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L'Est républicain du jeudi 28 juin 1906

Le roi du Cambodge à Nancy

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Le  roi Sisowath de CambodgeDepuis que la venue du roi Sisowath à Nancy est décidée, un comité s'est formé, comme on le sait, pour organiser des fêtes dans notre ville pendant son séjour. D'après les renseignements que nous possédons, nous pouvons indiquer qu'une grande manœuvre aura lieu sur le plateau de Malzéville, combinée des troupes de Nancy avec la garnison de Lunéville. Les troupes feraient le simulacre de l'attaque de la ferme Duroselle, puis la cavalerie ferait une charge finale.

Le soir aurait lieu, ainsi que nous l'avons annoncé, dans le grand salon de l'hôtel de ville une réception pour laquelle des invitations nombreuses seraient envoyées. Le buffet serait gratuit.

Des dragons, avec la lance, seraient placés sur chaque marche du bel escalier conduisant au salon carré, imitant ainsi les gardes républicains de Paris.

Pour le lendemain, l'Automobile-Club lorrain organiserait peut-être une bataille de fleurs avec automobiles fleuries. Puis un thé serait offert aux princesses accompagnant le roi, soit à la Pépinière ou dans un parc particulier. Des invitations personnelles seront adressées aux notabilités de la ville.

Enfin, le roi assistera aux grandes régates internationales qui seront données sur la Meurthe, le 8 juillet, par le Sport nautique.

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Le roi du Cambodge descendra au Grand-Hôtel pendant son séjour à Nancy.

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Est républicain du vendredi 29 juin 1906

Le roi du Cambodge à Nancy

Le programme officiel des fêtes

Voici le programme détaillé des fêtes organisées en l'honneur du roi du Cambodge par la municipalité, sous le patronage de M. le préfet, avec le concours de l'Alliance de l'Institut colonial et du comité des fêtes de Nancy.

Vendredi 6 juillet 1906

Pavoisement des édifices publics.

A 6 heures du soir. — Réception de S. M. à la gare (le cortège suivra les rues Saint-Jean, Saint-Georges et des Dominicains, pour s'arrêter place Stanislas).

A 9 heures du soir. — Retraite aux flambeaux sur la place Stanislas ; illumination de la place.

Samedi 7 juillet

A neuf heures du matin sur le plateau de Malzéville, grande fête militaire. — Manœuvre de cavalerie avec la division de Lunéville.

A neuf heures du soir, fête de nuit à la Pépinière.

Dimanche 8 juillet

Dans la matinée, visite aux forges de Châtillon-Commentry, à Neuves-Maisons.

A 2 heures 1/2 de l'après-midi, grandes régates internationales sur la rivière de Meurthe, derrière la tonnellerie Fruhinsholz, organisée par le Sport nautique (entrées gratuites par le chemin des Cinq-Piquets et la rue de la Digue).

A 3 heures de l'après-midi, fêtes de gymnastique au parc Sainte-Marie.

A 4 heures de l'après-midi, festival de musique sur le cours Léopold.

A 5 heures, cortège et concours de voitures fleuries sur la place Carnot.

A 6 heures, distribution des récompenses du concours de voitures et bataille de fleurs sur la place Stanislas.

9 heures du soir. — Illumination de la place Stanislas. Défilé de chars lumineux. Feu d'artifice sur l'Arc-de-Triomphe. Réception à l'hôtel de ville.

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Dans la journée de jeudi des collectes ont été faites chez de nombreux commerçants du centre de la ville pour couvrir les frais de la réception du roi du Cambodge à Nancy. C'est ainsi que ces collectes ont eu lieu principalement dans les rues Saint-Jean, Saint-Georges, des Dominicains et sur la place Stanislas, trajet suivi par le roi Sisowath depuis la gare de Nancy pour arriver à l'hôtel de ville.

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Est républicain du samedi 30 juin 1906

Le roi du Cambodge à Nancy

Voici divers détails complémentaires sur le programme des fêtes qui seront données Nancy, en l'honneur du roi du Cambodge.

Samedi, le roi sera conduit en automobile au plateau de Malzéville, en passant par les rues de la Constitution, Saint-Georges, le faubourg Saint-Georges et Saint-Max.

Le retour s'effectuera par Malzéville, Ville-Veille, la place Saint-Epvre, rue Lafayette, de la Pépinière et Héré.

Dimanche matin, le roi se rendra également en automobile aux établissements de Neuves-Maisons.

Le départ se fera par la rue Gambette, la place Thiers, le faubourg Saint-Jean, les rues Jeanne-d'Arc, Blandan et la côte du Montet ; le retour aura lieu vers midi par la route de Mirecourt, les rues de Strasbourg, Saint-Dizier et Stanislas.

Le lundi, le roi et sa suite reprendront le train pour Paris, soit à 7 h. 40 du matin, soit à midi 50. Sisowath doit être de retour, ce jour même à Paris, où une réception a lieu en son honneur ; il doit rester à paris pour les fêtes du 14 juillet. Il y séjournera ensuite encore incognito pendant une quinzaine de jours, avant de reprendre le chemin du Cambodge.

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Les souscriptions pour la réception du roi du Cambodge à Nancy, ont jusqu'à présent produit des sommes assez considérables. C'est ainsi qu'on a déjà recueilli dans les rues Saint-Georges et Saint-Jean près de 1,800 fr. ; dans la rue des Dominicains 700 fr.

Ces sommes seront affectées aux décorations et aux illuminations.

On ne pourra mettre de guirlandes à travers les rues en raison des câbles du trolley.

La décoration sera donc purement longitudinale. Dès maintenant, on s'occupe d'aller chercher de la mousse, des feuillages dans les bois de la banlieue nancéienne.

Réunion du comité des fêtes

Le comité des fêtes pour la réception du roi du Cambodge avait convoqué les membres des syndicats de l'alimentation à une réunion qui s'est tenue vendredi, à quatre heures de l'après-midi, au restaurant Walter, sous la présidence de M. François, président du syndicat de la boulangerie.

Ce dernier, après avoir déclaré la séance ouverte, a donné la parole à M. Ruttinger, adjoint.

M. Ruttinger a tout d'abord indiqué que le roi du Cambodge devant arriver à Nancy vendredi 6 juillet, à six heures du soir, il se rendrait pas les rues Saint-Jean, Saint-Georges et des Dominicains, au Grand-Hôtel, place Stanislas, où il sera reçu par la municipalité.

Immédiatement un comité s'est formé pour recueillir les fonds afin d'orner d'une façon toute spéciale l'itinéraire désigné.

Le comité s'est arrêté tout d'abord au projet qui consiste à relier chaque poteau au trolley par des guirlandes de fleurs artificielles contenant chacun une lampe électrique qui, la nuit, serait allumée, faisant ainsi une série de girandoles lumineuses. La décoration serait complétée par un trophée de drapeaux à chaque poteau.

M. Ruttinger a déclaré que, sur sa demande, M. le maire avait décidé que les drapeaux seraient fournis gracieusement par la municipalité qui fournirait également à sa charge la dépense du courant électrique.

Pour la rue des Dominicains, la ville de Nancy va faire procéder immédiatement à la pose de la lumière électrique.

Comme la compagnie des tramways n'a pas en ce moment les poteaux en fonte nécessaires, des poteaux en bois seront plantés provisoirement sur le trottoir côté des numéros pairs pour supporter les lampes et les guirlandes électriques.

D'après les chiffres fournis par une maison de Nancy, la dépense de ces guirlandes électriques serait évaluée de 3,000 à 3,500 fr. Cette somme n'est pas encore atteinte par les premières souscriptions et c'est pourquoi l'on a du faire appel aux négociants de l'alimentation.

La rue Héré sera illuminée de la même manière que la place Stanislas. Des cordons de petites ampoules seront dissimulés dans les gravures des tailles, d'autres encadreront les cintres de portes et des fenêtres.

L'arc de triomphe sera illuminé également, les portes seront garnies de motifs lumineux qui seront montés sur des modèles en bois.

L'illumination électrique promet d'être du plus bel effet.

M. Ruttinger fait connaître ensuite que dans l'après-midi du samedi 7 juillet, une fête sera donnée à la Pépinière aux princesses qui accompagnent le roi.

En raison des mœurs du Cambodge, seules nos gracieuses Nancéiennes pourront y assister, les princesses cambodgiennes ne devant parler à aucun homme autre que le roi.

M. Lespine, président du comité d'organisation, a ensuite demandé la création de comités de quartiers pour s'entendre sur la décoration des rues où passera le roi Sisowath.

Puis on a étudié minutieusement les divers itinéraires que devra suivre le roi dans les journées de samedi et dimanche.

Nous pouvons dire que ces itinéraires sont établis définitivement et qu'ils ont été soumis à M. le maire pour être approuvés.

Puis M. François a engagé les membres des divers syndicats à recueillir eux-mêmes les souscriptions près de leurs collègues pour subvenir aux frais de décorations dans les divers quartiers.

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On nous prie d'insérer :

« Le comité des fêtes organisé pour la réception du roi Sisowath en vue de l'ornementation des places Thiers et Saint-Jean, des rues Saint-Jean, Saint-Georges et des dominicains, vient de se réunir pour élire son bureau. M. L'adjoint Ruttinger a été élus président ; M. Joseph, négociant, vice-président ; M. Georges, négociant, vice-président ; M. Georges, négociant, trésorier, et M. R. Housseaux fils, secrétaire du comité.

Dans la réunion qui a suivi l'élection de ce bureau, des remerciements ont été adressés aux généreux donateurs.

Le comité a aussi l'honneur de demander à tous les habitants qu'ils fassent bon accueils aux quêteurs désignés, afin de réunir la somme nécessaire pour donne le plus d'éclat possible aux fêtes qui s'organisent. »

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On nous prie d'insérer :

« Le comité central des fêtes pour le roi du Cambodge, placé sous le patronage de l'Alliance française et de l'Institut colonial, s'est adjoint comme vice-président M. Souffrain, président de l'Association des étudiants.

Il est parvenu à la constitution d'un comité en vue de l'ornementation de la place Thiers, de la place Saint-Jean, des rues Saint-Jean, Saint-Georges et des Dominicains. Ce comité a nommé son bureau hier soir et grâce à la générosité des donateurs, ces voies seront spécialement décorées.

Le comité central a aussi obtenu pour les nouveaux quartiers l'adhésion du comité du Nouveau-Nancy, qui aura une réunion samedi soir. Un troisième comité s'est formé pour les rues Saint-Dizier et de Strasbourg. Il a tenu sa réunion vendredi soir, taverne du Montet.

La décoration de la ville sera donc par elle-même extrêmement brillante et digne à elle seule des étrangers. »

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Le comité de l'Association des amis du Nouveau-Nancy prie MM. les propriétaires et négociants des nouveaux quartiers d'assister à la réunion qui aura lieu café de Thionville, rue du Faubourg Stanislas, 32, à 8 h. 1/2 du soir, le samedi 30 juin.

But de la réunion :

Décoration des rues à l'occasion de la fête donnée en l'honneur du roi du Cambodge.

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On vient d'apposer en ville l'affiche des courses du Sport nautique qui auront lieu, sur la Meurthe, dimanche 8 juillet, en présence du roi du Cambodge.

Cette affiche a pour sujet décoratif un magnifique rameur s'avançant, vigoureux dans la gloire de sa jeunesse.

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Tous les habitants de la rue de Strasbourg sont priés de vouloir bien assister à la réunion publique, qui aura lieu samedi soir 30 juin, à 9 heures, à la Taverne du Montet, sur l'initiative du comité central des Fêtes.

Ordre du jour : Décoration de la rue de Strasbourg pour le passage du roi du Cambodge.

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Est républicain du dimanche 1er juillet 1906

Le roi du Cambodge à Nancy

Les habitants de rues Saint-Dizier, Stanislas, Gambette et d'Amerval, réunis au sujet de la visite du roi du Cambodge, sur l'initiative du comité central des fêtes, ont élu leur comité ainsi composé :

MM. Busselot, président ; Delchar, vice-président ; Peffer, secrétaire, Béringer, trésorier ; Monnot, Couleur, Jacob, Thiriet, Beunesson, Carraux-Caderiet, Beugnot, Kaiser, Farrouch, Bordier, Henry et Gillet-Lafond.

Le comité se propose de faire appel à la générosité des habitants et les prie de bien vouloir réserver bon accueil aux quêteurs désignés par lui.

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Les habitants de la rue de Strasbourg, réunis hier soir à la Taverne du Montet, sur l'initiative du comité central des fêtes, ont élu le bureau suivant :

Président, M. Schertzer ; vice-présidente, MM. de Melxmoron et Clamer ; trésorier, M. Lignier ; secrétaire, MM. Schoumaker et Helm ; membres, MM. Toussaint, l'Huillier, Marchal, Richard, Sayer, Bürger.

Ce comité projette la construction de trois arcs de triomphe et une brillante décoration du quartier.

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Samedi soir, le comité du Nouveaux-Nancy s'est réuni au café de Thionville, faubourg Stanislas, sous la présidence de M. Donders.

Le président a expliqué que cette réunion avait pour but de discuter la question de la décoration du parc Sainte-Marie qui sera visité par le roi du Cambodge.

Une collecte fut faite séance tenante parmi les assistants, quatre-vingt environ, et une somme de près de 300 francs fut ainsi recueillie.

Après une discussion très sérieuse, on s'arrêta à l'idée d'une décoration lumineuse dans le parc.

Des pylônes décoratifs seraient placés le long des allées. Ils seraient réunis par des guirlandes de fleurs et, le soir venu, ils seraient allumés de l'intérieur, laissant voir par transparence les décors dont ils seront revêtus.

Avec ces pylônes, alterneraient de grands vases, où la nuit, des flammes de bengale seraient allumées, jetant de tous côtés leur feux diversement colorés.

Enfin, un arc de triomphe serait planté à l'entrée des trois portes principales du parc.

Toute la partie décorative a été confiée à M. Mariatte, peintre-décorateur.

Cette décoration serait prête dès vendredi soir et serait utilisée pendant les deux jours de séjour du souverain asiatique à Nancy.

Les drapeaux cambodgiens

L'arrivée du roi Sisowath étant prochaine, nous croyons utile d'indiquer à nos lecteurs quels sont les emblèmes que les habitants de Nancy pourront mêler au drapeau national, pour le pavoisement.

Il y a d'abord le drapeau royal, qui se compose d'un carré d'étoffe rouge sur lequel se détache en or vif la tour principale de la pagode d'Angkorr. Le tout est entouré d'une bande bleu foncé.

Le drapeau du royaume ne diffère du précédent qu'en ce qu'il porte trois tours au lieu d'une et que ces tours se trouvent sur le fond rouge du centre.

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Est républicain du lundi 2 juillet 1906

Le roi du Cambodge à Nancy

On nous prie d'insérer :

« Pour donner l'éclat le plus brillant à la décoration de la rue Mazagran à la place Stanislas, le comité des fêtes de ces quartiers fait encore un chaleureux appel à ses concitoyens.

Déjà une certaine somme a été réunie, mais pour arriver à un beau résultat, un petit effort est encore à faire.

La décoration de nos rues servira, non seulement à recevoir dignement le roi Sisowath. mais encore a célébré quelques jours après la Fêle nationale du 14 juillet. Donc bon accueil à nos quêteurs. »

La fête militaire du plateau de Malzéville

La fête milliaire du plateau de Malzéville, pour peu que le temps veuille bien ne pas la contrarier, promet de remporter un gros succès.

Le commencement de la fête est officiellement fixé à 9 heure du matin, alors que la chaleur, point encore trop ardente permettra sans danger d'indispositions, les évolutions et les fantasias les plus échevelées

Les troupes qui prendront pari à cette fête sont les suivantes :

2e division de cavalerie indépendante de Lunéville (8e et 9e dragons ; 17e et chasseurs à cheval) ; cyclistes des 2e et 4e bataillons de chasseurs a pied ; 22e brigade d'infanterie, de Nancy (37e-et79e), la 21e brigade (69e et 26e) étant parties la veille pour le camp de Mailly.

A ces troupes, il faut ajouter le 4e bataillon de chasseurs à pied ; deux groupes du 8e d'artillerie ; le 12e dragons, de Pont-a-Mousson ; deux escadrons du 5e hussards, les autres escadrons étant partis pour le camp de Mailly.

Il y aura pantomime, fantasia et même un ballet, mais les détails à ce sujet ne sont pas encore mis au point.

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Est républicain du mardi 3 juillet 1906

Le roi du Cambodge à Nancy

Les itinéraires

Voici les itinéraires que suivra le roi du Cambodge au cours de ses déplacements :

6 juillet. — Arrivée du roi du Cambodge, six heures. — Place Thiers, place Saint-Jean, rue Saint-Jean, rue Saint-Georges, rue des Dominicains, place Stanislas.

7 juillet, huit heures. — Départ pour le plateau de Malzéville : rue de la Constitution, rue Saint-Georges, Pont-d'Essey, route du Pont-d'Essey à Malzéville, route stratégique du plateau.

Descente du plateau de Malzéville, rue d'Amance, rue de Malzéville, rue Grandville, rue Braconnot, Grande Rue, place Saint-Epvre, rue Lafayette, rue de la Pépinière, cercle de la Société générale des étudiants (vin d'honneur), place Carrière, Arc-de-Triomphe, rue Héré, place Stanislas.

Samedi après-midi, cinq heures. — Place Stanislas, rue Héré, place Carrière, palais du Gouvernement, place Carrière, rue Héré, place Stanislas, rue des Dominicains, rue Saint-Georges, Point central, rue Saint-Jean, place Saint-Jean, rue Mazagran, place Thiers, rue Mazagran, porte Stanislas, rue Stanislas, place Stanislas.

8 juillet, dimanche matin, neuf heures. — Départ pour Neuves-Maisons, rue Gambetta, rue Mazagran, faubourg Stanislas, rue Jeanne-d'Arc, rue de Mon-Désert, Bon-coin, rue du Sergent-Blandan, route du Montet.

Retour de Neuves-Maisons. — Route de Mirecourt, Bonsecours, rue de Strasbourg, porte Saint-Nicolas, rue Saint-Dizier, place du Marché, rue Saint-Dizier, Point-Central, rue Saint-Dizier, rue Stanislas, place Stanislas.

Dimanche après-midi, trois heures. — Départ pour les régates : rue Sainte-Catherine, porte Sainte-Catherine, rue du Pont-Cézard, faubourg Saint-Georges, tonnellerie Fruhinsholtz.

Itinéraire des régates, au parc Sainte-Marie : faubourg Saint-Georges, porte Saint-Georges, rue Saint-Georges, porte Saint-Georges, rue du Pont-Mouja, rue Saint-Nicolas, rue Charles-III, pont de Mon-Désert, rue de Mon-Désert, rue Jeanne-d'Arc, rue Sainte-Marie, parc Sainte-Marie.

Itinéraire du parc Sainte-Marie au cours Léopold, rue de Graffigny, rue de Mon-Désert, rue Dupont-des-Loges, place de la Commanderie, rue de la Commanderie, rue Jeanne-d'Arc, faubourg Saint-Jean, pont Saint-Jean, rue Crampel, place Thiers, rue Mazagran, rue de Serre, place Carnot, cours Léopold, porte Désilles, cours Léopold.

Itinéraire du cours Léopold à la place Stanislas. — Place Carnot, rue de la Pépinière, rue d'Amerval, rue Saint-Dizier, Point-Central, rue Saint-Georges, rue des Dominicains, place Stanislas.

9 juillet, midi 40, départ officiel. — Place Stanislas, rue Stanislas, porte Stanislas, rue Mazagran, place Thiers, Gare.

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Un groupe de commerçant des rues du Pont-Mouja, Saint-Nicolas et Charles-III, réunis hier à la brasserie de la Poste sur l'invitation du comité central des fêtes, a décidé de faire appel à tous les habitants de ces rues pour qu'elles soient au passage du roi du Cambodge aussi brillamment décorées que les autres.

La réunion aura lieu mardi 3 juillet, à neuf heures du soir, brasserie de la Poste.

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Est républicain du mercredi 04 juillet 1906

Le roi du Cambodge à Nancy

Un crédit de 15.000 fr. est voté pour ce voyage, sans pourtant que soit limitée la latitude de l'administration pour les dépenses.

M. Georgel. — 15.000 fr. sont bien peu ; il faudra augmenter la somme pour venir en aide aux comités de quartiers.

M. le maire. — Demain, il y aura réunion de la commission compétente et on s'en occupera.

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Est républicain du jeudi 5 juillet 1906

Le roi du Cambodge à Nancy

Nous avons reçu cette lettre. Elle émane d'un de nos concitoyens qui craint, évidemment, que les dames cambodgiennes ou autres, s'ennuient toutes seules à la Pépinière :

« Monsieur le rédacteur en chef,

Je vous serais très reconnaissant de bien vouloir insérer cette petite réclamation dans votre journal, et ce dans la Tribune pour tous.

Cette petite réclamation est au sujet de la fête de nuit qui sera faite à la Pépinière, en l'honneur de la venue du roi du Cambodge à Nancy.

J'ai vu dans votre journal, dans votre article consacré au programme des fêtes :

« Samedi à neuf heures, fête de nuit  ». Et on ajoute que cette fête ne sera faite que pour les dames, en raison des mœurs du roi du Cambodge qui ne permettent pas que les princesses voient d'autres personnes que leur roi.

A cette mesure, il y a lieu à protestation.

Il peut se faire qu'il y ait peu de monde, en raison que beaucoup de dames ne voudront pas sortir sans leur mari, et si leur mari les accompagne, ils seront exposés à attendre à la porte de la Pépinière ; chose inégale, car on sait bien faire des souscriptions pour les fêtes, mais n'en faire profiter que le sexe féminin, tandis que les hommes ne profiteront de rien de cette et brillante fête.

Dans l'attente à ce que ma protestation soit insérée dans votre journal, recevez, monsieur le rédacteur, mes salutations empressés.Un gros commerçant de la rue Saint-Jean et ayant versé à la souscription.

Nous croyons que notre correspondant occasionnel a confondu deux fêtes données samedi à la Pépinière, le thé et la fête de nuit.

Or c'est au thé, offert l'après-midi aux princesses cambodgiennes, que seules les dames seront admises, mais il n'a jamais été question d'interdire l'accès de la Pépinière aux hommes pour la fête du soir.

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Cela dit, on peut tout de même réfléchir.

En quoi consistera la fête féminine cambodgienne, prévue à la Pépinière ?

On parle, n'est-ce pas, d'un thé offert, au chalet Clérins. Si ça se borne à cela, il serait inutile de fermer la Pépinière au public, et on peut se demander si la réception estivale, méditée pour les princesses cambodgiennes, ne serait pas mieux placée dans le jardin du palais du gouvernement ? Ce jardin, où l'on ne voit jamais personne, est grand. — Le jardin présidentiel de l'Élysée n'est pas beaucoup plus vaste. — Le jardin du palais occupé par le général Bailloud présente de plus, cet avantage qu'il touche aux bâtiments où il serait facile de trouver abri en cas d'ondée.

Tandis que le chalet de la Pépinière est petit. On ne peut donc y convier un grand nombre de personnes. Or, si il n'y a, à ce thé, qu'un petit nombre de personnes du sexe féminin, la fermeture de la Pépinière au public, en cette chaude saison, apparaît, en effet, comme une mesure excessive. Mieux vaut (il en est temps encore) donner ce « goûter  » dans le jardin du général en chef.

A moins que la Pépinière reste ouverte, pour la réception cambodgienne, à toutes les personnes du « sexe  » ?

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Nous apprenons qu'à l'occasion des fêtes de dimanche prochain, l'École des beaux-arts a l'intention de contribuer au concours des chars fleuris, par l'organisation d'un cortège antique, qui nous le croyons, doit représenter une fête de fleurs à Athènes.

Souhaitons bonne chance et beau temps à nos jeunes artistes.

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A propos du comité de quartier, présidé par M. Georgel, avoué, un autre avoué, désigné comme secrétaire sur la liste, communiquée à la presse, nous adresse la lettre suivante :

« Nancy, le 4 juillet 1909, 21 place de la Carrière,

Monsieur le rédacteur en chef,

Je lis dans votre numéro d'aujourd'hui que je figure comme secrétaire dans le comité de mon quartier qui organise les fêtes de S. M. Sisowath.

J'ai décliné cette fonction et je m'étonne que mon nom ait été livré à la presse.

Je vous prie donc de bien vouloir faire rectifier cette erreur, d'ailleurs involontaire de votre part.

Veuillez agréer, etc.

H. CROCTAINE. »

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Nancy, le 3 juillet 1906.

Monsieur le rédacteur en chef,

Voudriez-vous m'accorder l'hospitalité toujours si bienveillante de l'Est républicain, pour poser, au sujet des fêtes, une petite question aux autorités civiles ?

Comment se fait-il qu'en dehors des revues, MM. les officiers de réserve et de territoriale, ne sont jamais invités à rien ?

Il y a plus de 15 ans, nous avons été conviés au bal à la préfecture et… c'est tout!

Il ne s'agit pas ici, d'une réclamation mais d'une simple constatation, car nous sommes habitués à ce qu'on nous demande beaucoup, et à ne rien recevoir en échange.

Des égards coûteraient d'autant moins à leurs auteurs, que nous n'abuserons pas de leur courtoisie, et nous les tiendrons pour gens bien élevés.

Veuillez agréer, je vous prie, monsieur le rédacteur en chef, l'expression de mes sentiments les plus distingués.

Un ancien de la territoriale.

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Est républicain du vendredi 6 juillet 1906

Le roi du Cambodge à Nancy

Nous recevons la lettre suivante, mentionnant des appréhensions qui, en d'autres temps ne seraient pas prises au sérieux :

Nancy, 5 juillet 1906.

Monsieur le rédacteur en chef,

Permettez-moi d'avoir recours à votre estimable journal pour publier la lettre suivante :

Depuis une semaine environ, les journaux de Nancy nous rapportent les nombreux préparatifs faits pour recevoir. A mon grand étonnement, aucun n'a parlé jusqu'ici des mesures de police qui doivent être prises à cette occasion. Cela semble vraiment extraordinaire dans notre bonne ville, qui compte pas mal de réfugiés russes, dont plusieurs possèdent chez eux des produits chimiques plus ou moins suspects.

Je suis d'ailleurs bien placé pour savoir que ces messieurs préparent quelque chose.

Est-ce contre le roi du Cambodge ? Je l'ignore, mais il est à désirer que la municipalité y veille et prenne ses mesures en conséquence.

Recevez, monsieur le rédacteur en chef, mes salutations empressées.

Un honorable commerçant du quartier de l'Institut chimique.

Ainsi s'exprime notre honorable correspondant.

Nous disons qu'en d'autres temps, on n'aurait pas pris au sérieux ces appréhensions.

Mais, véritablement, quand on se souvient des actes sauvages commis déjà à Nancy, en ces derniers mois, — hier, encore les stupides dégradations faites aux pièces lumineuses ; — quand, d'autre part, on connaît le besoin de démolir qui hante certains cerveaux, on en arrive à se demander si, en effet, il ne se trouverait pas quelques anarchiste capable de s'imaginer qu'il rendra service à la « démocratie  » en méditant un attentat contre Sisowath, ce falot représentant de la monarchie!

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Nous avons encore reçu cette lettre :

Nancy, le 4 juillet 1906.

Monsieur le directeur,

Je viens de voir dans votre estimable journal, le programme des fêtes au sujet de la visite du roi du Cambodge à Nancy.

Nous sommes très étonnés que certains établissements, tels que la Faculté de médecine, l'hôpital civil, l'hospice Saint-Julien ne soient pas sur le programme. Il nous semble pourtant que ces établissements ne manqueraient pas d'intéresser le roi et qu'ils méritent bien l'honneur de sa visite.

Espérons que le quartier latin aura sa part dans les fêtes.

Dans l'espoir de voir Sisowath, recevez, etc., etc.

Un abonné. »

Nous insérons cette lettre à titre documentaire, mais on doit comprendre qu'on ne peut imposer à Sisowath de tout visiter. D'ailleurs, il ne « marche  » que quand ça lui plait.

Et il ne faut pas oublier que le roi du Cambodge à 67 ans.

Au surplus le spectacle de la Faculté de médecine ou d'hôpitaux n'a rien qui puisse particulièrement intéresser Sisowath.

Qu'un ministre aille visite un hôpital, très bien. Il est compris dans ses fonctions d'avoir un mot réconfortant pour les malades. Il en est tout autrement d'un souverain exotique, régnant sur des pays ne ressemblant en rien au nôtre comme climat ni comme civilisation.

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On sait qu'à l'occasion de l'arrivée de Sisowath, une retraite aux flambeaux doit avoir lieu vendredi soir, avec le concours de toutes les musiques des régiments de la garnison.

Or, la 21e brigade (26e et 69e), partant de Nancy, le vendredi 6, en même temps que deux escadrons de hussards et quatre batteries d'artillerie, à destination du camp de Mailly, la municipalité a pensé que les musiques d'une brigade ne seraient pas suffisantes, et elle s'est offerte de payer les frais de chemin de fer des « cliques  » et musique des 26e et 69e, qui resteront ainsi à Nancy pour les fêtes de Sisowath, et rejoindront leurs régiments respectifs le quatrième jour de marche, à Tréveray.

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De grandes quantités de feuillage coupé dans la forêt de Haye par des militaires sont déposées dans la petite cour de l'hôtel de ville, près de la rue Saint-Julien. Elles serviront à décorer le vestibule et les salons du maire.

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Le feu d'artifice qui doit être tiré sur l'arc de triomphe est arrivé à Nancy, il a été placé comme d'habitude sous les voûtes de l'arc, où des artificiers venus de Paris, sont occupés à assembler la pièce principale.

Des sentinelles empêchent les piétons de stationner à proximité de l'endroit.

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Jamais de mémoire d'homme, on ne vit tant d'électriciens dans les rues de Nancy qu'au moment où paraissent ces lignes! Et tous sont sur les dents. Pensez-donc, il faut que toutes les rues et places où doit passer le roi Sisowath soient éclairées à giorno, et, pour se faire, il ne reste plus que quelques heures.

A l'heure qu'il est, dans les artères centrales, des « équipes  » déroulent quantité de « couronnes  » de conducteurs, où tous les diamètres son représentés. A terre, gisent dans un pêle-mêle indescriptible « interrupteurs et coupe-circuits  », « isolateurs  » et « résistances  ». Pendant que les plus agiles d'entre les ouvriers grimpent au sommet des perches et accrochent fils et lampes, d'autres, à l'aide des perceuses électriques (voile-toi la face ô Badel), transformant en écumoires les murs plus que centenaires des bâtiments de l'ancienne place Royale et installent les « prises  » nécessaires à l'alimentation des lampes.

Çà et là, sur le pavé mouillé, gisent des motifs de décoration en lattis aux multiples couleurs. Il parait que ces ornements une fois mis en place et illuminés, représenteront l'astre du jour apparaissant à l'horizon.

Et les ouvriers enfoncent force lampes dans les « douilles à baïonnette  » appliquées aux motifs. Pour varier, des lampions aux différentes teintes, et formés de demi-sphères en celluloïd juxtaposées, entourent l'ampoule et tamisent ainsi, tout en variant, la lumière électrique, toujours un peu crue.

Place Stanislas, tout autour des cintres, courent des conducteurs noirs, portés sur isolants ou porcelaine émaillée. Il y aurait quelque chose à faire — après la visite de Sisowath, bien entendu. Puisque ces conducteurs doivent demeurer, ne pourrait-on pas, pour rendre moins criarde cette installation, lui donner une légère couche de peinture, dans les tons de la pierre ? L'esthétique de notre belle place n'y perdrait rien, au contraire. De même pour les isolateurs outrageusement blancs.

Et maintenant, le soir venu, quand au coup de baguette magique, ces milliers de lampes resplendiront, le coup d'œil sera vraiment féerique, et Nancy-la-Coquette aura acquis une grâce de plus.

Vraiment la lampe merveilleuse d'Aladin ne pouvait être qu'une ampoule électrique!

A la pépinière, les chaînons de fer qui, tous les ans servent à la suspension des verres de couleur, sont en place. Il en est de même pour les écussons et les drapeaux.

Hier, jeudi, les travaux d'embellissement ont été commencé sur divers points de la ville, et notamment au parc Sainte-Marie, où doivent avoir lieu des réjouissances. De même, au Cinq-Piquets, derrière la tonnellerie Fruhinsholz, une équipe d'ouvriers charpentiers monte, depuis hier, les tribunes pour les régates.

Sera-t-on prêt ?

Hier soir, nous publions la lettre suivante :

« Aujourd'hui jeudi, à quatre heures de l'après-midi, les travaux de décoration lumineuses dans les grandes artères, ne sont guère plus avancé qu'hier.

La cause de ce retard est imputable à la non-arrivée des ampoules, poulies et autres objets nécessaires aux pièces lumineuses qui doivent décorer les rues Saint-Jean et Saint-Georges.

Toute cette décoration, coûtant environ 3,500 fr. a été commandée à une maison de Paris.

Quatre ouvriers spéciaux de cette maison sont bien arrivés à Nancy, mais le matériel spécial n'est pas là, quoique la maison de Paris, interrogée par téléphone, ait répondu qu'elle avait « expédié le wagon depuis deux jours  ».

Il ne faut pas désespérer cependant.

De toutes parts, drapeaux et oriflammes sont posés.

On recherche le moyen de remplacer les pièces lumineuses parisiennes au dernier moment, si elles ne sont pas prêtes, par les motifs électriques existant à Nancy.

On pense passer la nuit de jeudi à vendredi au besoin. Bref, les membres du comité déploient beaucoup d'activité, et, — malgré les réserves que nous sommes obligés de faire — on peut espérer, en somme, que les principales artères de Nancy seront « parées  » pour vendredi, 6 heures du soir, au débarquement du souverain cambodgien.

Voilà donc ce que nous imprimions hier, à 4 heures de l'après-midi. Sur la fin de cette même après-midi, les travaux avaient remarquablement avancé un peu partout.

Grâce à l'activité déployée par les ouvriers monteurs de la station centrale électrique, la décoration lumineuse qui doit encadrer les arceaux des monuments de la place Stanislas, de la rue Héré et de l'Arc de Triomphe, peut-être considérée comme actuellement terminée, car il ne reste plus à poser que quelques ampoules électriques dans les câbles souples, qui, soutenus par des isolateurs en porcelaine, distribuent le courant.

Cette opération ne demande que quelques secondes par lampe, et l'on peut espérer que tout sera prêt pour vendredi soir.

De plus, les ouvriers gaziers ont placé autour de la statue de Stanislas, la rampe de gaz et les lustres montés sur les colonnes et qui sont destinés à éclairer le centre de la place. D'autres ouvriers ont déjà placé sur les balcons de l'hôtel de ville les motifs lumineux éclairés au gaz.

Dans la rue des Dominicains, l'administration des tramways, a posé les poteaux, qui ont été aussitôt mis en couleur et garnis de globes électriques, qui sont destinés à l'avenir à éclairer en permanence cette voie. Ils ont essayés hier soir.

Mais, ainsi qu'on l'a lu plus haut, c'est la décoration des grandes artères Saint-Jean et Saint-Georges qui menaçait de rester en souffrance.

Rues Saint-Georges et Saint-Jean, les ouvriers électriciens n'ont pu travailler pendant la journée en raison de la circulation intense qui y existe, mais ils opèrent de nuit et espèrent terminer leur installation de câbles et de poulies destinées à hisser à hauteur voulue les pièces lumineuse qui attendent depuis avant-hier sur le trottoir.

Ce travail aérien a maintenu un nombre appréciable de curieux, jusqu'à une heure assez avancée de la nuit, au Point-Central. Il a été achevé pour vendredi matin. Seuls, les mâts des rues Saint-Georges et des Dominicains ne sont peut-être pas encore munis de leurs poulies.

Cet ouvrage est particulièrement difficile, aussi, pour faciliter la tâche des ouvriers, la ville a prêté une échelle Gugumus à la maison Majorelle, chargée de diriger la décoration.

Dans la rue Saint-Dizier, les poteaux de trolley sont déjà garnis de leurs faisceaux de drapeaux, et dans la cour de la maison, rue Saint-Dizier, n° 2, des femmes travaillaient activement hier soir à la terminaison des guirlandes de mousse.

A l'hospice Stanislas également, les jeunes orphelins ont terminé la confection de ces guirlandes qui sont destinées à la décoration des poteaux de tramway et qui reliés aux maisons, supporteront mille lanternes vénitiennes.

Les vieillards de l'hospice Saint-Julien et les enfants de l'école Drouot ont aussi confectionné des guirlandes.

Le comité de la rue Saint-Dizier a demandé à l'administration des tramways des ouvriers pour accrocher des oriflammes aux câbles qui soutiennent depuis quelque temps le fil du courant.

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*   *

Au parc Sainte-Marie, le charpentier a terminé les pylônes qui seront posés en divers endroit de la promenade. La décoration toute « cambodgienne  » s'avance également, les panneaux de calicot étant déjà en partie terminés. Tout cela sera posé samedi matin et, le soir venu, tout le « Nouveau-Nancy  » pourra aller admirer son parc brillamment illuminé.

Pour le concours de chars fleuris, les automobilistes promettent de faire des merveilles de décorations florales sur leurs voitures.

Dix-sept chars ou voitures sont déjà inscrits pour participer à cette fête et l'on est en droit de croire que dimanche à cinq heures, la place Carnot présentera un coup d'œil des plus animés.

La Société d'horticulture avait été pressentie pour faire un char, mais le comité à répondu qu'il ne pouvait, à son grand regret participer à cette fête, le temps matériel lui faisant défaut pour mener à bien un travail digne de la Société.

A propos de ce concours de chars, ajoutons que les élèves de l'École des beaux-arts remercient chaleureusement les nombreux commerçants nancéiens qui, après de nombreuses quêtes, ont généreusement donné encore leur offrande pour le char de l'École.

Disons, en terminant, que de nombreux négociants s'apprêtent aussi à sortir de la banale illumination en rampe de gaz, pour utiliser l'électricité qui se prête à tous les caprices, les câbles pouvant se dissimuler sous des guirlandes et les ampoules se cacher sous les énormes fleurs de celluloïd qui sont un décor pour la journée et éclairent brillamment la nuit venue. Il est à souhaiter que les négociants laissent leurs magasins éclairés ce soir et demain soir.

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Dans la soirée de jeudi, on a placé dans les rues où passera le roi du Cambodge, des guirlandes de mousse, ainsi que des drapeaux aux poteaux du trolley.

Une remarque à propos de ces drapeaux, ils ne font pas tout l'effet panoramique désirable et on peut croire que des oriflammes plantées au haut des poteaux feraient bien mieux.

Quoi qu'il en soit, après l'alerte d'hier, nous pouvons dire vendredi matin :

On sera prêt

Sauf, peut-être, place Carnot ?

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Le maire vient — en effet — de donner l'ordre à M. Fort, entrepreneur, qui construisit le cirque, d'avoir à le démolir et à débarrasser l'emplacement pour demain, afin que la place Carnot soit débarrassée pour le concours de chars qui y sera donné à l'occasion de la visite du roi de Cambodge.

L'entrepreneur se hâte de terminer le travail, mais il ne parait guère probable qu'il puisse réussir.

Nous croyons savoir que si le cirque n'a pas été démoli plus tôt, c'est que, à l'issue de la foire, M. Fort, avait adressé une demande à la ville tendant à obtenir l'autorisation de remonter le cirque, pour y donner des vues cinématographiques sur l'emplacement des terrains de la Craffe, boulevard Charles-V.

En laissant la construction montée place Carnot, jusqu'au jour de l'autorisation sollicitée, l'entrepreneur n'avait nullement besoin de faire emmagasiner ses bois, et il n'aurait eu qu'à les transporter sur l'emplacement choisi.

M. Fort aurait offert une subvention de 5,000 fr. à la ville, qui n'aurait pas accepté. C'est alors que l'entrepreneur dut songer à démolir le cirque, mais cela demande du temps, et comme on en avait perdu quelque peu, il n'en restait guère pour terminer ; d'où la sommation de la mairie.

P.-S. — On a travaillé ferme aux décorations des rues toute la nuit de jeudi à vendredi.

A 6 heures du matin, vendredi, on avait mis en place presque tous les motifs lumineux des rues Mazagran, Saint-Jean et Saint-Georges;

Les sommets des mâts avaient été garnis de drapeaux.

Des guirlandes de mousse serpentent maintenant autour des poteaux de trolley de ces rues et aussi de ceux des rues des Dominicains et Saint-Dizier.

Au Point-Central, le motif lumineux figurant un dôme, a été hissé et garni de fleurs artificielles, pivoines énormes, dissimulant les ampoules électriques.

Enfin, d'immenses banderoles tricolores tombent du haut de ce dôme et vont se relier aux mâts.

Ajoutons, à titre de curiosité, que le wagon d'agrès de la maison de Paris, qui a fait défaut aux ouvriers chargés de la décoration, a été, parait-il, expédié par erreur à Dijon où on vient de le retrouver. Il est possible qu'il arrive à Nancy… après les fêtes.

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Nous recevons encore de nombreuses lettres, soit sur la soirée de dimanche à l'hôtel de ville, pour laquelle on estime que le commerce n'a pas reçu assez d'invitations, — soit sur la fête d'après-midi (le thé), à la Pépinière. Cette dernière réception aura lieu, non à la Pépinière, mais au palais du Gouvernement, ce qui arrangera tout le monde, comme nous l'exposions hier. Voici, à ce sujet, la note qu'on demande à la presse de bien vouloir insérer :

« Samedi dans l'après-midi, le roi du Cambodge et sa cour visiteront le palais du Gouvernement.

Le général et Mme Bailloud prient les fonctionnaires et leurs familles, les officiers et leurs familles, et les personnes qui sont en relations de visite avec eux, de leur faire l'honneur d'assister au thé donné à cette occasion, le samedi 7 juillet, de 3 heures 1/2 à 5 h. 1/2. »

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Nous recevons les communications officielles suivantes :

« Un arrêté de M. le préfet de Meurthe-et-Moselle en date du 30 juin, interdit la circulation des voitures sur le chemin d'intérêt commun stratégique n° 51, le samedi 7 juillet dans la matinée.

De son côté, l'autorité militaire organise un service d'ordre pour que les manœuvres de troupes puissent se faire sans encombre, et ne donnent lieu à aucun accident, notamment par les charges de cavalerie et le tir des pièces d'artillerie.

Les personnes qui voudront assister à la fête militaire du samedi 7 juillet devront se rendre sur place, soit à pied soit en voitures par le nouveau chemin stratégique de Pixerécourt, soit par la rue d'Eulmont qui monte à gauche de l'église de Malzéville, elles arriveront ainsi juste devant les lignes et seront on ne peut mieux placées pour assister à la fête militaire.

Il n'en serait pas de même pour les personnes qui seraient tentées de suivre le chemin stratégique n° 51, qui sera barré à son terminus.

Le public est prié de ne pas jeter de bouteilles ni sur le champ de manœuvres ni sur les chemins aboutissant, afin d'éviter des blessures aux chevaux et des accidents parfois très graves résultant de la chute des cavaliers.

Dans l'intérêt de sa sécurité, le public devra se tenir dans les limites indiquées par le service d'ordre.

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M. le lieutenant-colonel, major de la garnison vient de faire parvenir à la mairie, la note suivante :

1° les voitures des personnes munies de cartes d'invitation pour la tribune officielle à la fête du 7 juillet, pourront, jusqu'à 9 heures du matin, emprunter le chemin stratégique de Pixerécourt, pour se rendre à la tribune.

2° Les voitures des personnes munies de carte d'invitation pour la tribune officielle, pourront jusqu'à 8 heures 1/4 où après le passage du cortège du roi, emprunter le chemin stratégique n° 51, pour se rendre à la tribune.

Dans ces deux cas, après 9 heures, c'est-à-dire après le coup de canon, signal du commencement de la manœuvre, aucune voiture ne pourra plus circuler sur le plateau et les voitures venant du chemin n° 51 (Gueule-du-Loup), ne pourront dépasser l'allée des Pommiers de la ferme du Génie.

Les personnes qui désirent voir la revue sont priées de se placer le long du bois de l'Hôpital et du bois de sapins du chemin de Pixerécourt. Elles pourront, de là, très bien voir la manœuvre.

Seuls les photographes munis de cartes spéciales pourront circuler sur le plateau.

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A l'occasion de l'arrivée à Nancy de S. M. le roi du Cambodge, la Compagnie des tramways a l'honneur d'informer le public que pour faciliter le transport des voyageurs qui se rendront samedi matin à la revue du plateau de Malzéville, le départ de la ligne Gare-Essey sera avancé de quarante minutes.

Premier départ Gare : 6 h. 20.

La Direction.

Dernière heure

Le voyage à Nancy du roi Sisowath donne lieu à des réjouissances extraordinaires, mais il a aussi son côté sérieux et utile.

Il n'est pas indifférent que le monde entier sache qu'entre toutes les villes de France, Nancy a reçu la visite de ce souverain oriental, dont notre pays a le devoir de maintenir le prestige, puisque le Cambodge est placé sous notre protection.

Enfin, ce voyage procure à tous nos concitoyens une occasion unique de s'unir dans un même sentiment :

Les monarchies ne peuvent qu'êtres flattées, en effet, de ces honneurs rendus à un roi ;

Et les républicains s'enorgueillissent à bon droit de voir un monarque régner dans l'ombre des trois couleurs démocratiques. En sorte que nous seront tous d'accord en saluant notre hôte auguste, aux cris mille fois répétés et entremêlés : Vive le Roi Vive! la République!

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Le comité des fêtes vient d'éditer un élégant programme de la visite du roi du Cambodge à Nancy.

Ce programme contient d'abord une pièce de jolis vers dus à notre concitoyen M. René d'Avril : « Nancy à S. M. Sisowath  », puis des détails sur le Cambodge, sur son roi, ainsi que son portrait et celui du docteur Hahn, qui ; comme on le sait, dirige le voyage cambodgien.

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Les quartiers Saint-Epvre et de la Pépinière ont fait placer autour des statues René II et Jeanne d'Arc divers poteaux orné de guirlandes et d'oriflammes. Au bas de la rue de la Pépinière, un arc de triomphe est en construction, comme nous l'avons déjà annoncé, à la hauteur de l'hôtel des étudiants, où Sisowath doit être reçu, samedi, au retour du plateau de Malzéville.

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Voici le programme du concert qui sera donné au kiosque de la Pépinière, le samedi 7 juillet, à huit heures et demie du soir, par la musique du 26e de ligne et la chorale Alsace-Lorraine :

1. Banderillas, allegro, musique (Popy). — 2. Le Seigneur du village, musique (Boiëldieu). — 3. Les Villes mortes, grand chœur, chorale (H. Maréchal). — 4. La Flûte enchantée, musique (Mozar). — 5. Le retour des exilés, chœur (L. Monestier). — 6. L'Africaine, musique (Meyerbeer). — 7. Sous les Ormeaux (Hubert).

Le chef de musique HUBERT.

Le directeur de la chorale, BOLINNE.

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Hier, à propos de l'installation de la lumière électrique sur la place Stanislas, nous faisions remarquer que, pour dissimuler les conducteurs et les isolateurs, un peu trop apparents vraiment, une couche de peinture dans le ton pierre, pourrait être appliquée sur le tout.

Renseignements pris, l'installation en question n'étant faite qu'en vue des fêtes, il serait donc inutile d'astreindre les ouvriers à ce travail qui n'eut été nécessaire qu'à la condition de la permanence de l'installation qui est démontable et sera enlevée dans les vingt-quatre heures.


BmN Kiosque lorrain

L'Est républicain du samedi 7 juillet 1906

Le roi du Cambodge à Nancy

SISOWATH à Nancy

Départ du roi pour Nancy

(D'un correspondant particulier)

Paris, vendredi 10 h. du matin.

Le roi Sisowath n'a pris part à toutes les réjouissances préparées pour lui à Paris. Il souffre d'un rhumatisme, depuis déjà plusieurs jours, et il a fallu l'intervention pressante du docteur Hahn pour le décider à accomplir sa promesse de se rendre à Nancy.

Mais il ne faudrait pas s'étonner, si le roi renonçait à certaines des réceptions organisées en son honneur.

(Téléphone Havas).

3 heures du soir.

Le roi du Cambodge a quitté Paris à midi 20, se rendant à Nancy.

Il est accompagné dans son voyage par ses fils, les princes Essaravong, Huong-Mathura, Manigong, Sothanovong ; les ministres Son-Diet, Thioun et Tout ; le prince Holl et six de ses favorites.

Sont parties également avec lui pour Nancy, les personnages français attachés à sa personne, le docteur Hahn, le capitaine Chapuis, MM. Munier et Gautret.

Le roi Sisowath est arrivé à la gare de l'Est à midi, escorté par un peloton de gardes républicains à cheval, en grande tenue.

Il est monté immédiatement dans un wagon salon, décoré de fleures naturelles.

Le roi a été acclamé par un public nombreux, que se présence avait attiré sur les quais.

Il sera de retour à Paris, lundi dans l'après-midi.

On avait annoncé que le roi devait faire un voyage à Lyon. Ce bruit est démenti.

A Nancy

3 heures soir.

Malgré une pluie torrentielle qui s'est abattue sur Nancy et a duré de midi à deux heures, guirlandes et oriflammes n'ont pas souffert.

Les pièces lumineuses envoyées de Paris ont été montées à temps, mais il en manquait une, la plus belle, celle qui doit figurer au Point-Central.

Jusqu'au dernier moment, on espérait son arrivée. Il faut de contenter de la couronne de fleurs avec longues draperies tricolores, posées la nuit dernière, pour garnir provisoirement le carrefour du Point-Central.

Rue des Dominicains, les mâts supportant les drapeaux sont plantés droits. Il n'en est pas de même dans la rue Saint-Jean et dans la rue Saint-Georges. Ne pourrait-on les redresser ?

Cela ferait grand bien à l'esthétique de cette grande artère.

Le temps s'est remis au beau et on est en droit d'attendre une soirée favorable. Le nouvel éclairage électrique de la place Stanislas et de la rue Héré promet d'être splendide.

3 heures 1/2 du soir.

A la gare, la salle d'attente des premières est transformée en salon.

Aux larges baies des portes d'immenses rideaux, en velours rouge cramoisi ; des tapis couvrent le parquet et des plantes vertes, palmiers, amandiers, etc… agrémentent la salle.

Le maire de Nancy recevra le roi dans ce salon des premières.

La sortie du souverain et de son cortège se fera par la porte vitrée de gauche donnant sur la cour de la gare, près des salles d'attente.

4 heures 3/4 du soir.

Dans la cours, près des salles, une compagnie et une musique militaire, sont prêtes à rendre les honneurs au roi.

Le service d'ordre à l'intérieur des bâtiments est assuré par le commissaire spécial de la gare, M. Gerber ; à l'extérieur, par la police municipale, commandée par M. Nogier, qui relève, on le sait, d'une indisposition.

L'arrivée royale est pour 6 heures.

Le train commencera à ralentir dès son entrée en gare, sur la voie principale montante à hauteur du buffet, puis il s'avancera ainsi jusqu'à ce que la machine soit en face de la porte centrale où il stoppera. Le wagon du roi se trouvera donc devant la salle d'attente des premières classes. C'est là qu'il sera salué.

*

*   *

Par arrêté municipal :

Article 1er. — Dans l'intérêt de l'ordre et pour éviter des accidents de la circulation des voitures sera interdite le dimanche 8 juillet 1906, de 5 heures 1/2 à 7 heures 1/2 et de 8 heures 1/2 à 11 heures du soir, sur la place Stanislas et dans la rue Héré.

Les voitures seules qui amèneront des invités à la réception de l'hôtel de ville devront arriver par la rue des Dominicains, à une allure très modérée, suivre la chaussée pavée qui longe l'hôtel de ville et repartir par la rue de la Constitution.

Le trottoir de l'hôtel de ville restera libre pour en permettre l'accès aux personnes qui se rendront à pied à la soirée donnée en l'honneur de S. M. le roi du Cambodge.

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Le programme des fêtes en l'honneur du roi du Cambodge comprend comme il a été annonce, un concours de chars fleuris et une bataille de fleurs place Stanislas, dimanche prochain, à 6 heures du soir.

Chacun sait que ces sortes de fêtes ne sont très animées que lorsque les munitions sont abondantes.

Le comité des fêtes fait un chaleureux appel à tous ceux qui possèdent des jardins et les prie de vouloir bien contribuer à l'éclat de cette fête par le don des fleurs dont ils pourraient disposer. Il leur suffira d'envoyer leur adresse à l'un des journaux de Nancy ; une voiture passera pour prendre les fleurs dans la matinée de dimanche prochain. Elles ne sont pas destinées à être vendues, mais à garnir les chars et à commencer la bataille.

Cet appel sera certainement entendu de tous ceux qui peuvent à peu de frais augmenter l'éclat d'une fête qui promet tant de plaisir aux yeux.

*

*   *

On nous communique, malheureusement trop tard pour être utilement insérée, une note annonçant que, pour les évolutions exécutées sur le plateau de Malzéville ce matin samedi, en l'honneur du roi du Cambodge, MM. les officiers de réserve et de l'armée territoriale sont autorisés à se mettre en tenue et qu'ils se placeront avec les officiers sans troupe, c'est-à-dire à droite ou à gauche de la tribune installée près du Signal.

L'arrivée du roi

Dans la cour de la gare

Dès cinq heures, le public commence à arriver à la gare.

Dans la cour, ce sont de longues ribambelles d'enfants sortant des classes et courant vers les entrées. Tous veulent voir le roi Sisowath. Malheureusement pour eux, le service d'ordre vient d'être organisé par les soins de MM. Gerber, commissaire spécial, et Besson, du canton Ouest, qui doivent se résoudre à les expulser.

Entre temps, arrive les voitures : la maison Thouvenot était chargée du service qu'elle a assuré à son honneur. Le premier landau est conduit par le maître loueur en personne, le second est confié à M. Masson, maître dans l'art de conduire, vieux serviteur de la maison.

Voici maintenant que les autorités arrivent. Passe le général Bailloud. Puis viennent les généraux Pistor, Boëlle, le docteur Benech, le directeur du service de santé, l'intendant Gardieu, etc.

L'autorité civile est représentée par le préfet, son secrétaire général, le maire, les adjoints et de nombreux conseillers municipaux, les membres des divers comités chargés de la décoration de la ville.

Sur la place Thiers, la foule devient de plus en plus nombreuse. Il y a bien près de trois mille personnes sur la place ou dans les rues Crampel et Piroux. Les toits de la gare et des maisons lui faisant face sont peuplés de nombreux groupes et l'on s'écrase littéralement sur les ponts Saint-Jean et Stanislas. Des gamins se hissent sur les grilles de la cour de la gare, d'autres grimpent aux poteaux du trolley.

Les camionneurs qui viennent de la gare ou y vont, arrêtent leurs véhicules, qui, bientôt sont envahis par les spectateurs. Des photographes braquent partout leurs appareils.

Les cavaliers d'escorte du 5e hussards, qui sont placés devant la statue Thiers, font rectifier la position à leurs montures et se campent fièrement pour avoir bonne mine sur la plaque sensible.

Sur le quai de la gare

Sur le quai de la gare, dès cinq heures et demie, des curieux commencent à affluer. Mais la consigne est sévère.

Les agents de police font circuler impitoyablement.

Ce n'est pas d'ailleurs, il faut le reconnaitre, chose facile qu'un service d'ordre, à la gare à pareille heure avec tous les trains en partance.

Et puis il est des gens qui, à tout prix, veulent voir Sisowath. Chassés d'un côté, ils reviennent de l'autre.

C'est ainsi qu'un agent demande à une brave dame si elle possède un coupe-file. La brave dame de répondre négativement. L'agent de l'inviter à aller plus loin. La dame obéit, mais quelques minutes après elle revenait, implorante, à l'endroit d'où on l'avait expulsé.

Et sur le quai de la gare, où M. Gerber, commissaire spécial, ayant la direction du service d'ordre, se promène, d'autres personnes surviennent. Ce sont les généraux de la garnison, les autorités civiles, les membres du comité d'organisation avec à la boutonnière un insigne rouge et orange.

Ce n'est pas le roi!

Un remous se produit. La musique du 26e s'apprête à jouer l'hymne cambodgien.

Mais ce n'est qu'une fausse alerte, car ce n'est pas le train royal.

Le train royal stoppe

Enfin à six heures, ce dernier arrive et va stopper en face de la salle d'attente des premières aménagée en luxueux salon de réception.

L'hymne national cambodgien retentit, il est grave, presque religieux.

*

*   *

Voici le wagon royal.

On a une vision chatoyante, étincelante de dorures.

C'est comme un spectacle de féerie dans un décor moderne.

Le roi sort de son coupé. Il marche avec assez de difficultés. Sisowath est comme tous les Cambodgiens, d'assez petite taille ; il est vêtu d'une sorte de blouse richement brodée et porte à la main un immense chapeau pointu.

On crie : « Vive le Cambodge! Vive le roi!  »

Le roi paraît de très bonne humeur, il sourit d'un sourire aimable qui découvre ses dents blanches.

Sisowath est suivi de ses ministres, chamarrés, eux aussi, portant de multiples décorations et coiffés d'un casque avec des bandelettes semblables à celles fixées aux mitres des évêques.

Descendent encore du train le sympathique docteur Hahn, inspecteur des services administratifs de l'Indo-Chine, qui a, comme on le sait, la direction du voyage royal, des fonctionnaires coloniaux en grande tenue, superbes ; les princesses tant attendues, aux yeux étonnés, apparaissent toutes gracieuses, puis des domestiques.

*

*   *

A l'hymne cambodgien a succédé l'alerte Marseillaise. M. Beauchet et ses adjoints s'avancent vers Sisowath, qui leur serre la main.

Dans le salon

Cependant, on envahit le salon. Uniformes, habits noirs se pressent à l'envi. On prête l'oreille aux allocutions que devaient prononcer le maire et le préfet, mais en raison de la foule, ils ont renoncé à prendre la parole.

Néanmoins, toujours dans le salon, une dame s'approche de Sisowath qui la reconnait et manifeste une évidente satisfaction.

Cette dame est Mme de Vernéville, qui a habité trois ans Phnom-Penh, où son mari a été résident général du Cambodge, pendant sept ans.

M. et Mme Vernéville habitent maintenant Malzéville.

Mme Vernéville annonce au roi qu'elle ira lui rendre visite dans la journée de samedi, puis le cortège se dirige vers la place Thiers.

Les ministres — très graves, hiératiques — suivent immédiatement le roi ; puis viennent, mêlés aux officiers et aux civils, les autres Cambodgiens. On en remarque deux coiffés démocratiquement, l'un d'un chapeau melon, l'autre d'un chapeau de paille.

Les princesses parviennent à sortit de la gare non sans difficulté. Elles ne portent aucune coiffure, et sont vêtues de robes soyeuses de différentes couleurs.

Avec leurs cheveux coupés court, on prendrait les princesses pour de jeunes garçons.

Au dehors

Le roi monte dans une première voiture avec le maire, le général Bailloud et le docteur Hahn. Dans les autres voitures ont pris place le général de division Pistor, le préfet, les généraux de brigade, la suite du roi, les adjoints, les conseillers municipaux, la presse, etc., etc.

A la sortie de la gare, la voiture des princesses a été littéralement submergée de bouquets et elles étaient toutes heureuses de cet hommage ; elles trempaient leurs petites mains fines dans la chair tendre des roses.

Les honneurs militaires. — L'escorte. — En route!

Les soldats du 79e mettent l'arme sur l'épaule. Les cavaliers entourent les voitures. On crie encore : « Vive le roi! Vive le Cambodge!  » Le cortège s'ébranle. La place Thiers présente un spectacle unique de mer humaine au milieu de laquelle ressortent comme des ilots d'or, les costumes fabuleux de Sisowath et de ses cambodgiens.

Le cortège par les rues Saint-Jean, Saint-Georges, des Dominicains, la place Stanislas, gagne le Grand hôtel où le roi descend. la foule est énorme.

Le spectacle de la rue

On peut dire en effet que tous ceux qui, à Nancy, avaient un instant de loisir autour de 6 heures, s'étaient portés le long de l'itinéraire indiqué pour le cortège royal, dans son trajet de la gare à la préfecture.

Le Point-Central était particulièrement favorisé. On s'entassait littéralement au carrefour des rues Saint-Jean, Saint-Georges et Saint-Dizier.

Quelques curieux avaient mis à profit les échelles destinées au montage du matériel de pavoisement ou d'illumination. Les échelons heureusement étaient solides, car il n'y eut pas la place d'un pied de perdue, et nul ne tomba. La victime n'aurait d'ailleurs pas pu arriver jusqu'au sol!

Et les balcons, les fenêtres, les vérandas même s'animaient de véritables grappes humaines, rieuses au milieu des trophées de drapeaux.

De nombreuses voitures, arrêtées aux angles des rues — pourquoi diable ne les a-t-on pas arrêtées toutes, ainsi d'ailleurs que les cars du tramway, quelques minutes au moins avant le passage du cortège ? — quelques voitures donc, étaient transformées en belvédère et l'on a vu des conducteurs abandonner leur siège à un ami et se hisser à califourchon sur le cheval!

L'attente n'a pas été longue. A 6 h. 1/4, en effet, apparaissent, au tournant de la place Saint-Jean, les premiers cavaliers de l'escorte, fournie par le 5e hussards.

Les chevaux font heureusement ouvrir un passage aux voitures, car la foule ne se gênait guère pour envahir la chaussée, et l'on pouvait une fois de plus se rendre très bien compte de la difficulté grande qu'il y a à tenir en respect des milliers de curieux.

Ce tohu-bohu, ou plutôt cette liberté des gestes donnait à ce fourmillement humain quelque chose de gai et de bon enfant qui ne manquait pas d'originalité.

On a tout de même eu tort, semble-t-il, de laisser des gamins se cramponner après les voitures du cortège. Il y avait bien dix galopins presque nez à nez avec les ministres cambodgiens et les princesses.

Il est vrai que ministres et surtout princesses n'avaient pas l'air ennuyé du tout de cette familiarité. Les princes saluaient le plus aimablement du monde, et les princesses, à la voiture ornée de gerbes de fleurs, montraient à ravir l'émail de leurs dents blanches dans un continuel sourire.

Malgré tout, il semble qu'on aurait dû sans aller à une consigne rigoureuse, obtenir une route plus facile aux voitures et surtout empêcher l'assaut inconvenant par une bande de petits mandrins.

Les agents à pied, noyés dans la foule, ne pouvaient raisonnablement pas suffire à la besogne, mais on aurait bien pu employer une centaine de cavaliers.

Malgré l'encombrement et le pêle-mêle, comme le cortège allait au pas, on a pu voir très convenablement le roi radieusement aimable sous son chapeau pointu, reluisant d'or. Le public heureux d'avoir sa curiosité satisfaite, lui rendait ses bonnes grâces au centuple. Les hommes agitaient leurs chapeaux et les femmes — oh! les femmes! — lui envoyaient avec la main des baisers! Qu'ont dû penser les favorites de Sa Majesté ?

Mais il est bon d'ajouter que cet envoi de baisers, ne cachait pas le moindre mauvais dessein, n'est-ce pas, gracieuses demoiselles, qui aviez installé les chaises de vos magasins jusque sur les trottoirs du Point-Central ? Si Sa Majesté Sisowath n'a pu autrement faire que trouver ravissantes vos jolies frimousses, au canotier provoquant, votre geste était un simple geste de politesse féminine à l'égard de notre royal visiteur.

Le spectacle a duré un bon quart d'heurs, car on approchait de 6 h. 1/2 lorsque les dernières voitures sont arrivées place Stanislas, comme nous l'avons dit plus haut.

Au Grand-Hôtel

A l'arrivée au Grand-Hôtel, après que des charmantes fillettes eurent remis un bouquet au roi, le maire de Nancy lui a adressé quelques paroles de bienvenue. Le roi du Cambodge a remercié de la belle réception qui lui a été faite, puis il a pris possession de ses appartements situés au premier étage.

Bientôt il est apparu au balcon, salué par les applaudissements de la foule, il a répondu gracieusement à plusieurs reprise, ainsi que ses ministres.

D'ailleurs cette apparition de tous ces personnages chamarrés d'or, cadrait à merveille avec la pompe de la place Stanislas « aux portes d'or  ».

L'appartement royal

Nous avons pu jeter un coup d'œil indiscret sur l'appartement royal. La chambre à coucher de Sisowath contient deux lits en cuivre. En face des lits, on a placé de superbes bronzes d'origine cambodgienne.

Le mobilier de la chambre à coucher comprend encore une table de toilette, un secrétaire, une armoire à linge, etc., etc.

Les autres pièces sont une vaste salle à manger, un salon, un fumoir. Les dignitaires logent à proximité du roi.

*

*   *

Dans la soirée, sont transportés au Grand-Hôtel les bagages de Sisowath et de sa suite, il ne fallut pas moins de six lourds camions de la Compagnie des chemins de fer pour opérer cette livraison de colis.

Au Cercle des étudiants

Le cercle des étudiants est maintenant paré pour la réception du roi du Cambodge. Devant l'immeuble, des arbres entiers ont été dressés, et sur l'escalier, quantité de plantes de toutes sortes ont été amoncelées.

A l'intérieur, la tribune où se tiendra l'orchestre, qui doit jouer pendant la réception, a été ornée de riche tentures et de multiples drapeaux.

Au fond de la salle, une estrade a été dressée. Un buste de République, entouré d'un faisceau d'emblèmes nationaux le surmonte. Pour couronner le tout, deux bannières : l'une de l'Université de Strasbourg, l'autre de celle de Nancy.

Telle est, très simplement résumé, la décoration de cette jolie salle.

La soirée

Après le repas du soir, pris peut-être un peu rapidement que d'habitude, de tous les points de la ville la foule s'est dirigée vers la place Stanislas pour assister à la retraite aux flambeaux et contempler la nouvelle décoration lumineuse des monuments.

Disons de suite que cette dernière faisait le plus bel effet. La ligne de lumière dessinée autour des carreaux des fenêtres et des portes de l'hôtel de ville, était tout à fait gracieuse.

La lumière blanche des lampes électriques s'alliait parfaitement avec celle des rampes et les motifs de gaz dont le ton est plus rouge.

Dans les rues Mazagran, Saint-Jean, au Point-Central et rue Saint-Georges les pièces lumineuses sont presque toutes éclairées. l'aspect est féerique. La pièce qui se trouve à l'entrée de la rue Mazagran est particulièrement décorative.

Les autres pièces de la rue Saint-Jean sont également parfaites. Comme elles se répètent plusieurs fois à diverses hauteurs, elles forment une jolie perspective aux tons diversement coloriés.

*

*   *

Dans la rue Saint-Dizier, des lanternes vénitiennes garnissent les globes électriques. Malheureusement le papier, trop opaque, absorbe trop la lumière, ce qui assombrit toute la chaussée. Aussi croyons-nous que, sans ces lanternes, l'aspect de la rue aurait été beaucoup plus agréable. Il manquait vraiment de la lumière.

La retraite aux flambeaux

A neuf heures, la place Stanislas est littéralement envahie par la foule qui se groupe autour des quatre musiques militaires massées devant le Grand-Hôtel, dont les fenêtres du premier étage sont ouvertes.

Au premier coup de l'heure officielle, les clairons et tambours exécutent la retraite de pied ferme, puis les musiques jouent « l'Hymne Cambodgien  » et la « Marseillaise  ».

Le roi Sisowath et ses ministres apparaissent à la fenêtre du grand salon de l'hôtel. La foule applaudit et le souverain salue avec la main.

Les musiques font entendre ensuite la « Marche lorraine  », le pas redoublé des « Chacals  », refrain endiablé des zouaves, puis divers autres morceaux, pour terminer, en jouant de nouveau l'hymne du Cambodge et la « Marseillaise  », fort applaudis.

Enfin, la retraite est attaquée par les musiques, qui ont beaucoup de mal à se frayer un passage dans la foule, plus nombreuse assurément qu'à la plupart des autres retraites données jusqu'ici à Nancy.

Il y avait même tellement de monde derrière les musiques, et surtout tellement la cohue, que les malheureux cordons de militaires entourant la « clique  », ont été rompus avant la sortie de la place et que plus d'un musicien n'a pu conserver sa place dans le rang. Aussi, voyait-on, quelques clarinettes, trombone ou saxophone, perdu bientôt dans la foule, essayer de prendre le pas gymnastique pour regagner sa place, tâche que lui rendait presque impossible l'embarras de son instrument.

Enfin, à la longue, tout s'arrange. D'autre part, la foule restée sur la place l'évacue lentement, pour allonger sa promenade par les rues des Dominicains, Saint-Georges et Saint-Jean et contempler les diverses illuminations, par une délicieuse soirée d'été.


BmN Kiosque lorrain

L'Est républicain du dimanche 8 juillet 1906

Le roi du Cambodge à Nancy

SISOWATH à Nancy

Voici la pièce de vers — fort bien venue — que M. René d'Avril a écrite en l'honneur du roi du Cambodge.

NANCY

A S. M. SISOWATH

Nous n'aurons pas, ô roi, pour fêter la venue,

Les danseuses qui font — fragile et menues —

Craquer la soie, avec les feux éblouissants

D'un clair de lune mauve ou d'une aube de sang.

Murmure des forêts dont le feuillage est tendre,

Et docile au Zéphir, nous ne pourrons entendre

Prince, que le soleil d'Orient couronna,

Frémir, au game-lun, le Ramaïna.

Mais tu verras, charmé sous des flots de lumière,

La ville en fête ainsi qu'une rose trémière,

S'épanouir!... et dans le ciel de thermidor

Rivaliser avec l'éclat des grilles d'or.

Alors tu diras, perçant le clair symbole,

Devant les tiens venus nombreux à notre école :

Quel est donc ce pays, en éternel éveil,

Qui verse la lumière aux enfants du soleil ?

La journée de samedi

L'exode vers le plateau

Ah, elle restera longtemps marquée dans les fastes nancéiens, cette journée du samedi 7 juillet 1906, où le roi Sisowath, du Cambodge, vint assister à une manœuvre sur le plateau de Malzéville.

Sur le pont de Malzéville, à Malzéville même, passait un flot incessant de foule, dès cinq heures du matin.

Depuis la vallée, c'était comme un chemin noir qui marchait vers le plateau.

Au pont du canal

En s'arrêtant au pont du canal de la rue de Malzéville, vers sept heures et demie, on avait un spectacle singulièrement pittoresque.

Des files de véhicules attendaient la fin du passage d'un bateau.

Et le bateau passé, les chars à bancs démocratiques, les automobiles pimpantes sous leur vernis clair, les voitures de louage se remettaient en route.

Dans les intervalles, se glissaient des cavaliers, des officiers d'artillerie montés sur de hauts chevaux, et encore d'humbles voitures de paille dont le conducteur éperdu poussait des cris énergiques.

Le tramway

Et le tramway de Malzéville!

Il était bondé jusqu'à en craquer. Les wattmen, pressés par les voyageurs, conservaient malgré tout leur gaieté habituelle, avec cependant un regret de mener tans de gens au spectacle sans jamais y assister eux-mêmes.

Toute la matinée, l'exode s'est continué. La manœuvre était terminée que des gens s'acheminaient encore vers le plateau.

Du côté du Pont-d'Essey, spectacle analogue.

Le cortège se met en route.

L'automobile royale est pilotée par un lieutenant d'artillerie.

La voiture de la presse, une délicieuse Peugeot où l'on est aussi commodément assis que dans un fauteuil de salon, est conduite par M. Lemoine en personne, le sympathique directeur de cette maison de Nancy.

Le roi parait tout joyeux. Déjà hier soir, d'ailleurs, il a manifesté son contentement, on pourrait dire son ravissement, car il parait que le mot cambodgien employé par lui correspond à ce mot français — Une longue acclamation l'accueille et, très aimable, il salue ; on l'applaudit de plus belle, il salue encore. Il sourit. Il salue de nouveau et sourit, salue et sourit toujours…

Cet échange de bon accueil et de ravissement se confirme d'ailleurs pour ainsi dire jusqu'au plateau, car, le cordon des curieux s'allonge de la place Stanislas jusque là-haut à peu près ininterrompu.

En ville, la foule n'est pas seulement massée sur les trottoirs. On n'aurait pas pu découvrir un balcon, pas une fenêtre sans des grappes humaines.

Le roi était en démocratique melon — la curiosité aurait évidemment préféré sa coiffure cambodgienne — en sampot d'un très joli vert, et habit noir sous lequel on entrevoyait le grand-cordon de la Légion d'honneur.

Dans un geste de salut, il soulevait une adorable canne, toute constellée de saphir et rubis. Cette cane a suscité bien des envies… Mais passons.

Les ministres, princes et princesses venaient dans les voitures suivantes. Quelques princes ou ministres étaient en habit à la française ; d'autre portaient fort crânement le riche costume de gala de leur pays.

Quant aux princesses, on s'est plu à les trouver ravissantes. Elles souriaient si gentiment au public, qu'elles s'en sont d'emblée conquis la sympathie.

Et les autos ronflaient, et les voitures de maître ou de place portaient au trot allongé des chevaux, tandis que les bicyclistes pédalaient à grand'peine au milieu de tout ce branle-bas.

Quant aux piétons, il y en avait sur toutes les routes, sur tous les chemins praticables, sur tous les sentiers et même à travers champs et sur les murs!

Il est difficile d'évaluer au juste leur nombre, d'autant plus que souvent de braves papas comptaient pour deux — ma foi, il faut bien que leur tour arrive de temps en temps — et se surchargeaient à califourchon de leur progéniture et de larges paniers de victuailles.

La manœuvre

Passons maintenant au récit de la manœuvre proprement dite.

Le thème. — Les partis

Rappelons le thème et la composition des partis :

Parti Nord (sous les ordres du général Meneust, commandant la 2e division de cavalerie) ;

2e division de cavalerie avec son artillerie volante;

Compagnies cyclistes des 2e et 4e bataillons de chasseurs ;

1er bataillon du 37e.

Ce parti forme l'avant-garde de troupes venant du Nord et a du prendre pied sur le plateau de Malzéville.

Parti Sud (sous les ordres du général Faurie, commandant la 22e brigade d'infanterie) :

22e brigade d'infanterie (5 bataillons) ;

12e dragons ;

2 groupes de deux batteries du 8e d'artillerie.

Ce parti occupe la partie Sud du plateau et a pu, la veille établir des avant-postes aux baraquements de Malzéville. Il a pour mission de refouler dans la vallée de l'Amezule les troupes ennemies qui ont pris pied au Nord du plateau.

Le général commandant la 11e division d'infanterie remplit les fonctions de directeur de la manœuvre.

Un peut avant 8 h. 30, les troupes des deux partis occupent leurs emplacement initiaux, savoir :

Parti Nord. — Les deux compagnies cyclistes sur les lisières sud et ouest du petit bois (boqueteau isolé situé près du saillant nord-ouest du bois de Flavémont).

La deuxième division de cavalerie massée derrière le petit boqueteau ainsi que le bataillon du 37e.

Parti Sud. — 12e régiment de dragons au sud des baraquements de Malzéville.

Un bataillon occupant la ferme et les baraquements.

Le gros de la brigade (22e) et les deux groupes d'artillerie au débouché de la Gueule-du-Loup.

Un bataillon en réserve au col Sainte-Geneviève.

Un coup de canon tiré par un des groupes du 8e d'artillerie annonce le commencement de la manœuvre, à 9 h. 12, moment exact ou le roi Sisowath et le cortège arrivent devant la tribune.

AAA

Les patrouilles de cavalerie

Aussitôt les patrouilles des deux cavaleries adverses se détachent pour explorer le terrain. On voit ces petits groupes de cavaliers chevaucher avec crânerie, à la découverte de l'ennemi. Le champ est malheureusement restreint et les groupes adverses sont vite aux prises.

Les cyclistes

Mais bientôt, les patrouilles du 12e dragon (parti sud) tombent sous le feu des compagnies cyclistes (parti nord) et se reploient en dégageant le front.

Les compagnies cyclistes, devant ce premier succès se portent en avant vers la crête, la droite vers l'allée des Pommiers ; elles s'arrêtent un peu au sud de cette crête et ouvrent le feu sur la ferme de Malzéville. Mais l'infanterie du parti sud), qui occupe cette ferme, riposte vigoureusement et force les cyclistes à se replier sur leurs machines. La retraite des dragons

Le 12e dragon, à son tour, poursuit maintenant les cyclistes en pleine retraite.

Mais le succès du 12e dragon est court, car voici la 2e division de cavalerie (parti N) qui fait irruption, appuyé par ses batteries volantes. Le 12e dragons n'a plus, hélas, qu'à céder la place une fois encore et à ce rallier. C'est ce qu'il fait du reste.

Le combat

Ces préliminaires de l'action terminés, nous en arrivons au véritable combat ; en effet, deux bataillons (parti sud) se déploient pendant que les deux groupes d'artillerie du même parti appuient de leur feu cette infanterie.

Ce mouvement entraîne la retraite de la 2e division de cavalerie (parti N), qui va se reformer derrière le petit boqueteau (sa position initiale).

Mais le bataillon d'infanterie et les cyclistes du parti Nord se montrent immédiatement pour arrêter la marche des bataillons du parti Sud.

Le combat d'infanterie s'engage ; le bataillon de réserve du parti Sud, qui s'était tenu jusque-là au col Sainte-Geneviève, se porte en avant pour soutenir les bataillons engagés.

Mais la division de cavalerie du parti Nord, loin de rester inactive, cherche à arrêter l'attaque de l'infanterie du parti sud en chargeant sur les deux flancs de l'adversaire.

L'infanterie, sous cette menace, se forme en carrés et repousse la cavalerie, qui se rallie. Néanmoins, un des régiments de chasseurs de cette division se retire un peu tardivement, et si « ç'avait été pour de bon  », il lui en aurait cuit.

Le 12e dragons (parti Sud) suit la division de cavalerie (parti Nord) qui recule.

Enfin la 22e brigade (partie Sud), libre de ses mouvements, se porte en avant jusqu'au-delà de la crête. Mise en batterie des deux artilleries, pétarade… Fin de ce spectacle militaire, qui a beaucoup intéressé nos hôtes orientaux et le public.

Fantassins, cavaliers, cyclistes, artilleurs ne méritent comme toujours, que des félicitations.

Le défilé

La manœuvre est suivie d'un défilé.

Les troupes se forment au Nord du plateau face au Sud-Est pour le défilé qui commence à 10 h. 20, dans l'ordre et dans les formations ci-après :

Général Pistor, commandant les troupes et son état-major ;

Général Faurie, commandant la 22e brigade ;

Compagnies cyclistes des 2e et 4e bataillons de chasseurs ;

37e, puis 79e en colonne de bataillon, chaque régiment défilant avec sa musique ;

Artillerie montée en colonne serrée et au trot ;

Cavalerie, en colonne d'escadrons à distance entière, au galop, suivie de son artillerie à cheval en colonne serrée à distance entière.

Les accidents

La manœuvre a été marquée par quelques accidents. Hâtons-nous de dire qu'il ne sont point graves.

Un sergent-major du 37e a été touché à la jambe gauche par une baïonnette, pendant la charge. La pointe a pénétré d'environ un centimètre dans les chairs, et c'est un commandant qui a prêté son mouchoir pour bander la plaie.

Un dragon est tombé pendant la charge. Il boitillait en se relevant, mais il a pu maintenir son cheval. Un artilleur a eu un doigt foulé en manipulant une culasse.

Enfin, deux fantassins, victimes de la consigne, n'ont pas voulu d'éloigner du poteau qu'ils avaient pour mission de ne point laisser dépasser par la foule et ont été bousculés par la charge. Ils ne sont point tombés, mais le képi de l'un d'entre eux a fait une mouvementée voltige entre les jambes des chevaux.

*

*   *

Nous avons noté, une fois de plus, l'impression plutôt désagréable produite par le casque à l'essai dans un escadron de chasseurs de Lunéville.

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Le défilé a été très bon, comme toujours les différentes armes ont été acclamées, particulièrement l'artillerie.

Une mention spéciale est due au bataillon de tête du 37e, lequel a défilé impeccablement sur cette terre rugueuse et bossuée. Mention spéciale aussi aux batteries indépendantes de Lunéville ; elles maintiennent leur réputation traditionnelle. — En un mot, nos excellents petits troupiers se sont une fois de plus fait remarquer par leur belle attitude, par leur allure aussi vive que dégagée et la souplesse de plus en plus grande de leurs mouvements.

Impressions diverses

Ajoutons, toutefois, que certains escadrons ont défilé à trop vive allure et leurs cavaliers ne se sentaient plus très bien maîtres de leurs chevaux. L'alignement a été visiblement rompu pour quelques-uns de ces escadrons qui n'en ont pas moins eu, d'ailleurs, de succès auprès du public, emballé lui-même par cette chevauchée presque vertigineuse. Elle a été plus acclamée que les cavaliers plus méritant, passé à un galop plus régulier. — Il en va parfois ainsi dans la vie. Les dehors brillants l'emportent sur le mérite silencieux.

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Le service d'ordre, a été, aujourd'hui, suffisamment nombreux et bien maintenu. Le public n'y a rien perdu, puisque la manœuvre et le défilé se sont déroulés entre les deux masses d'assistants — non privilégiés comme privilégiés — stationnée entre les bois de Flavémont et de l'Hôpital, un peu en arrière de la crête principale du plateau.

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*   *

On comprend, au surplus, que la « manœuvre  » de ce matin, aussi encadrée, et se passant dans un espace restreint, constituait plutôt un « spectacle  » militaire, ce qu'on appelait jadis la « petite guerre  ». Les deux cavaleries, notamment dans leur chevauchée, donnaient plutôt l'impression d'un carrousel ou d'une fantaisie arabe que d'une véritable reconnaissance.

La réussite d'un tel spectacle n'est pas au reste, sans présenter quelques difficultés, or, celui offert au roi Sisowath et la cour cambodgienne a marché (comme le temps), tout à fait à souhait, et il convient d'en féliciter les organisateurs.

Manœuvre et défilé étaient terminés à 10 heures 43. A cette minute, le public qui n'avait pas accès aux tribunes, vit le terrain déblayé devant soi, et les jeunes gens, très nombreux dans ce public, eurent tôt fait de « couvrir  » l'espace et de s'approcher de la tribune, afin de mieux voir le roi, sa suite et les autorités.

Cette vague humaine fut promptement alignée par un peloton de chasseurs. Mais sa curiosité, si compréhensible, nous rappelle que, tout à l manœuvre, nous n'avons pas encore parlé de

La tribune, ses hôtes, leurs faits et gestes

Cette tribune, assez spacieuse et bien aménagée, surmontée de drapeau en faisceaux, dominait très bien tout le terrain de la manœuvre. Un certain nombre de personnalités et les membres du conseil municipal y avaient pris place, quand du fond de l'horizon, à 9 h. 10, on vit déboucher l'automobile royale et les autres équipages qui lui faisaient escorte. — Cette arrivée d'automobiles fut même un des jolis « coups d'œil  » de la matinée.

*

*   *

Dans la tribune officielle, prennent place : le roi, ayant à sa gauche M. Humbert, préfet, et à sa droite, M. Beauchet, maire de Nancy. Les princes et les princesses sont au second rang, les princesses formant un groupe.

Le roi était accompagné de ses fils, les princes Essaravong, Huong, Mathura, Manigong, Sothanovong ; des ministres Son-Diet, Thioun et Tout ; du prince Holl.

Dans la suite du roi également le Docteur Hahn, notre concitoyen, M. Munier, M. Gautret, ancien député des Sables-d'Olonne, administrateur des colonies, le capitaine d'infanterie coloniale Chapuis.

Les ministres étaient en habit à la française, avec simple « melon  » toutefois. Les princes portaient le « sampot  » de leur pays. Quant aux princesses, elles étaient fort pimpantes, dans leur costume exotique, avec de lourds bracelets… aux pieds ou plutôt des mollets à la cheville…

Un voile délicieux de soie mauve, noire, orange ou bleu clair était jeté sur leurs épaules, à la façon du burnous de nos spahis.

Le roi, en parfait galant homme, a tenu à présenter, en arrivant, ses hommages aux dames, et il est allé avant d'occuper son fauteuil, serrer la main à Mme Humbert. Le public charmé par ce geste digne du plus galant Français, a été chaleureusement applaudi.

Les photographes se sont naturellement empressés de croquer le roi.

On s'est seulement un peu étonné que les princesses, auxquelles il avait été question d'abord, il y a très peu de jours, d'offrir une réception toute particulière — entre dames, — aient été laissées dans la tribune, sans aucune compagnie féminine française.

Ce que dit le fils du roi

Au cours de la manœuvre de samedi matin, le fils aîné du roi du Cambodge — qui parle très bien le français — a manifesté à diverses personnes son extrême contentement de la réception faite à son père à Nancy.

Ce qui a surtout frappé le jeune prince, ça a été la cordialité de cette réception qui tranchait — a-t-il dit — sur la froideur des réceptions officielles parisiennes.

Le fils de Sisowath s'est montré littéralement émerveillé de l'illumination de la place Stanislas.

Le Lunch

Après le défile, un lunch a été offert au roi et aux personnages de sa suite, à la ferme Duroselle, dont la cour était ornée d'arbustes.

Deux tentes étaient dressées dans le fond.

A l'entrée de la cour, se détachaient sur une large banderole, les mots : « Vive Sa Majesté le roi Sisowath!  » sur le toit du bâtiment central, on lisait ces mots, peints sur les tuiles : « France-Cambodge  ».

Cinq tables étaient dressées. Les princesses formaient toujours à part, une gracieuse table, à gauche de la table d'honneur, dont le roi Sisowath occupait le milieu, ayant à sa gauche M. Humbert, préfet ; à sa droite, M. Beauchet, maire de Nancy ; en face, M. le général Bailloud.

Voici le menu du déjeuner :

Hors d'œuvres variés

Bœuf à la mode française

Salade espagnole

Fruits des tropiques

Café Zanzibar

Thé d'Indo-Chine

Madère et Champagne

Au champagne, le roi s'est levé et a proposé un toast, que l'infatigable docteur Hahn a bien voulu nous traduire :

« Je suis heureux, a-t-il dit, de boire à l'armée française, que je viens d'admirer. Je bois à la ville de Nancy, à la population nancéienne, dont l'accueil si bienveillant et si grandiose m'a charmé.

J'admire la ville de Nancy et je remercie sa population.

Enfin, je considère la France comme ma mère adoptive, et je la salue comme la première nation du monde. »

Le général Bailloud a répondu par quelques mots de circonstance.

Il était 11 heures 1/2 quand le déjeuner a pris fin.

Le cortège s'est aussitôt reformé dans le même ordre qu'à la montée, mais la descente a été plus lente encore, car les curieux, qui n'étaient plus désormais pressés, s'attardaient volontiers le long des routes.

En revanche, les ennuis et la lenteur ont été compensés par de longues acclamations. Le roi du Cambodge a décidément conquis le public nancéien. *

*   *

Le retour a lieu par la route de Malzéville, la Ville-Vieille, dont les habitants se sont mis en frais de guirlandes, et la place Carrière, pour arriver au cercle des étudiants, rue de la Pépinière.

La compagnie cycliste du 4e chasseur est rentrée à Saint-Nicolas par Tomblaine et Art-sur-Meurthe.

Cette compagnie passait à 11 heures 1/2 à Saint-Max-Pont-d'Essey.

Le général Bailloud et son chef d'état major sont rentrés en ville, à la tête du 79e, qui a défilé sur la Carrière, à fort belle allure, devant le général en chef, à 1 heure 1/2.

Une bombe ?

Samedi matin, le commissariat de police du canton Est était informé qu'une bombe, placée sous le pont du bras de décharge de la Meurthe, faubourg Saint-Georges, venait d'être découverte.

M. Billard, commissaire de police du canton, commanda aux agents Dussaulx, ex-chef artificier d'artillerie, et Clausse, d'aller chercher l'engin.

Les gardiens de la paix se transportèrent sur lieux et rapportèrent à leur bureau, avec les précautions prescrites par la pyrotechnie, le dangereux engin.

Celui-ci a tout l'aspect d'un obus. D'une hauteur de 35 centimètres, il est garni à son extrémité d'une douille en cuivre, un morceau de mèche jaune, semblable à celle que l'on vend dans les bureaux de tabac pour l'usage des fumeurs y est engagé.

Cette bombe n'est peut-être en somme qu'une fumisterie employée pour faire « marcher  » la police. En tout cas, celle-ci conserve à son sujet un silence aussi profond que celui du fameux Conrart.

Au Cercle des étudiants

On sait que le roi du Cambodge devant visiter le Cercle des étudiants, un comité des habitants de la rue de la Pépinière s'est formé pour la décoration de cette rue, où il est situé. Des mâts furent plantés contre les trottoirs, et des guirlandes multicolores furent tendues au travers de la chaussée.

Devant le Cercle, un immense arc de triomphe, représentant un portique, avait été dressé ; des feuillages avaient été plantés le long des trottoirs.

Comme bien on le pense, la visite du roi du Cambodge avait suscité une noble émulation parmi les élèves des diverses facultés. Beaucoup s'étaient astreints, samedi matin, à parfaire la décoration de la salle des fêtes de l'hôtel, pendant que leurs camarades répétaient à l'orchestre les divers morceaux qui seraient joués pendant la réception.

Le roi du Cambodge était attendu pour midi et quart, aussi dès onze heures et demie le public vient en foule rue de la Pépinière, stationnant devant le cercle et regardant curieusement les ouvriers qui plantent les derniers drapeaux à l'arc de triomphe.

Les minutes passent, l'heure avance, mais l'attente semble moins longue, car de temps à autre arrivent des automobiles amenant les mandarins cambodgiens ou annamites qui, depuis quelques temps sont les hôtes de Nancy. Ils viennent pour assister à la réception du souverain aux côté de leurs camarades français.

Il est midi et demi lorsque l'automobile du roi stoppe devant le cercle des étudiants. M. Humbert, préfet, descend le premier, il aide Sisowath à descendre.

Le roi du Cambodge, tout souriant, s'avance, il est reçu par M. Souffrain, président de l'association des étudiants, et les autres membres du comité.

Lorsque le roi, accompagné de M. le préfet ; de M. Beauchet, maire ; de M. Adam, recteur de l'Académie, et du docteur Hahn, entre au cercle, les étudiants l'acclament par de formidables « hip! hip! hurrah!  » pendant que l'orchestre joue la Marseillaise.

Le roi est conduit à la table d'honneur qui est entourée par les personnages qui l'accompagnent.

M. Souffrain, dans une excellente allocution, souhaite la bienvenue à Sisowath, il lui rappelle que l'Université de Nancy a succédé à celle jadis si célèbre de Pont-à-Mousson et de Strasbourg, d'où est sorti M. le docteur Hahn.

Le président des étudiants ajoute que de la Lorraine sont partis de nombreux voyageurs qui sont allés dans les divers pays et notamment en Extrême-Orien, porter la civilisation française.

Un formidable ban souligne les paroles du président, pendant que les bouteilles se débouchent et que le champagne est versé dans les flûtes. L'orchestre attaque le quadrille si enlevant « d'Orphée aux enfers  ». Les étudiants applaudissent leurs camarades musiciens, mais, sur un signe, le silence s'établit.

Allocution du roi

Le roi, se tournant vers le président, lui adresse une allocution en Cambodgien.

M. le docteur Hahn traduit cette allocution « Le roi, dit-il, remercie de l'accueil qui lui a été fait pas les étudiants ; il boit à la santé des professeurs et des élèves, à la grandeur de la France et souhaite que les étudiants arrivent tous aux hautes fonctions du pays. »

On applaudit à tout rompre.

L'orchestre joue a nouveau et le roi sort du cercle, monte dans son automobile, qui file rapidement vers le Grand-Hôtel où le piquet du 37e rend les honneurs.

Sur la place Stanislas, le public est encore assez nombreux pour contempler le roi et sa suite.

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*   *

En parlant du Grand-Hôtel, disons que l'entourage du roi a fait entendre quelques plaintes sur l'organisation du service.

Le thé de l'après-midi

Le programme portait, comme nous l'avons annoncé, pour samedi après -midi, un thé offert dans le jardin du palais du gouvernement au roi du Cambodge et à sa suite par M. le général Bailloud.

La façade donnant sur les jardins avait reçu une décoration de drapeaux français et cambodgiens, tonkinois, annamites disposés en trophées.

Les tables pour le thé étaient disposées sur le côté gauche de la vaste cour précédant le parc. *

*   *

Un public nombreux s'était amassé place Stanislas, rue Héré et sur la Carrière, pour attendre le passage du roi. En même temps de nombreux invités pénétraient au palais du gouvernement.

Mais, les minutes, les heures mêmes, s'écoulent sans que paraisse la cour cambodgienne.

On s'enquiert, on va aux nouvelles. On apprend enfin de la bouche des commensaux du roi que celui-ci, fatigué de sa matinée, a fait la sieste, en bon Oriental!

Il vient seulement de se réveiller, mais il se dispose — car il n'a pas oublié l'invitation — à se rendre chez le général Bailloud.

Malheureusement, il est déjà six heures moins dix lorsque le roi descend l'escalier. Il est salué par diverses personnes qui se trouvent dans le vestibule, et auxquelles il serre cordialement la main.

Lorsque le roi Sisowath paraît sur le trottoir, quelques cris de : « Vive Sisowath!  » se font entendre. Il salue et serre la main à plusieurs dames qui se trouvent sur le trottoir.

Il serre également la main à deux vieux braves, dont l'un porte la croix de la Légion d'honneur et l'autre la décoration du Cambodge.

Enfin, il prend place dans la voiture automobile qui le conduit à vive allure au palais du gouvernement. Les autres voitures, dans lesquelles ont pris place les autres personnes de sa suite, suivent l'auto.

Sur tout le parcours, le roi se fait un devoir de répondre aux saluts qu'on lui adresse.

Mais, chez le général, on était assez ennuyé, et certains invités, las d'attendre, s'étaient retirés.

Le roi est reçu par le général Bailloud, qui le conduit dans les salons du premier étage. Il apparaît quelques secondes après au balcon, donnant le bras à Mme Bailloud. Il répond aux vivats de la foule en soulevant son chapeau.

Les princesses paraissent aussi sur le balcon, ainsi que diverses personnes. Mais cette apparition est très courte. Il est l'heure de rentrer pour tout le monde : 6 heures 1/4.

Le roi Sisowath quitte le palais du gouvernement peu après. Il fait une petite promenade en ville en passant par les rues des Dominciains, Saint-Georges, Saint-Jean, place de la gare, avec retour par la rue Stanislas. Partout, il n'a cessé de répondre le plus aimablement du monde à tous les saluts.

Le diner de la préfecture

Le préfet de Meurthe-et-Moselle et Mme Humbert ont donné, hier soir, un diner de 140 couverts environ, auquel avait été invités tous les députés de Meurthe-et-Moselle.

Dans l'après-midi, à la préfecture, on se demandait si Sisowath assisterait réellement à ce diner. On disait le roi résolu à se reposer. Mais enfin, sa majesté cambodgienne a cédé aux instances de ses familiers, et il a assisté au diner de la préfecture.

Par exemple, il n'est pas certain du tout qu'il se rendra ce matin aux forges de Neuves-Maisons.

Le roi Sisowath a quitté le Grand-Hôtel un peu avant huit heures, accompagné du docteur Hahn, de M. Munier, de son fils et de ses ministres. Il s'est rendu à pied à la préfecture.

Sur chaque marche de l'escalier, des dragons du 8e régiment se tenaient, la lance au poing, et ce tableau militaire était d'un effet très décoratif.

Le banquet, servi par la maison Walter, s'est terminé vers onze heures ; le roi est revenu à pied au Grand-Hôtel. La foule, qui stationnait rue d'Alliance, eut bientôt fait de rompre le cordon des agents, et, manifestant sa joie, accompagna le roi jusqu'à l'hôtel.

Les princes cambodgiens séparés forcément de leur souverain s'en allèrent ainsi au milieu des groupes. Ils semblaient aux reste particulièrement enchantés de cet accueil qui, dénué de tout apparat, était une preuve réelle de sympathie envers leur roi.

Aussitôt rentré dans ses appartements, le roi se mit à la fenêtre, puis, après avoir salué la foule qui l'acclamait, il alla prendre un repos bien gagné.

La foule resta encore quelques instants sur la place Stanislas, puis s'écoula lentement.

La fête de nuit à la Pépinière et les illuminations

Samedi soir, notre belle promenade de la Pépinière, brillamment illuminée de verres aux coloris divers disposés en guirlande ou en cordons dessinant des massifs et de ballons placés dans le feuillage des arbres ; présentait un aspect véritablement féérique.

Aussi, on peut dire que jamais foule n'envahit en aussi grand nombre les allées de la promenade, car l'on se portait littéralement dans l'allée centrale et sur la terrasse. La foule était tellement compacte qu'elle envahit les gazons, tout en respectant les fleurs ; des curieux s'assirent sur la verdure, pendant que fillettes et enfants s'en donnaient à cœur joie aux courses sur le tapis vert de la nature.

Pendant ce temps l'excellente musique du 26e et notre vaillante chorale Alsace-Lorraine donnaient un concert. Est-il besoin de dire que chacune avait choisi les meilleurs morceaux de son répertoire. Lorsque cette fête de nuit, dont le succès fut très grand, fut teminée, le public revint place Stanislas pour contempler de nouveau le magnifique décor offert par les illuminations des monuments.

On admira également les décorations lumineuses des principales artères et notamment la pièce lumineuse du Point-Central, augmentée de girandoles de feu, qui complétaient ainsi l'ensemble et faisaient le plus gracieux effet.

Du tournant de la place Saint-Jean, la perspective de cette longue artère à la voute scintillante de lumière sous laquelle s'agitait une foule considérable, était vraiment curieuse et jolie.

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Nous avons dit dans notre précédent numéro, à propos de l'illumination de la rue Saint-Dizier, vendredi, que les lanternes en papier trop épais, garnissant les globes électriques, avait produit un effet plutôt désastreux.

Le comité, écoutant ces critiques a fait enlever ces lanternes. On a posé aux câbles transversaux du tramway des oriflammes et d'autres lanternes plus translucides qui seront allumées dimanche soir, complétant ainsi les illuminations du point le plus fréquenté de la ville.

La prétendue bombe

L'objet dont nous avons parlé hier, a été examiné par M. Mauduit, professeur à l'Institut chimique.

On se trouve bien en présence de l'œuvre d'un fumiste.

La pseudo bombe se composait uniquement de petits clous, de sable et… de pois secs.

Ainsi que nous l'avons prévu, on a voulu simplement faire marcher la police. Mais si l'auteur de cette fumisterie d'un goût douteux est découvert, il sera cependant poursuivi pour outrage à magistrat et il emploiera désormais ses loisirs à d'autres récréations.

LA JOURNÉE

de dimanche

Concours de voitures fleuries

Toutes les personnes qui désirent participer à la fête des fleurs, sont priées d'envoyer leurs bicyclettes, voitures attelées, automobiles et chars fleuris, à 4 h. 45, cours Léopold, où se formera le cortège fleuri, qui traversera les rues de Serre, Mazagran, la place Thiers, les rues Saint-Georges, des Dominicains, puis arrivera place Stanislas, où on lieu la distribution des prix et la grande bataille de fleurs.

Illumination des magasins

Le comité des fêtes invite tous les commerçants des rues centrales à laisser leurs vitrines ouvertes et illuminées le dimanche 8 juillet, de sept heures à dix heures et demie.

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MUSIQUE MILITAIRE. — Programme du concert donné par le 37e d'infanterie, le mardi 10 juillet, à la Pépinière, de 8 h. 1/2 à 9 h. 1/2 :

1. Colonel Marsch (David). — 2. Mireille, ouverture (Ch. Gounot). — 3. Grisante, valse (A. Lachet). — 4. Guillaume Tell, ouverture (Rossini). — 5. Marche héroïque (C. Saint-Saëns). — 6. Frères joyeux (Wollstedt).

Le chef de musique, E. FRAMBRY.

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L'Immeuble et la construction dans l'Est du 8 juillet 1906

Les illuminations de la place Stanislas

A l'occasion de la visite d'un roitelet exotique quelconque, visite qui ne sert aucun intérêt de notre ville, la municipalité de Nancy a cru de bon goût d'accomplir de regrettables actes de vandalisme sur la place Stanislas, ce joyau de la cité, qu'on ne saurait trop respecter.

Une fois de plus, on vient de profaner et de souiller, sans rime ni raison, les façades de tous les bâtiments de la place, qui reste le merveilleux chef-d'oeuvre de Héré et de Jean-Lamour.

C'est absolument navrant, et tous les amis de Nancy en sont consternés.

Peu nous importent les illuminations d'une soirée dans l'an, où le vulgaire s'entasse à s'étouffer sur notre place fameuse..., si toute l'année les façades des monuments sont souillées par des cintres de fer, des clous, de hideux crampons, des rampes de fils électriques et des godets en porcelaine !

Quel est donc le malheureux employé qui a pu avoir l'idée de cette horrible décoration nocturne, qui deviendra un cauchemar de tous les jours ?

Il était si simple et si facile de trouver autre chose.

Par exemple, conserver les rampes de gaz qui font le tour de la place au-dessus des corniches du rez-de-chaussée, en ayant soin de repeindre soigneusement et proprement toutes ces canalisations entièrement rouillées !

Et puis installer une rampe électrique au faîte des bâtiments de la place Stanislas, au-dessous de la balustrade terminale et sur la dernière corniche en avancée. L'installation définitive de cette rampe eût été cachée ; tout au moins, de la place on n'en aurait rien vu..., tandis que ces cintres du rez-de-chaussée, encadrés de ferrements et de lumignons, c'est affreux, affreux, affreux !

Ah ! si le pauvre Stanislas revenait et voyait ces atrocités !

Il était bien facile également, si l'on voulait donner plus d'éclat encore aux illuminations, de disposer des bandes souples le long des pilastres, de chaque côté, aux angles des bâtiments, de façon à faire valoir leur silhouette le soir !

Mais c'était suffisant..., tandis que ces demi-portiques du rez-de-chaussée ont le désavantage de coûter fort cher et le malheur d'être très laids en plein jour.

Si encore cette installation n'était que provisoire, si l'on pouvait espérer voir ces cintres de fer disparaître après les fêtes si bizarres de ce Sisowath qui nous intéresse si peu !

Mais l'un des adjoints, pas du tout partisan de ce mauvais éclairage, nous a dit que c'était définitif.

En voilà du fer, des scellements inutiles dans les pierres des façades, scellements au plâtre blanc, qui produisent l'effet de centaines de taches sur les monuments du bon roi Stanislas, qui doit envoyer son exotique collègue à tous les diables du Cambodge.

Avec les sommes folles dépensées inutilement pour ce jauniron étranger, la municipalité pouvait refaire le piédestal de la statue de Stanislas.

Mais il paraît que la Commission des Monuments historiques, que le Ministère des Beaux-Arts et que les critiques d'art parisiens les plus éminents sont prévenus de ces actes de vandalisme, que personne ne soupçonnait parmi nous.

Espérons qu'ils auront plus d'influence que nous et feront enlever au plus tôt cette mauvaise installation, qui est la suprême injure faite à la place Stanislas, qui n'est pas l'amoureuse de nos édiles, hélas ! et qui se ressent aujourd'hui de leurs trop cruelles blessures.

Pauvre place Stanislas, être si belle et se voir ainsi déshonorée ! et pour qui ?

Pierre DUROC.


BmN Kiosque lorrain

L'Est républicain du lundi 9 juillet 1906

Le roi du Cambodge à Nancy

SISOWATH à Nancy

Le service d'ordre

Dimanche midi.

Hier, nous avions constaté avec discrétion, l'insuffisance du service d'ordre, lors de l'arrivée à Nancy de Sisowath et de sa cour.

Nous sommes forcés de revenir sur cet état de choses.

Samedi, devant le palais du Gouvernement, pour l'arrivée de Sisowath, les agents (est-ce faute de leur petit nombre, est-ce faute d'instructions nettes), les agents, donc, ne déblayèrent pas l'entrée, et on eut ce spectacle, honteux et désastreux, d'une véritable bande de petit voyous entourant Sisowath, bande si compacte que la deuxième voiture, amenant les princes cambodgiens, dut stopper plus de dix mètres avant l'entrée du palais. Les princes durent descendre.

Mêmes observations pour le samedi soir, à la Pépinière, et — sur un autre point — à la sortie du dîner de la préfecture. Les agents se montrèrent impuissants à assurer le service.

Il y a beaucoup de brutalité dans les allures de jeunes gens, équivoques, bruyant, qu'on voit partout, s'imposant, parce qu'ils comptent sur la… patience de l'autorité. Si, par hasard, un agent montre de la poigne et arrête un délinquant, ce dernier s'en tire avec une peine dérisoire. — C'est ce qu'on appelle le règne de l'apacherie.

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Il semble que la coordination souhaitable — et indispensable — dans les fêtes que nous traversons, n'a pas existé entre les diverses autorités.

Le Comité des fêtes Cambodgiennes, intermédiaire naturel entre ces diverses autorités n'a peut-être pas pu établir ce contact aussi complètement qu'il l'aurait fallu ? — Quoi qu'il en soit :

Il y a : 1° Le commissaire attaché spécialement à la personne des souverains, M. Paoli, et plusieurs agents de la sûreté parisienne. Cette escouade ne relève pas des autorités locales.

2° La préfecture qui peut donner des gendarmes, mais qui (hormis pour la revue) n'en a pas donné, ces dévoués serviteurs étant, au surplus, toujours très occupés avec le service du recrutement, etc., etc.

3° L'autorité militaire qui peut donner de la cavalerie et des piquets d'infanterie plus « étoffés  ». Mais, à cette heure-ci, les autorités militaires mêlées aux fêtes, sont difficilement abordables. (Pour compliquer la situation, la moitié de la garnison est aux camps d'instruction.)

4° Enfin la municipalité, avec ses agents, plutôt bon garçons qu'énergiques, et insuffisants, nous le répétons pour la besogne, — qui devient formidable, — de maintenir, de canaliser, des foules énormes.

Ainsi, on se demande comment les choses se passeront ce soir, où le feu d'artifice et la fête de gala, à l'hôtel de ville, vont attirer, place Stanislas, une énorme affluence et occasionner un embarras considérable de voitures ? Une affluence comme on n'en aura jamais vu encore à Nancy, sur cette place, et comme il faut en prévoir désormais, dans une cité où le mouvement, la circulation, les attractions augmentent sans cesse ?

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La journée de dimanche

A Mon-Désert

Dimanche, dès huit heures du matin, le quartier de Mon-Désert a présenté une animation extraordinaire, notamment sur les places de la Croix-de-Bourgogne et du Bon-Coin, où le public était particulièrement nombreux.

Le Mon-Désert, sans être aussi brillamment décoré que le centre de la ville, a néanmoins bien fait les choses, et de longues théories d'oriflammes, de drapeaux tricolores et lorrains, flottent parmi les guirlandes, les girandoles et les lanternes vénitiennes.

Malheureusement, le roi n'a pas eu à traverser le quartier, comme c'était convenu, en se rendant à Neuves-Maisons, puisque le souverain oriental n'a pas voulu accomplir ce voyage. Les habitants de Mon-Désert se rattraperont lors de la visite attendue au parc Sainte-Marie, si cette visite a lieu comme nous l'espérons.

Le départ pour Neuves-Maisons

Comme on l'avait prévu, le roi n'est pas allé dimanche à Neuves-Maisons. Seuls, les princes et les ministres s'y sont rendus, visiter les établissements métallurgiques de Châtillon-Commentry.

A dix heures et demie, les princes sont montés dans diverses automobiles, qui sont parties pour Neuves-Maisons en suivant l'itinéraire indiqué.

Dans les voitures avaient pris place MM. Humbert, préfet ; Dupré, secrétaire général ; Adam, recteur de l'Académie ; Marin, député ; de Ludre, député de la circonscription où se trouve Neuves-Maisons ; le général Pistor ; Beauchet, maire ; Michaut, Gérard, Chrétien, adjoints, ainsi que les membres du comité des fêtes cambodgiennes.

Le public s'était massé nombreux sur la place Stanislas, pour assister à ce départ. D'ailleurs, une foule nombreuse stationne constamment devant le Grand-Hôtel.

Au moment du départ pour Neuves-Maisons, quelques gouttes d'eau, suivies bientôt d'une averse, vient rafraîchir le temps, étouffants depuis ce matin.

Les automobiles ne se sont pas arrêtées pour si peu. On sait que, pour la visite à Neuves-Maisons, ces automobiles, comme hier pour la revue, étaient des voitures de Dietrich, dont la plupart avaient été mises gracieusement à la disposition de la municipalité par MM. Drouville frères, propriétaire de l'Auto-Palace lorrain et représentants de la grande marque de Lunéville. L'automobile princière, particulièrement, était conduite par M. Raymond Drouville, sous-lieutenant de réserve d'artillerie.

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A midi, le ciel est de plus en plus orageux et pluvieux. Espérons que cette dernière journée ne sera pas gâtée par des pluies excessives.

Les décorations

On sait qu'il existe un « ordre royal du Cambodge  ». C'est une très belle décoration, qui fait le plus grand effet sur un uniforme. Jadis, le ruban en était vert et rouge. Mais les bénéficiaires du ruban cambodgiens avaient fini par le porter à peu près rouge, on devine pourquoi. Alors, on a changé le rouge en jaune.

Quatre-vingt décorations du Cambodge ont été décernées à l'occasion du voyage, particulièrement dans le 20e corps.

M. Beauchet, maire de Nancy, figure également dans cette promotion honorifique.

La visite à Neuves-Maisons

Sur tout le parcours, des groupes se forment et acclament avec une belle confiance le roi absent.

A Vandœuvre, au pied de la côté, on s'arrête à la nouvelle brasserie du Vélodrome. La pluie tombe de plus belle. La musique de Vandœuvre joue la Marseillaise, bientôt suivie de Sambre et Meuse.

Le maire de Vandœuvre souhaite la bienvenue au roi sur le territoire de sa commune, remise de bouquets, puis les autos repartent de nouveau « à une allure de cyclone  », comme dirait notre éminent concitoyen, M. Émile Gebhart.

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Le ciel est bas et gris. On traverse avec une rapidité vertigineuse Chavigny et on arrive à Neuves-Maisons.

Aux usines

Les usines ont revêtu leur parure de fête. Les drapeaux flottent gaiement au vent.

Dans l'intérieur de l'usine, un train spécial de la compagnie de l'Est attend les visiteurs.

Les présentations

Quelques présentations rapides à l'entrée de l'usine. M. le général Bailloud, commandant le 20e corps, présente aux princes et aux ministres le chef de bataillon commandant le fort et les officiers du bataillon du 146e, en garnison au fort de Pont-Saint-Vincent. Poignées de main ; sourires aimables.

M. Monnier, directeur des forges de Neuves-Maisons, qui les représente à Nancy ; les divers chefs de service sont naturellement présentés aussi aux princes et aux ministres.

Cependant, la musique des usines de Neuves-Maisons joue l'hymne cambodgien plus la Marseillaise.

La visite de l'usine

Tout le monde monte dans les wagons de 1re classe, on commence la visite de l'usine. Le train s'ébranle et on peut saisir l'importance des établissements de Neuves-Maisons qui n'ont pas moins de 6 kilomètres 500 de périphérie.

Les ouvriers sont à leurs postes de travail et acclament longuement les Cambodgiens.

A l'aciérie

Le train s'arrête. Tout le monde descend et se rend visiter l'aciérie.

Le spectacle est superbe et ravit les Cambodgiens. Là, en effet, on transforme la fonte en acier par le procédé Thomas. Et c'est un véritable feu d'artifice avec ses gerbes étincelantes, ses subites nuées de feu et de lumière.

Les princes et les ministres, prêtent la plus vive et la plus intelligente attention aux explications qui leur sont données par M. Monnier.

Enfin, au bout d'une dizaine de minutes, l'opération de la fusion est terminée. Il y a comme un bouquet de feu d'artifice, comme une glorieuse apothéose.

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*   *

Alors que les ouvriers s'agitent là-bas, comme des démons dans une forge rougie des ardeurs du travail, M. Monnier montre aux princes les premiers résultats du labeur qui vient d'être effectué sous leurs yeux, un morceau de métal, encore imparfait.

De là, le cortège s'est rendu au «trainrail  », puis au « laminoir  ».

Ensuite, on remonte en wagon et on fait un dernier voyage à travers l'usine.

Ajoutons que, avant de quitter le vaste hall du laminoir, le prince Thioung, ministre des beaux-arts, a annoncé que le roi du Cambodge faisait don d'une somme de 500 francs à la caisse de secours des ouvriers de l'usine.

Là-dessus, acclamations, cris de : « Vive le roi!  ».

M. le préfet prend alors la parole et excuse le roi du Cambodge qui, malgré toute sa bonne volonté, tout l'intérêt qu'il porte à l'industrie, n'a pu se rendre à Neuves-Maisons. En remerciant le roi du Cambodge pour ses libéralités envers les ouvriers, M. Humbert invite ceux-ci à crier de toutes leurs forces : « Vive le roi!  »

Et les travailleurs au visage bronzé par les ardeurs du feu, crient avec enthousiasme : « Vive le roi!  »

*

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On parcourt une dernière fois l'usine, les vastes chantiers de rails, on voit les solides armatures de ponts. Enfin, le train stoppe, et cette visite intéressante se termine par le lunch traditionnel.

Le retour est effectué sans incidents et au milieu des saluts sympathiques des populations de la banlieue. On était de retour place Stanislas à une heure.

Au Grand-Hôtel

Le roi du Cambodge n'est pas sorti de ses appartements de l'après-midi.

A propos des bruits dont l'Est républicain s'était fait discrètement l'écho, nous avons eu l'occasion de nous entretenir pendant cet après-midi avec M. Gautret, gouverneur des colonies, chef de la mission cambodgienne en France, avec le docteur Hahn et avec le capitaine Chapuis.

M. Gautret nous a dit que si, vendredi, certains défauts d'organisation — non imputables d'ailleurs au Grand-Hôtel — s'étaient manifestés, le roi et sa suite n'avaient eu, samedi et dimanche, que des louanges à adresser à cet établissement.

La réception de la presse

Cet après-midi, vue du Grand-Hôtel, a été singulièrement pittoresque et animé.

Du dehors venaient d'incessantes rumeurs de foule, lorsque, à trois heures très précises, les ministres sont sortis. A leur retour, vers six heures, le roi qui avait revêtu l'habit noir avec plaque de la légion d'honneur, a bien voulu recevoir, dans un salon, les rédacteurs des journaux de Nancy qui l'avaient suivi depuis son arrivée en notre ville. Au nom de ses confrères, un de nos collaborateurs, M. Léon Pireyre, s'est fait l'interprète des sentiments de tous.

Sisowath était entouré des princes et de ses ministres. Le docteur Hahn lui a traduit les paroles de notre collaborateur.

Le roi a alors prié le docteur de répondre en son nom, et de prier les membres de la presse d'être son interprète auprès de la population nancéienne pour la remercier du magnifique accueil qu'elle lui a réservé.

La fête du parc Sainte-Marie

Quoique le temps fut des moins rassurants et que quelques ondées tombassent même au début de la fête, notamment de trois à quatre heures, l'inauguration du parc Sainte-Marie a eu tout le succès escompté par les « Amis du Nouveau Nancy  ».

Dès deux heures et demie, un public nombreux se pressait devant le kiosque où jouait l'excellente musique du 69e.

Malheureusement, vers trois heures, une « calende  » doucha les musiciens, qui n'étaient pas abrités, car le kiosque rustique n'a pas été doté encore d'un toit. Les musiciens cherchèrent un refuge sous les arbres, à épaisse frondaisons, nombreux encore dans le parc.

Quand la pluie eut cessé de tomber, les musiciens reprirent leurs places et attaquèrent vigoureusement une mazurka japonaise, la Mousmée.

Pendant ce temps, le public devenait toujours plus nombreux. A quatre heures, les sociétés savantes, arrivaient en cortège : les Trompes nancéiennes, la fanfare de Jarville, l'Harmonie Lang, la Chorale de l'Est, la Lyre lorraine, la Musique démocratique. Voilà les sociétés musicales.

Voici maintenant celles de gymnastique : Abeille lorraine, Sport nancéien, Étoile de Laxou, Société de gymnastique de Champigneule, Sentinelle de Saint-Max, Pupilles de l'Abeille lorraine, Chasseurs nancéiens, Pupilles du Sport nancéien, Amicale Didion, Société de gymnastique du Bureau de bienfaisance, etc.

Après avoir traversé le parc, les sociétés de gymnastique, précédées par les diverses musiques, se dirigèrent vers la tribune d'honneur où se trouvait groupé le comité des Amis du Nouveau-Nancy.

Parmi ses membres présents, nous citerons : MM. Donders, président ; Panigot, Biette, Chanal, Deville, Jacques, Mienville, etc.

Les fêtes commencent aussitôt, pendant que les musiques jouaient les airs les plus entrainants de leur répertoire, les gymnastes travaillaient ardemment.

Exercices de mains libres, travail simultané, luttes d'ensembles, pyramidales, etc… C'était à la société qui mettait le plus d'entrain.

A quatre heures, un grand remous se produisit parmi la foule qui se pressait dans l'enceinte réservée. C'était un barrage qui était enlevé par le public se trouvant en dehors de cette barrière.

La chose était d'ailleurs facile, puisqu'il n'y avait là ni fonctionnaire ni service d'ordre établi.

La légère barrière enlevée, le public non payant vint renforcer le nombre des personnes installées dans l'enceinte réservée. Pourquoi se gêner ?...

A cinq heures, le programme de la musique du 69e étant accompli, celle-ci se retira. A ce moment, le roi Sisowath n'était pas encore arrivé, et le public, impatienté, murmurait.

Enfin, à cinq heures dix son arrivée fut annoncée par un agent cycliste. Les musque entamèrent aussitôt l'hymne national cambodgien et la Marseillaise. Les voitures du cortège pénétrèrent dans le parc. Dans la première se trouvait un officier de la maison du roi.

Dans la seconde, une automobile était, non pas le roi Sisowath, mais son fils MM. Beauchet, maire, Ruttinger, adjoint, les ministres cambodgiens, etc.

Les autres voitures amenaient des membres des comités des fêtes de divers quartiers de la ville.

Après avoir été salué sous la tribune d'honneur par M. Donders et les membres du comité des Amis du Nouveau Nancy, le prince royal et sa suite manifestèrent le désir d'assister à quelques exercices de gymnastique.

Des fauteuils furent alors portés sur le terrain, et pendant que les sociétés de gymnastique déployaient une série de mouvements les musiques jouaient différents morceaux.

Après un quart d'heure, le jeune prince se leva et manifesta l'intention de se retirer.

M. Donders, au nom des Amis de Nancy, lui adressa quelques paroles aimables.

Le prince répondit en présentant les excuses de son père, trop fatigué pour assister à cette belle fête. Quand à lui, il en conservera toujours le plus gracieux souvenir.

A ce moment, trois fillettes de Mon-Désert, Mlles Odile Chanal, Marie-Louise Jacques et Victoire Panigot, toutes trois vêtues de blanc, le corsage barré par une large écharpe tricolore, remettent au jeune prince une énorme gerbe de fleurs, lis, roses, etc., reliée par un gros nœud rouge et bleu, couleur nationales cambodgiennes.

En lui remettant le bouquet, les aimables jeunes filles lui ont adressé un gentil compliment.

Après les avoir remerciées, le prince a dit à nos petites concitoyennes, qu'il a embrassées : « Ces fleurs, je les remettrai au roi, mon père. Comme à moi, elles lui procureront une vive satisfaction et il se rappellera longtemps le charmant accueil qu'il reçoit à Nancy. »

Puis il donna l'ordre au capitaine d'artillerie de marine, qui lui sert d'interprète, de prendre les noms et adresses des jeunes personnes qui lui avait procuré cette si agréable surprise. Il veut sans doute leur en faire une autre.

La foule que l'on peut évaluer à plus de 5,000 personnes s'écoula ensuite lentement. Il était 5 h. 35.

Il convient de dire deux mots en terminant sur la décoration du parc. Les pylônes artistiques qui décoraient les entrées ont été exécutés d'après les croquis de ceux qui ornent la pagode de Bouddha, à Hanoï, par MM. Biette, Mariatte et Mienville, membres du comité des « Amis du Nouveau Nancy  ».

Le festival de musique

Dès une heure et demie de l'après-midi, tandis que retentissent les clairons des sociétés de gymnastiques qui se rendaient au parc Sainte-Marie, on entendait aussi les marches exécutée par les sociétés qui se dirigent vers le cours Léopold, où avait lieu le festival de musique.

Sur notre belle promenade, aux frondaisons superbes, se pressait bien avant quatre heures une foule nombreuse qui se groupait autour d'une estrade, vraiment trop sommaire par exemple, où prenait place l' « Harmonie nancéienne  », qui exécutait un pas redoublé.

Pendant ce temps, la chorale Alsace-Lorraine disposait devant l'estrade des chaises pour former une sorte de barrière, afin de maintenir le public, qui envahit toutes les pelouses environnantes car fait à signaler, aucun service d'ordre n'existait à cet endroit.

Notre vaillante société prend place à son tour sur l'estrade, chante le chœur « des Trappeurs  », puis cède la place à l' « Harmonie  », qui exécute une valse entraînante.

Mais un mouvement se produit dans la foule qui se précipite du côté gauche du cours où vient d'arriver le char de l'École des beaux-arts.

Qu'on nous permette de dire que ce char, représentant un portique romain garni de jeunes gens drapés à l'antique et précédés de cavaliers également romains, aurait eu sa place plutôt marquée dans une cavalcade que dans une fête de fleurs ordinairement consacrée à la manifestation de l'élégance moderne.

La foule simpliste admire cependant ce char et manifeste aussitôt son admiration pour une automobile fleurie, dont la décoration florale se compose de fleurs violettes (clochettes et pied d'alouettes) qui s'harmonisent avec le clair de la carrosserie ; on admire également une berline automobile aux tentures de draps d'or, surmontée de girandoles, de roses et de feuillages.

Puis arrivent successivement les tonneaux et tilburys de nos élégantes, qui conduisent à merveille. Leurs voitures admirablement décorées de marguerites jaunes et roses, de feuillage, etc. son unanimement appréciées par le public.

On s'extasie aussi à l'arrivée d'une automobile représentant un cygne dont la tête et le cou sont formés de blanches marguerites.

Tous les véhicules fleuris se massent sur la place Carnot, dont tout le pourtour est envahi par une foule immense qui, à chaque arrivée de voiture, manifeste sa joie et son contentement.

C'est une véritable fête des yeux que tous ces véhicules, décorés des fleurs de nos jardins et de nos champs disposées avec art et méthode. Les dernières voitures fleuries arrivent. C'est le char des étudiants, traîné par quatre bœufs indolent, et d'où nos joyeux escholiers lancent maints lazzis.

Citons aussi un joli tilbury tout décoré de pieds d'alouettes et de marguerites, les bicyclettes accouplées de Guy, Gontrat, et Gaston, que l'on félicite au passage de leur adresse à manœuvrer la délicate machine.

L'heure avance, il est près de six heures lorsqu'arrive l'automobile du jury, conduite par M. Lemoine, de la maison Peugeot. Cette dernière porte le chardon, arme parlante de Nancy, et les fleurs aux couleurs de l'Université (violet et orange). Un ordre est donné, tout le monde se met en marche pour se rendre place Stanislas, où à lieu

La bataille de fleurs

Sur notre belle place, véritable salon où une foule énorme peut tenir, c'est une vraie mer humaine avec ses flots et ses remous, où l'on aperçoit flottant à la surface les canotiers de paille des hommes et çà et là les chapeaux fleuris des dames qui sont comme la gracieuse écume d'un océan exempt de tempête.

Aussi comme devant la marée, toutes les digues formées par le service d'ordre sont rompues.

Les automobiles, voitures et chars fleuris étaient souvent engagés dans les rangs des curieux, et c'est au point que l'automobile fleurie de M. Barthon a été sérieusement endommagée.

Comment en conséquence, aurait-il été possible de distribuer les prix dans cette mer humaine ? On dut y renoncer, mais le jury a pris bonne note des moindres détails de chaque décoration et prochainement les objets d'art seront remis à ceux qui ont mérité.

Pendant que tout le cortège faisait le tour de la place Stanislas, la bataille de fleurs eut lieu.

Mais hélas, nous sommes gens du Nord, pour lesquels la fleur semble un objet de luxe que nous n'osons profaner, et l'on n'en a point abusé dans la bataille.

Ce qui n'a pas empêché que le roi et les princesses ont semblé passer aux fenêtres du Grand-Hôtel une heure délicieuse, entre 5 et 6 heures de l'après-midi. Le défilé des chars à leurs pieds les a en effet ravis, et c'est avec une joie absolument radieuse que roi, princes, ministres et princesses ont pris par à la bataille de fleurs.

Les personnages de sa suite n'arrivaient pas à alimenter la corbeille dans laquelle le roi puisait ses projectiles. Lorsqu'il n'avait plus de fleurs, il trompait l'attente tout en saluant la foule et en tapant des séries de bravos dans les mains.

Les princesses aussi étaient inlassables. Hésitantes au début, elles lançaient bientôt les fleurs par poignées.

De nombreuses personnes ont pu saisir de véritables bouquets. Elles les conserveront comme souvenir.

A la fin, le roi, — tout étant épuisé, jusqu'aux dernières réserves — a saisi la corbeille et l'a retournée pour bien indiquer qu'il ne pouvait pas continuer la bataille.

Puis, il songea qu'il avait des projectiles d'une autre espèce et il lança quelques pièces de monnaie!

Et il n'y en eut pas que de la menue monnaie. IL y eut aussi quelques pièces jaunes, des demi-louis et même des louis.

La pluie d'or cesse après cinq ou six gouttes, car elle occasionnait une furieuse bataille…

En tout cas, ce geste royal valut à notre hôte de nombreuses acclamations.

Les chars font encore un tour de la place Stanislas, et la foule commence à se disperser. Il est plus de 6 h. 1/2.

Après la bataille de fleurs, les princesses manifestèrent le désir de posséder les petits ballons rouges qu'elles voyaient flotter au-dessus de la foule. Un agent fut requis. Il alla chercher les marchandises qui montèrent à l'appartement royal où elles placèrent très avantageusement toutes leurs marchandises.

La réception à l'hôtel de ville

Pour la soirée de l'hôtel de ville, des mesures d'ordre méthodiques et sérieuses avaient été prises, aussi, malgré l'affluence énorme qui se pressait place Stanislas et dans les rues adjacentes, aucun incident n'a été à déplorer.

Comme la veille, à la préfecture, un service d'honneur avait été organisé avec des dragons armés de la lance qui étaient placés sur chaque marche du grand escalier.

*

*   *

Des 9 heures, le maire et les adjoints recevaient à l'entrée des salons les invités appelés par les huissiers. Mais vers 10 heures cet appel a cessé.

On peut évaluer à 1,200 le nombre des personnes qui se sont présentées à la réception de l'hôtel de ville.

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Le feu d'artifice avait fixé à 9 heures 1/2, mais le roi du Cambodge n'étant arrivé qu'à 9 heures 50, le feu d'artifice n'a commencé qu'à 10 heures moins 5 par une première fusée qu tira Sisowath.

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Celui-ci pendant une heure et demi environ se tint dans salons, accompagné des dignitaires de la cour, serrant des mains et des mains ; puis il se retira au Gand-Hôtel.

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Comme bien on le pense, la fête animée singulièrement par l'orchestre que dirigeait M. Monnier a duré très tard et l'aube de lundi se levait que des couples inlassables dansaient toujours.

Les remerciements du roi Sisowath

Peu après s'être retiré au Grand Hôtel, le roi faisait remettre la lettre suivante à M. le maire de Nancy :

« Monsieur le maire,

Sa majesté le roi du Cambodge, profondément touché de l'accueil si chaud et si sympathique de la population, la remercie et gardera de son voyage à Nancy, le souvenir le meilleur et le plus durable.

Elle me charge d'avoir l'honneur de vous informer qu'elle est heureuse de mettre une somme de mille francs à la disposition du bureau de bienfaisance.

Elle désire également qu'une somme de deux cents francs soit répartie entre les divers agents chargés du service d'ordre durant son séjour.

Je joints à la lettre douze cents francs remis par Sa majesté.

Veuillez agréer, M. le maire, l'expression de mes sentiments de haute considération.

GAUTRET

Chef de la mission royale cambodgienne. »


BmN Kiosque lorrain

L'Est républicain du mardi 10 juillet 1906

Le roi du Cambodge à Nancy

SISOWATH à Nancy

Les fêtes des 6, 7 et 8 juillet ont parfaitement réussi.

Voilà la première constations à faire à l'heure où elles viennent de se terminer.

Sans doute on a pu faire et on pourra formuler encore quelques critiques judicieuses.

Mais, dans l'ensemble, ces trois journées laisseront un souvenir heureux, très heureux même, et (ce qui est essentiel) elles laissent d'ores et déjà l'impression que Nancy est devenue assez « grande ville  » pour qu'on y puisse organiser, avec succès, des réjouissances publiques extraordinaires.

Le sourire si satisfait du roi Sisowath, l'émotion des menues princesses, essuyant des larmes, au départ de Nancy, sont des remerciements non négligeables.

Évidemment, la cour cambodgienne, — un peu perdue dans l'immensité parisienne — s'est sentie, ici, plus près du cœur des populations, et, sans exagérer la portée de ce pacte d'alliance entre le tropical Cambodge et la brumeuse France du Nord-Est, on peut en conclure que Nancy est assez belle pour éveiller au loin le désir d'être connue, et assez séduisante pour laisser des regrets, ainsi que le besoin de la revoir, à ceux qui y ont reçu ou y recevront l'hospitalité.

La journée de dimanche

Les régates

Le public, malgré le temps affreux que nous avons eu dimanche, s'était rendu très nombreux pour assister à la très jolie fête que le Sport nautique de la Meurthe avait organisée à l'occasion de son 40e anniversaire.

Le temps d'ailleurs n'a pas tenu ce qu'il promettait car nous n'avons eu que quelques gouttes de pluie qui n'ont en rien gâté le franc succès qui a couronné toute le dévouement dont ont fait preuve les organisateurs de la fête.

Le fils de S. M. Sisowath est venu honorer de sa présence la réunion. Une députation annamite a d'ailleurs suivi avec intérêt toutes les épreuves.

*

*   *

Échos

Nous parlions hier de l'insuffisance du service d'ordre, en face des mœurs d'apaches qui envahissent notre République. — Ces mœurs se sont manifestées, dimanche par un significatif acte de sauvagerie.

En plaine place Stanislas, entre six heures et sept heures du soir, devant le Grand-Hôtel, quelques jeunes gens ont complètement dépouillé un des chars fleuri, en coupant, à l'aide de couteaux les guirlandes et les ornements.

Pas un agent n'était là. Nous n'incriminons pas la police. Elle a eu fort à faire. Depuis cinq ou six semaines que les fêtes se succèdent à Nancy, elle a été sans cesse sur pied.

Il n'en reste pas moins que le plus affligeant acte de vandalisme a pu s'accomplir en plein jour, place Stanislas.

Voilà qui caractérise « l'apacherie  ». C'est l'audace du malfaiteur, aux instincts sauvages, destructeurs, audace s'exerçant avec impudence.

Il faudrait une répression exemplaire de tels faits, quand leurs auteurs sont connus, ce qui n'est pas le cas, malheureusement, cette fois, croyons-nous.

Il faudrait aussi, que le public ne demeure pas passif en face de tels spectacles, mais qu'il fit, un peu la police soi-même.

C'est notre veulerie à tous qui encourage l'apacherie.

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Le roi a déclaré de nouveaux à plusieurs personnes de son entourage qu'il conserverait un impérissable souvenir de sa visite à Nancy ; il aurait ajouté qu'il tenait moins que jamais à aller à Lyon, voulant rester sur l'impression du ravissement que lui a causé la réception des Nancéiens.

Il est certain que Sisowath favorisera, dans la mesure où cela lui est possible, le maintien et le renouvellement de la mission cambodgienne à Nancy.

D'une lettre particulière écrite, ce matin, par une personnalité approchant sans cesse le roi, nous extrayons ce passage :

« Tout va bien jusqu'à présent, mais je suis un peu inquiet de la santé du roi, je crains qu'on ne le surmène.

Je lui avais annoncé un accueil très chaud, il a dépassé toute attente. Le roi est enthousiasmé. Il ne sait comment exprimer sa reconnaissance aux Nancéiens. »

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Voici le menu du dîner offert à la préfecture et servi par la maison Walter :

crème de Bisque à l'Américaine

Truite saumonée Stanislas

Selle d'agneaux Godard

Suprême de chapon diplomate

Granité au marasquin

Pintadeaux Périgueux

Timbale de pointes d'asperges

Truffes serviette à la Lorraine

Parfait Fédora

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Sillery en carafe

haut-Sauternes Château-Rabaud

Châteaux Margaux 1890

Veuve Cliquot

Ajoutons que les buffets de la réception à l'hôtel de ville, étaient également servis par la maison Walter.



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