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L'Est républicain du mercredi 3 mars 1909

Cortège historique

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La Cavalcade de 1866 à Nancy

(Fêtes du centenaire de la réunion, en 1766, de la Lorraine à la France)

Comme on le disait avec beaucoup d'à propos l'autre soir à la Commission des Fêtes de l'Exposition, nous vivons à Nancy sur les souvenirs de la cavalcade de 1866, et l'on a rien fait depuis — ou peu de chose — pour effacer ou amoindrir ce glorieux souvenir.

Mais, après 43 ans bientôt, combien y a-t-il de Nancéiens qui ont assisté à ces fêtes de la réunion de la Lorraine à la France, premier centenaire solennisé durant quatre jours à Nancy ?

Beaucoup sont morts, d'autres ont pris leur place ; Nancy a plus que doublé sa population d'alors, tant par des naissances que par des habitants venus du dehors.

Au moment donc où l'on s'occupe pour les fêtes de notre Exposition, d'organiser un cortège historique dont nous donnerons prochainement le plan détaillé, il nous a paru utile de rappeler sommairement ce que furent ces fêtes de 1866 et surtout cette fameuse cavalcade qui papillote encore dans les yeux éblouis des Nancéiens et des Lorrains d'alors.

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C'est au mois de janvier 1866 que l'idée de célébrer par des fêtes l'anniversaire séculaire de la réunion de la France de la Lorraine et du Barrois, se fit jour dans l'esprit de plusieurs Nancéistes distingués et pleins d'ardeur.

Le 27 janvier, une réunion de notables eut lieu à l'hôtel de ville et une commission fut nommée, avec mission d'élaborer un programme de fêtes. Dans cette commission se trouvaient des hommes de tous les partis : Émile Marx-Picard à côté du curé Trouillet, Guerrier de Dumast et Henri Lepage, Volland et le marquis de Vaugirard, Chassignet et Morey, architecte, Émile Burnouf et le comte d'Hoffelize, butte et Maggiolo, et les trois députés de la Meurthe, baron Buquet, vicomte Drouot et Chevandier de Valdrôme.

Des appels furent adressés aux Nancéiens et aux populations lorraines par le bureau de la commission.

Une souscription rapidement couverte, produisit à Nancy 35,000 francs, et 11, 801 fr. 75 dans le reste du département de la Meurthe.

Le conseil municipal de Nancy, vota le 31 mars un crédit de 40,000 francs, dont 10,000 à titre d'allocation pour la fête et 30,000 pour la réception de l'empereur Napoléon III, de l'impératrice Eugénie et de leur fils, le jeune prince impérial Louis.

Le 15 avril, une députation lorraine, présentée par le baron Buquet, était reçue aux Tuileries par l'empereur, qui promettait d'assister avec sa famille, aux fêtes grandioses projetées à Nancy pour les 14, 15, 16 et 17 juillet 1866.

A la suite de ces promesses, on se mit en œuvre à Nancy et dans toute la Lorraine pour organiser les fêtes séculaires.

 Le cortège historique de 1866

Nancy. — Le cortège historique sortant de la place Carrière, après le défilé devant Sa Majesté,

entre dans le vieux Nancy. (Croquis de M. Bourdelin.)


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L'Est républicain du jeudi 04 mars 1909

Projet de cortège historique pendant l'Exposition de Nancy

Le Comité d'études pour la Cavalcade s'est réuni mercredi, à cinq heures, à l'hôtel de ville.

Du rapport lu par M. Badel, à cette première séance du Comité d'études, nous extrayons :

Il paraît établi qu'avec 30,000 francs, on peut organiser une belle, une très belle cavalcade historique, à la condition, bien entendu que l'on puisse compter sur le concours absolu et désintéressé :

1° De la troupe, avec fanfare, musiques et chevaux (comme en 1866) ;

2° Des sociétés chorales et musicales de Nancy ;

3° Des jeunes gens et étudiants de la ville, qui pourront faire la dépense de tout ou prtie d'un costume ;

4° D'artistes qui voudront prêter leur concours pour la décoration des chars et la peinture des écussons et des étendards ;

5° De dames pouvant confectionner des drapeaux, fanions et quelques costumes.

On peut choisir entre trois projets, également beaux, également intéressants, également propres à des défiles de luxe.

1° Entrée de Jeanne d'Arc à Nancy en 1429.

2° Entrée de René II et de Charles le Téméraire à Nancy en 1473… avec comme dernier char… la Croix de Bourgogne et le 5 janvier 1477.

3° Entrée du roi Stanislas et de Louis XV, avec le somptueux défilé des reines, princes et princesses, grands seigneurs en éblouissants costume de l'époque.

Dans l'un ou l'autre de ces cortèges, il faudra nécessairement donner une légère entorse à la vérité historique et réunir, dans un cortège unique, tous les personnages de l'époque.

Voici — rapidement — comment je comprendrais l'Entrée de Jeanne d'Arc :

Entrée de Jeanne d'Arc à Nancy

1re fois en juin ; 2e fois en juillet ; 3e fois en août et plus souvent si l'on veut, de 1 heure à 4 heures, par les rues de Nancy ;

1. — Douze hérauts d'armes, à cheval, en costumes du temps, avec fanions lorrains. — 12.

2. — Fanfare du 5e hussards, à cheval et costumées. — 30.

3. — Gens du peuple et de la bourgeoisie de Domrémy, Vaucouleurs, Toul, Saint-Nicolas, Neufchâteau et Nancy, groupés sous leurs bannières respectives, tous à pied. — 60.

4. — L' « harmonie nancéienne », costumée à pied. — 60.

5. — Seigneurs lorrains, à cheval. — 20.

6. — L'escorte de Jeanne d'Arc, à cheval, ses compagnons d'armes. — 10.

7. — Deux hérauts d'armes, portant l'étendard de la Pucelle et celui de Lorraine. — 2.

8. — Jeanne d'Arc, à cheval, en armure. — 1.

9. — Les divers drapeaux lorrains, de l'an 1000 à 1909. — 12.

10. — Deux hérauts d'armes avec l'écusson ducal, à cheval. — 2.

11. — Les ducs de Lorraine morts au service de la France (XIVe et XVe siècles). — 4.

12. — Les grands et petits chevaux de Lorraine, à cheval. — 30.

13. — Le grand étendard de Lorraine et sa garde d'honneur. — 5.

14. — Le duc Charles II de Lorraine, à cheval. — 1.

15. — Le duc de Bar, René Ier d'Anjou, son gendre. — 1.

16. — Robert de Baudricourt, gouverneur de Vaucouleurs. — 1.

17. — Les évêques de Metz, Toul et Verdun, à cheval. — 3.

18. — Les abbés mitrés et les dignitaires de la Collégiale Saint-Georges. — 19.

19. — Un groupe de seigneurs lorrains et messins. — 20.

20. — Les « Trompettes nancéiennes ou lorraines », costumées à pied. — 30.

21. — Vingt jeunes pages à pied et à cheval. — 20.

22. — Écuyers à cheval entourant le char des princesses. — 12.

23. — Un char magnifique à étages, portant les duchesses, les princesses de Lorraine, avec leur cour. — 20.

24. — Écuyers et servantes d'armes derrière le char des princesses. — 10.

25. — Le Char de Nancy, la Ville de Nancy, entourée des gloires de la Lorraine (20). Couronnant de fleurs une statue de Jeanne d'Arc. — 20.

26. — Le grand étendard de Nancy, entouré par 12 cavaliers aux armes de la Ville. — 15.

Intervalle de trente mètres.

APOTHÉOSE

27. — Musique militaire, à pied et costumée (ou non). — 50.

28. — Le Char de la Musique (Chorale de l'Est ou Chorale Alsace-Lorraine), chantant aux arrêts du cortège, des chœurs de Gounod, cantates, etc. (non costumé). — 60.

29. — L'Escadron de Lorraine, dans son costume vert. — 50.

30. — Le Char de l'Apothéose de Jeanne d'Arc. Au sommet, une silhouette de la statue de Frémiet ; dans le char, des jeunes filles aux riches costumes lui jetant des fleurs ; 2 fillettes en Alsacienne et en Lorraine. — 20.

31. — Un groupe de soldats à cheval, costume fantaisie. — 30.

32. — Voitures de la Presse et du Comité, voitures fleuries.

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Le long du cortège, 50 soldats costumés, empêchant la foule de couper le défilé. Étudiants quêteurs (sans costume), 24 quêteurs à cheval (costumes fantaisie), avec de longues bourses.

Au total 695 personnes, dont 150 environ non costumés.

La plupart des costumes d'hommes comportant le maillot de couleur ou mi-party, il faudra faire un appel aux jeunes gens pour qu'ils achètent directement, sur nos indications.

La quête, durant ces trois cavalcades, pourra être assez fructueuse et permettra d'amortir sensiblement les frais.

Tous les accessoires des costumes ; Écusson, boucliers, bannières, fanions, étendards, housses pour les chevaux, peuvent être exécutés ici, à bon compte.

Il faut dès aujourd'hui, demander des prix d'ensemble pour 500 costumes, devant servir trois fois, soit à Paris, soit à Bruges, où à eu lieu l'an passé le splendide cortège historique de la Toison d'Or, qui a amené plus de 300.000 touristes dans la vielle capitale des Flandres.

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La discussion s'est d'abord protée sur le projet présenté par M. Badel : l'Entrée de Jeanne d'Arc, avec ses 695 figurants, la plupart à cheval.

Ce projet, trouvé très intéressant et très bien composé, malgré sa légère entorse à la vérité historique de 1429 (comme son auteur le déclarait lui-même), n'a pu cependant être adopté, par suite des diverses difficultés qu'il comportait pour sa réalisation pratique, surtout en ce qui concerne l'obtention des chevaux et des militaires, peu disponibles, à cause du service de deux ans.

M. Émile Krantz a mis alors en avant un autre projet : Les grandes étapes de l'histoire de Nancy et de la Lorraine.

MM. Krantz et Badel ont été priés de fournir un projet détaillé pour mardi prochain, le projet devant englober toute l'ancienne Lorraine et la période de la Révolution et de l'Empire.

Ce projet comportera moins de chevaux, mais beaucoup plus de chars.

La commission de la Cavalcade se réunira donc mardi prochain pour discuter de nouveau du projet.

On a décidé de lancer un appel dans tous les journaux des trois départements lorrains, pour obtenir des souscriptions.

On espère que les subventions importantes qui avaient été promises par la ville aux concours de gymnastique seront reversées au comité de la cavalcade.

En résumé, croyons-nous, de l'échange de vues entre les membres du comité, l'affaire est en bonne voie et réussira certainement.

Certains pourront regretter que le concours de l'armée ne soit pas aussi actif qu'on aurait pu l'espérer, étant données les déclarations de M. Clemenceau.

Sans doute, un cortège triomphal de Jeanne d'Arc aurait un succès considérable — les villes d'Orléans et de Compiègne en préparent de superbes pour le mois de mai prochain — mais il faut songer que le service de deux ans, surtout à la frontière (c'est l'idée du général Pau, pourtant favorable à nos fêtes de l'Exposition), ne permet pas de disposer de la troupe aussi aisément.

Il s'agissait de préparer, d'organiser et d'obtenir quatre ou cinq cents soldats, pendant trois dimanches d'été le service à court terme, qui exige que l'instruction soit activement poussée, ne le permet pas — tandis qu'en 1866, on faisait encore 7 ans, ou tout au moins, 5 ans, et les militaires avaient plus de loisirs.


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L'Est républicain du mercreid 10 mars 1909

Cortège historique de 1909

Les grandes époques de l'Histoire de Nancy et de la Lorraine

Voici, rapidement esquissé, le projet de cortège historique soumis par MM. Émile Krantz et Émile Babel, au comité des fêtes, réuni mardi soir à l'Hôtel de Ville.

Ce projet comporte 14 chars et environ 200 cavaliers. On compte, avec les fanfares et musiques, personnages dans les chars, sur environ 600 personnages.

Naturellement, étant donné le nombre des chars décoratifs, tous de grand luxe et caractérisant les époques et les principaux monuments de Nancy et de la Lorraine, les frais du cortège historique seront plus élevés que ceux d'un simple défilé de gens à pied et à cheval.

Les auteurs du projet ont divisé le cortège en 11 groupes.

Chaque groupe comporte d'abord un lot de personnages à cheval, suivis d'un char traîné par 4 ou 6 chevaux, richement harnachés. De distance en distance, des fanfares et des musiques militaires.

1er groupe. — Les fondateurs : Godefroy de Bouillon, entouré des premiers ducs de Lorraine et des seigneurs des Croisades.

Le Char des Croisades, avec les papes lorrains, les princesses, les illustrations de tout genre de cette époque.

2e groupe. — Jeanne d'Arc et René d'Anjou : Les ducs, les seigneurs, de la Pucelle, Jeanne d'Arc à cheval (statue de Frémiet), les délégations d'habitants de Domremy, Neufchâteau, Vaucouleurs, Toul, Saint-Nicolas et Nancy, en costumes du XVe siècle.

3e groupe : René II et la Fête des Rois : apothéose de la victoire du 5 janvier 1477. Fanfare à cheval, hommes d'armes, seigneurs lorrains, étendards, peut-être l'ours de Berne, René II et les défenseurs de la Lorraine.

Le Char de la Bataille de Nancy, avec les grands personnages de l'époque. La Procession des Rois, ancienne fête nationale du 5 janvier, avec les trophées de la victoire et les armes du Téméraire.

En apothéose : la maquette du futur monument de la Croix-de-Bourgogne.

4e groupe : La Renaissance en Lorraine : la cour du duc Antoine, les pages, les hérauts d'armes du Boulay et Gringoire, les Guise, les cardinaux de Lorraine, le duc Antoine et les vainqueurs des Rustauds.

Le Char de la Renaissance (porterie du Palais Ducal), les dames de la cour, les duchesses, etc.

5e groupe : Le Règne de Charles III et les splendeurs de Nancy : Hommes d'armes à cheval, la noblesse lorraine, le duc Charles III et ses fils, le grand étendard ducal.

Le Char de la Ville Neuve (Porte Saint-Georges ou Chapelle Ronde), les princesses lorraines et les cardinaux, les politiques. Le Char de l'Université de Pont-à-Mousson et ses hommes illustres. L'Université de Nancy, sous Stanislas et aujourd'hui.

6e groupe : Le XVIIIe siècle à Nancy :

Les guerriers, les défenseurs de la Mothe.

Le Char des Artistes (Callot, Claude Gellée, Israël Sylvestre, etc.).

7e groupe : Charles V et les Turcs :

Un groupe de prisonniers turcs, les chameaux enlevés aux Turcs, les étendards de Bon-Secours (fac-simile), le duc Charles V et les seigneurs lorrains du temps (Pas de char dans ce groupe).

8e groupe : Léopold et sa cour :

Musique des Gardes lorraines, gendarme rouge, cadets-gentilshommes. Le duc Léopold e ses enfants. Ses secrétaires d'État.

Le Char de Léopold : les duchesses et les dames du château de Lunéville.

Le Char de l'Académie de peinture et de sculpture, fondée à Nancy par Léopold, avec Claude Charles. (Artistes, littérateurs et savants.)

Musique d'orchestre sur un char, gardes du corps, étendards.

9e groupe : La Cour du roi Stanislas à Lunéville (façade du château de Chanteheux).

Le Char de la Ferronnerie ou le triomphe de Jean Lamour.

Les artistes de Stanislas, les lettres, les savants : Jean Lamour, Héré, Guibal, Cyfflé, Colin, Sontgen, Girardet, Palissot, Gilbert, Saint-Lambert, Boufflers, Chéron, Guilbert de Pixerécourt, Devaux, Pilâtre de Roziers, etc.

10e groupe : La Lorraine Française : la Révolution et l'Empire.

Le régiment de Turenne (reconstitution de tous les uniformes), musique militaire (37e de ligne), généraux et maréchaux des quatre départements lorrains, à cheval, tous en grands costumes du temps.

Char de la Révolution : Statues ou personnages symbolisant la Liberté, le Travail, le Devoir, la Justice, la Fraternité, la République. Autour : les Lorrains de la Révolution : Grégoire, Sonnini, François de Neufchâteau, baron Louis Mollevaut, etc.

11e groupe : Apothéose de la ville de Nancy :

Cavaliers aux armes de la Ville, grand étendard de la Ville. la Ville de Nancy (Char de l'Exposition), entourée des villes de Lorraine et distribuant des couronnes. Si l'on veut, autour du char, les statues et bustes des gloires de Nancy au XIXe siècle.


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L'Est républicain du lundi 19 juillet 1909

Quelques notes sur le défilé

Cortège historique 1909 - La première page de l'Est républicain du 19 juillet

La première journée du cortège historique peut se résumer en « un bulletin de victoire. Tout a admirablement marché, à part quelques petits points de détail dans le début. Mais qu'on songe qu'il n'y avait pas eu de répétition générale pour la mise en route d'une œuvre aussi considérable.

C'est pourquoi il y a lieu de se féliciter de son succès, d'en féliciter les organisateurs et de s'en réjouir hautement pour le bon renom de notre chère ville de Nancy et de la Lorraine.

Les bulletins de victoire sont courts. Ainsi nous n'entrerons pas dans de multiples détails.

Constatons tout d'abord la parfaite discipline et le bon sens de notre sage population à laquelle s'étaient joints de nombreux étrangers.

Dès une heure, la foule s'échelonnait sur le parcours du cortège, se rangeait d'elle-même le long des trottoirs et cette attitude facilita singulièrement la besogne du service d'ordre.

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Que dirons-nous de la concentration des chars et des figurants au boulevard de la Pépinière. A partir de midi, ce fut le va-et-vient le plus pittoresque des costumes de tous les temps, de toutes les époques et dans les petits cafés du voisinage, il y avait d'amusantes rencontres : un évêque du moyen-âge buvant le verre de l'amitié avec un mousquetaire du seizième siècle au large feutre gris.

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Mais on a amené les chevaux qui sont sellés et bridés sous la direction de M. Pariset, directeur de l'École de dressage.

Tout le monde prend sa place. Enfin, à trois heures moins un quart, relentit une vibrante sonnerie de trompettes. C'est le signal du départ.

Le ciel est gris, la température lourde. Mais il ne tombe pas d'eau. Et c'est là l'essentiel.

Voici tout d'abord les gendarmes, les trompettes de cavalerie et d'artillerie, puis, encadré par deux escadrons de hussards, le cortège historique déroule, ses splendeurs.

Comme beaucoup de nos lecteurs le savent, l'Est républicain a tiré dimanche après-midi une édition spéciale avec les portraits des principaux organisateurs de la fête et celui de Mlle Yvonne Barghon, qui fut une Jeanne d'Arc vaillante et charmante.

Nous avons donné également les noms des jeunes gens et des jeunes filles remplissant le rôle des personnages historiques.

Aussi notre journal était-il dans presque toutes les mains et les spectateurs, amusés, savaient, grâce à lui, les noms véritables des chevaliers bardés de fer et des gentes damoiselles.

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Le cortège a suivi le boulevard de la Pépinière, la rue Saint-Georges, la rue Bailly, la rue d'Alliance, la rue de la Constitution, la rue des Dominicains, la place Stanislas, la place Carrière, la rue Ville-Vieille, la rue de la Craffe, le cours Léopold, la rue de Serre, le faubourg Stanislas, la rue Saint-Léon, la rue Saint-Jean, la rue Saint-Nicolas, la rue Charles III, la rue Saint-Dizier. Il est revenu alors place Stanislas et a regagné le boulevard de la Pépinière par la rue Sainte-Catherine.

Sur tout le parcours c'était une véritable vague humaine débordant de partout, occupant tous les points d'où on risquait de voir quelque chose, remplissant les tramways, se juchant sur des échelles.

Bien peu de fenêtres étaient vides de groupes sympathiques où se mêlaient tous les âges.

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Au balcon de la Préfecture se tenait M. le préfet Bonnet et ses invités.

Aux balcons de la mairie se trouvaient les membres de la municipalité et les conseillers municipaux avec leurs familles.

De nombreux invités également au palais du gouvernement.

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Il y aurait un intéressant chapitre à écrire sur la physionomie des divers quartiers de Nancy présentée au cours de ce cortège historique.

Des rues bourgeoises, on est passé aux rues populaires. Là régnait une aimable familiarité démocratique. Les habitants du quartier Saint Nicolas avaient mis toutes leurs chaises dehors et ils assistaient ainsi comme au théâtre au défilé du cortège.

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Nous avons déjà décrit les chars. Une répétition serait donc fastidieuse. Signalons cependant le succès obtenu par le chard de la bataille de Nancy, par le char des artistes du dix-septième siècle, par le char de Léopold, etc., etc. Un des « clous » du cortège a été bien entendu le magnifique carrosse de Stanislas, où se trouvait notre concitoyen M. Henequin, qu'entouraient d'exquises jeunes filles prêtées à Nancy, pour la circonstance, par Malzéville.

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« Jeanne d'Arc >» a été très fêtée, comme il convenait. De nombreuses acclamations aillaient vers Mlle Yvonne Barghon.

Et, à ce propos, un joli trait de galanterie juvénile :

Au moment où le cortège, au retour, passait place Stanislas, devant le restaurant Walter, un de nos jeumes concitoyens, M. Antonin B..., s'est avancé vers « Jeanne d'Arc », et lui a offert un splendide bouquet de fleurs blanches.

La foule a vigoureusement applaudi, ce geste, et le sourire heureux de la mignonne jeune fille qui a supporté avec autant de vaillance que de grâce le rôle si délicat et si difficile de Jeanne d'Arc.

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Peu d'incidents heureusement à signaler. Un cheval, en arrivant au marché aux bestiaux, fut frappé de paralysie. M. Alison, vétérinaire, dut le faire abattre aussitôt.

Le char des articles s'est disloqué, mais il a pu néanmoins continuer à faire partie du cortège jusqu'au bout.

Tous les figurants ont eu une excellente allure et ont observé la plus exacte discipline. Il faut noter aussi tout particulièrement le dévouement des quêteurs, sous-officier de cavalerie et d'artillerie, malheureusement trop peu nombreux, et qui, parfois, se suivaient trop à la queue leu-leu, du même côté.

La police parfaitement comportée.

Rendons hommage aussi au zèle des commissaires, à M. Edmond Gérard, à M. Barghon qui, à cheval, allait de l'avant à l'arrière pour assurer la bonne marche du cortège qui n'a, nous le répétons, subi aucun « à coup » sérieux.

Le service de place a également apporté une collaboration précieuse. Il était dirigé par le lieutenant Grandpierre, du 26e, adjudant de place.

Enfin, dans le public averti, on a été frappé de l'exactitude et de l'excellente documentation qui avait présidé à l'organisation historique du Cortège. Il convient d'en reporter le mérite surtout à, M. Collignon, à M. Gérardin, et à M. Braun. — Le concours de M. Gérardin, possesseur de rares collections, a été de tous les instants.

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Les photographes ont été dimanche dans la joie la plus complète et un cinématographe installé rue Héré a fixé le cortège.

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Telle fut, dans ses grandes lignes, cette première journée du Cortège historique.

Il fut une évocation, singulièrement puissante de l'histoire de notre chère Lorraine.

Drapé d'azur, et d'écarlate, dans la force de ses preux et la grâce de ses héroïnes, il apparut, aux yeux émerveillés des Nancéiens modernes.

Et ce ne fut pas seulement un spectacle pour les yeux, mais encore un enseignement pour l'esprit ! — L. P.


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L'Est républicain du lundi 26 juillet 1909

Le Collège historique Nancy

Cortège historique 1909 - La première page de l'Est républicain du 25 juillet

Quelques Notes et Impressions

Pour cette seconde sortie du cortège historique, qui eut lieu hier dimanche, disons tout d'abord que nous avons constaté avec plaisir le compte qu'on avait tenu compte des bienveillantes observations formulées dans la presse et qui n'étaient naturellement que l'écho du sentiment public.

La sagesse des nations l'a dit : Vox populi, vox Dei.

Le sentiment populaire a été écouté et on s'en est trouvé très bien.

C'est ainsi que l'espacement des figurants fut sagement diminué.

Ils ont donné l'impression de groupes sérieux, symbolisant bien une époque et une tradition.

De même les hussards ont parfaitement observé leurs distances et il n'y a que des louanges à leur adresser.

Plus de musiques également que dimanche dernier. On sait que le reproche avait été fait au cortège de manquer de musiques. Nos braves musiciens, plus nombreux se sont efforcés de répondre cette fois à ce reproche et ils ont soufflé vaillamment avec une inlassable ardeur.

Notons la belle tenue des Trompettes nancéiennes, ainsi que celle de diverses autres sociétés musicales qui, toutes, ont tenu à honneur de figurer brillamment dans les fastes du cortège historique.

Ces fastes, nous n'entreprendrons point de les décrire à nouveau.

Disons simplement que l'épopée, que l'évocation des siècles disparus, produite aux yeux des Nancéiens, de milliers de visiteurs accourus du dehors, à produit sur eux la plus profonde, la plus durable impression.

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Rue Jeanne-d'Arc, aux abords immédiats de l'Exposition, les hussards ont mis sabre au clair. Les figurants du cortège ont imité ce geste.

Et dans une attitude prête à tous les devoirs, à tous les sacrifices, la Lorraine des temps anciens, la Lorraine du XVIIIe siècle en dentelles, où l'on mourait au son des violons, la Lorraine moderne, productrice d'énergies si grandement préférable au patrimoine national, ont défilé dans cette magnifique Exposition de Nancy qui synthétise toute la grandeur de notre passé et l'inlassable espoir d'un peuple confiant dans de glorieuses destinées.

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Nous avons déjà parlé de la foule venue pour admirer le cortège historique. Les schlitteurs des Vosges, aux bras- robustes, aux reins solides, les paysans meusiens, appliqués et doux, les forgerons de Longwy et de Briey, des trépidantes cités du pays du fer, ont admiré nos bons ducs, depuis Gérard d'Alsace, fondateur de la dynastie, jusqu'à René II, qui gouverna non seulement la Lorraine, mais encore Jérusalem, la Sicile et l'Aragon.

Et dans l'esprit de tous ces braves gens qui regardaient, se réveillait la conscience altière de l'âme nationale, ils pensaient à tous ces preux, à tous ces morts dont est pétrie notre terre, à tous les ancêtres auxquels nous succédons dans la mystérieuse échelle de la destinée !

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Et le cortège historique est allé dimanche dans les quartiers neufs de Nancy.

L'itinéraire a subi des modifications. Au lieu de prendre l'avenue de la Garenne il a suivi cette rue si peuplée et qui, par une antinomie singulière, s'appelle « de Mon-Desert ».

Les habitants, très surpris et très contents, se montrèrent aux fenêtres et applaudirent comme il convenait, les seigneurs d'autrefois et les gentes demoiselles.

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Bien entendu également la pluie fut de la fête. Elle se manifesta par quelques larges gouttes aux environs de l'église Saint-Joseph. Mais les figurants de la, cavalcade, songeant qu'ils représentaient d'héroïques soldats, ou de vaillants citoyens, n'eurent point peur de l'ondée d'orage.

Ils firent contre mauvaise fortune bon cœur. Les musiques reprirent leurs airs les plus vaillants, les fanfares embouchèrent de nouveau leurs trompettes guerrières.

Jeanne d'Arc et René d'Anjou, Stanislas et les immortels généraux du premier Empire regagnèrent le lieu de la dislocation, alors que le ciel s'enténébrait de plus en plus. Mais, selon l'expression du poète :

Si le ciel et la terre sont noirs comme de l'encre,

Nos cœurs que tu connais sont remplis de rayons.

Et tous étalent heureux du succès de cette belle fête où ont communié tant de bonnes volontés dans l'amour d'une tradition glorieuse et dans la confiance au radieux avenir d'un peuple qui ne mourra point.

Léon PIEYRE.


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L'Est républicain du mercredi 21 juillet 1909

Pas de troisième sortie

Le comité du cortège historique s'est réuni vendredi, à cinq heures, à l'hôtel de Ville. M. Bourgon, vice-président, présidait

M. l'adjoint Chrétien a tout d'abord déclaré que la municipalité, contrairement à ce qui a été dit, ne tient pas à une troisième sortie.

En tous, cas, il faudrait d'abord examiner la question financière.

M. Bourgon. — « J'ai la plupart des réponses concernant le prix des chars. Il ne dépasse pas mille francs, en moyenne, qui avait été fixé.

Nous sommes disposés à passer la main à la ville pour la troisième sortie. La ville prendrait la situation telle qu'elle est à l'heure actuelle, et assurerait dorénavant les charges. Elle se mettrait donc à nos lieu et place.

La municipalité veut-elle prendre notre suite ?

La troisième sortie coûterait comme location de costumes 3,500 fr., 1,000 fr. pour les chevaux, 1,000 fr. de frais divers. En tout 6,000 fr. environ.

Nous craignons beaucoup d'engager une troisième sortie. »

M. Burth, secrétaire, lit ensuite une lettre de M, Pignot, indisposé, à M. Émile Krantz, président du comité du cortège historique. Le trésorier du comité estime qu'il faudrait demander à la municipalité de combler le déficit des deux premières sorties et d'assurer les frais de la troisième.

M. Pignot fait des réserves au sujet du concours futur des figurants.

La quête de dimanche n'a produit que 19000 fr., au lieu de 2,008 fr. la première fois.

De plus, pour une troisième sortie, nombre d'étudiants qui avaient assuré les fonctions de quêteurs seront en vacances.

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On donne communication de la situation financière :

Total des recettes : 31.061 fr. 45.

Total des dépenses : 13.451 fr. 43.

Il y a en caisse : 17.900 fr. 20.

Il reste à payer environ : 22.774 fr.

Déficit approximatif : 4.574 fr.

Mais la ville a promis 4.000 fr., le cortège ayant traversé l'Exposition, comme elle l'avait demandé.

M. Bourgon. « Nous aurons encore à payer divers frais en raison de la pluie. »

M. Suttor. — « La sortie ne pourrait avoir lieu qu'en septembre, car il faudra nettoyer les costumes. »

M. Bourgon. — « Notre traité avec la maison qui fournit les costumes, finit en août. Je crois qu'il faut, rester sur l'excellente impression produite par la seconde sortie. La troisième ne serait peut-être pas aussi brillante.

Au surplus, le bureau ne veut plus en assumer la responsabilité. Je mets aux voix la question de la troisième sortie, »

A l'unanimité, il est décidé qu'il n'y aura pas de troisième sortie. On communiquera dans une réunion ultérieure le compte rendu financier complet.

*

*  *

De vifs remerciements sont votés à M. Pignot et à son secrétaire. (Applaudissements.)

M. Burth lit diverses lettres : une lettre de félicitations de M. Laffitte, directeur de l'Exposition ; une autre letre de remerciements de M. Beauchet dans laquelle est envisagée la date du 8 août pour celle de la prochaine sortie.

Des remerciements sont votés à M. Corbin, qui offre à chaque figurant une médaille artistique de Prouvé et à la maison du Planteur de Caïffa, à la direction de l'Exposition pour ses cartes.

La question des cartes de l'Exposition

M. Main. — « On avait parlé d'une somme qui serait versée par l'Exposition. Or, elle n'a rien versé. Logiquement, l'Exposition devrait une subvention. »

M. Bourgon. — « L'Exposition a fait des promesses formelles ; elle devra s'exécuter. »

M. Main. — « L'Exposition devrait aussi proroger la validité des cartes de huit jours. »

M. Marcel Knecht. — « La direction de l'Exposition reconnaît qu'il y a eu méprise. Les cartes seront valables pour n'importe quelle date, mais il faudra faire retimbrer les cartes par M. Burth. »

M. Claudin. — « Que compte-t-on faire des chars ? »

M. Bourgon. — « On en tirera tout ce qu'on pourra. Tous les décors peints seront détachés, et mis de côté. Certaines parties des chars pourront très bien être conservées. »

M. Marcel Knecht. — « On pourrait remettre tous ces objet à la Fédération des commerçants pour ses fêtes. »

M. Pourcines. - « Je me suis abstenu dans le vote sur la troisième sortie. Je m'en félicite d'autant plus que M. le maire s'engage implicitement, dans la lettre qui nous a été lue après le vote. »

On vote de nouveau. L'assistance maintient sa première résolution.

M Bourgon a protesté véhémentement contre un article d'un journal parisien critiquant d'une façon grossière le cortège historique.

M. Barth déclare, d'après une communication de M. Pignot que l'auteur de cet article est un membre du comité du cortège historique.

Plusieurs assistants le contestent.

Sur une question de M. Hornecker, M. Bourgon déclare qu'on peut démolir les chars.

M. Edmond Gérard. — « Qu'allons-nous faire de nos costumes. Peut-on commencer leur emballage ? »

M. Bourgon. — « Ils seront centralisés à l'évêché. M. Kayser, de Bâle, devra reprendre son bien à Nancy. »

On félicite MM. Krantz, Bourgon, Victor Georges, Gérardin, Edmond Gérard, Burth, puis la séance est levée.



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