Lunéville a donc fait à ses hôtes de quelques heures un accueil empreint de la plus franche et sincère cordialité dont ils emporteront un bon souvenir.

Lorsque, après une heure et demie d'attente, le train entre en gare, la rue Carnot et le rond-point de la gare sont noirs de monde.

Sur le quai, M. Castara, maire, entouré du conseil municipal, s'avance vers les voyageurs et fait les présentations. Puis, dans le chemin de fer d'Einville, dont la locomotive est pavoisée, la caravane se dirige, à travers les rues Carnot, place Léopold et rue Banaudon et s'arrête devant le monument du square. Lady Beachcroft y dépose une gerbe de fleurs. Visite de l'église Saint-Jacques et départ pour la place du château, où le cortège quitte le tram pour pénétrer dans la cour du château. MM. les généraux de Mas-Latrie et le colonel Lyautey, major de la garnison, s'y trouvent. Nouvelles présentations.

Après une promenade dans les Bosquets, on revient par les rues de Lorraine et des Capucins, au Salon des Halles, où un lunch est servi.

Plusieurs toasts ont été portés par MM. Castara, maire (vous l'avez reproduit déjà) ; Beauchet, maire de Nancy ; Ambroise, au nom de l'alliance française, et le général de Mas-Latrie. Plusieurs des hôtes anglais y répondirent.

L'heure du départ approche ; M. Lalitte, inspecteur des chemins de fer, qui accompagne le train, presse le départ. A 6 h. 50,le train s'ébranlait après l'échange des shake-hand qui, bien qu'entre amis de quelques instants, n'en était pas moins sincères.

Ne terminons pas sans adresser des félicitations à M. Stempfel, commissaire de police, et à ses agents, qui ont assuré le service d'ordre avec une méthode et un tact parfaits.

Adieux et départ de nos hôtes

Le départ de nos hôtes anglais a eu lieu, comme il avait été annoncé, dimanche matin, par le train de 7 heures 35 se dirigeant sur Paris.

Venant après d'inoubliables fêtes, il a marqué dignement et solennellement leur dernière phase.

Nos hôtes sont partis en voiture du Grand-Hôtel et se sont réunis dans la salle d'attente des premières.

Parmi les personnalités nancéiennes présentes, nous avons noté le maire, les adjoints, la plus grande partie du conseil municipal ; le général Pau, commandant le 20e corps (en civil) ; M. Boutroue, chef de cabinet, représentant le préfet ; M. Vilgrain, président du Comité franco-britannique, etc., etc.

Au milieu d'une émotion très sincère et très profonde, sir Melvill Beachcroft, président du London County Council, prononce une allocution, dont voici la partie principale.

Allocution du président du L C. C.

« Monsieur le maire, et mes amis de la ville de Nancy,

Le moment est arrivé pour mes collègues et moi de vous dire adieu et de retourner à nos devoirs à Londres. Je ne trouve pas les mots pour exprimer justement les sentiments reconnaissants dont chacun de nous est animé.

Monsieur le maire de Nancy, Messieurs les membres de la municipalité, et vous tous habitants de cette ville grandiose, après l'accueil magnifique, et en effet presque royal qui nous a été accordé, ce qui nous a le plus frappé c'est la manière dont on a parlé de notre roi Édouard VII et l'hommage qu'on lui a si gracieusement rendu. Cela, je vous assure, nous ne l'oublierons jamais et je suis certain que Sa Majesté éprouvera la plus grande satisfaction quand il apprendra par moi les sentiments d'amitié envers lui.

Les signes de bonne volonté de la part du peuple si gracieux, nous ont enchantés, car partout on nous a cordialement reçu non pas seulement dans les réceptions officielles, mais dans les rues et partout.

On m'a dit que la ville de Nancy a dormi pendant la dernière quarantaine d'ans ; si cela est vrai, je ne puis que dire qu'elle s'est tout à fait réveillée aujourd'hui et le moment ne peut pas être loin ou Nancy deviendra une des plus belles et des plus grandes villes industrielles du monde entier.

Nous n'oublierons jamais le spectacle merveilleux qui eut lieu jeudi passé sur la place Stanislas, dont la beauté, je le crois bien, est presque unique. Il n'y a aucune ville qui ait pu présenter un spectacle plus digne, plus frappant, plus magnifique et nous avons remarqué avec le plus grand plaisir que d'un bout à l'autre, l'ordre parfait fut maintenu. En vérité, cette manifestation fut mémorable et nous y penserons toujours.

On ne saurait trop attirer l'attention sur l'hommage rendu à la population nancéienne, laquelle a eu, en effet, — dans cette soirée de jeudi, notamment — une attitude véritablement admirable ».

*

* *

Sir Beachcroft dit ensuite :

Nous retournons, Monsieur le marie, dans notre patrie, pleins de reconnaissance envers vous et envers vos citoyens pour l'hospitalité magnifique que nous avons reçue. Notre grand désir maintenant, c'est de revenir ici à Nancy et de conseiller à un grand nombre de nos compatriotes de vous rendre visite. »

Enfin, le président du L. C. C. exprime ses remerciements aux organisateurs, au premier rang desquels, il convient de citer MM. Sire et Marcel Knecht. — Il termine ainsi :

« Monsieur, le maire, c'est avec la reconnaissance la plus profonde que je vous dis non adieu, mais au revoir.

Permettez-moi en terminant de vous remettre cette adresse signée par les délégués du L. C. C. en signe de reconnaissance. » (Applaudissements.)

*

* *

Voici le texte de

L'adresse

« Nous désirons avant de prendre congé de Nancy, donner cette expression de nos remerciements les plus profonds et de notre gratitude pour la réception remarquablement charmante et brillante qui nous a été accordée par vous, monsieur le maire, la municipalité et la population nancéienne.

Tous nous ont acclamés si cordialement et ont contribué à faire de notre visite l'une des plus exquises expériences de courtoisie inter-municipale.

Il est très possible de nous en rendre compte maintenant.

Le fait que cette courtoisie est internationale autant qu'inter-municipale, donne une haute importance et une grande signification à cette manifestation, dont le souvenir restera toujours l'un des plus grands et des plus intéressants dans l'histoire du comté de Londres.

Nous avons voulu signer au bas de cette adresse de remerciements et la remettre à M. Beauchet, maire de Nancy, comme un témoignage de nos sentiments à notre départ de cette magnifique cité. »

On applaudit et M. Beauchet répond en ces termes :

Réponse du maire de Nancy

« Monsieur le président,

Je suis très ému et très touché des paroles si aimables et si flatteuses que vous venez de prononcer à l'égard de la ville de Nancy ; je vous en remercie profondément au nom de la municipalité et de tous les habitants de notre cité.

Cette adresse que vous venez de me remettre restera parmi les plus intéressants documents de nos archives municipales.

Il est des choses qu'on ne se lasse jamais de répéter quand elles sont dictées, non par les convenances ou la courtoisie diplomatique, mais quand elles partent du cœur.

Or, nos cœurs lorrains ont battu à l'unisson des vôtres. Nous serons heureux si votre séjour trop court, parmi nous contribue non seulement à resserrer les liens de sympathie personnelle, mais encore à fortifier l'entente cordiale et à amener un rapprochement plus intime entre les deux nations amies.

Je vous dirai comme vous l'avez dit vous-même, monsieur le président, non pas adieu, mais au revoir. Nous resterons toujours amis.

« Friends for ever and every where. »

(Nouveaux applaudissements.)

Sur le quai

On se rend maintenant sur le quai où un service de police important et discret est assuré par les soins de M. le commissaire central, que sir Melvill Beachcroft tient à remercier d'une façon toute particulière.

L'Harmonie nancéienne, pimpante dans son uniforme neuf, joue le God save the King, bientôt suivi de la Marseillaise.

Le président du London County Council très ému, écoute dans une attitude recueillie les accents graves de l'hymne anglais et notre vibrante Marseillaise.

Lorsque les musiciens ont terminé, il prononce encre quelques mots d'une voix forte et s'écrie : « Vive la France ! »

En route

Mais l'heure du départ est arrivée.

Sir Melvill Beachcroft et ses collègues serrent les mains amies qui se tendent vers eux. Le train se met en marche, alors que les Anglais agitent leurs mouchoirs en signe d'adieu et que l'Harmonie nancéienne joue une dernière fois le God save the King.

Échange de télégrammes entre sir Beachcraft et M. Fallières

On nous communique les télégrammes échangés entre le président du London County Council et le président de la République :

« Monsieur Fallières, président de la République française, Élisée, Paris;

Le président et les membres du London County Council, en arrivant à Calais, en route pour Nancy, désirent envoyer leurs salutations respectueuses à Monsieur le président de la République française.

A l'invitation du maire et de la municipalité de Nancy, des représentants de la capitale de l'empire britannique sont sur le point de rendre visite à l'Exposition de cette ville et d'admirer les sites pittoresques et intéressants de cette province de la belle France.

BEACHCHROF,

Président du London County Council,

Grand-Hôtel, Nancy. »

*

* *

« Off Nancy de Paris Élysée.

Secrétaire général présidence République à Sir Melvill Beachcroft, président London County Council, Grand-Hôtel, Nancy.

Le président de la République a été très sensible au télégramme que vous lui avez adressé à votre arrivée à Calais au nom des membres du London County Council.

Il me charge de vous exprimer ses vifs remerciements et il espère que vous emporterez un bon souvenir de votre séjour en France. »

*

* *

Disons encore que quelques-uns de nos hôtes anglais n'ont pas quitté Nancy dimanche matin.

C'est ainsi que le général Turner est resté dans notre ville. D'autre part, le vice-président du London County Council se rend à Munich où il doit visiter plusieurs intéressantes institutions municipales.

L. P.

*

* *

Nous renouvelons à nos hôtes britanniques l'expression des souhaits que forme pour eux, la population nancéienne.

Les adieux échangés, l'adresse, les télégrammes, couronnent dignement une heureuse série de fêtes destinées à fortifier et à accroître le prestige de la Lorraine et à faire, d'ores et déjà, « toucher du doigt » son mérite.

Au cours de ces fêtes, on n'eut à regretter aucun incident fâcheux, — car on ne saurait faire entrer en ligne de compte les retards auxquels on ne peut échapper quand il s'agit de mobiliser, plusieurs jours de suite, une troupe assez nombreuse, comprenant des dames et des personnes d'un certain âge.

*

* *

On aura note que dans ses nombreux « speech », le très honorable sir Beachcroft n'a fait aucune allusion politique, et n'a répondu à aucune invite de ce genre. — Mais :

Sans aborder, ici, la question des rapports franco-britanniques, et en se plaçant au simple point de vue régional, il convient de remercier hautement le Comité franco-britannique et la Municipalité de Nancy de leur très remarquable effort.

Il convient, aussi, d'associer à ces remerciements les particuliers, sociétés, enfin les villes de Toul, Saint-Nicolas et Lunéville, qui ont voulu apporter généreusement leur concours à la Semaine britannique en Lorraine.



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