BmN Kiosque lorrain

L'Est républicain du vendredi 24 mai 1907

La revue de printemps

Liens les cartes de Nancy hier

Voir les cartes postales sur Nancy hier

Une fête populaire. — La foule. — Sur le plateau. — La formation des troupes. — Le défilé. — La charge en bataille. — Quelques réflexions.

C'est une fête — toujours attendue et toujours bien accueillie par la population nancéienne — que cette revue de printemps sur le plateau de Malzéville.

Elle a eu lieu.comme il avait été annoncé, jeudi, à deux heures après-midi, par une assez favorable température.

De bonnes odeurs s'échappaient des fourrés, des taillis de la route, passaient dans la brise fraîche soufflant sur le plateau.

*

*   *

Malgré les fêtes — toutes récentes — de la Pentecôte, quantité de Nancéiens n'ont pas hésité à prendre une nouvelle journée où une nouvelle après-midi de congé pour escalader les pentes du plateau de Malzéville et pour avoir la joie patriotique d'acclamer l'armée.

Beaucoup sont allés déjeuner dans les bois voisins à même l'herbe tendre. D'autre part, il y avait foule à Trianon.

Dès mercredi soir, il ne restait, pour ainsi dire, plus un véhicule de libre dans Nancy.

Tout était retenu. Et jeudi, sur le pont de Malzéville, à partir de une heure, c'était un défilé incessant de fiacres, de breaks, d'autos.

Naturellement, les tramways étaient bondés. Dans l'intérieur et sur les plates formcs les voyageurs se pressaient, s'empilaient à qui mieux mieux.

A Malzéville, le café Paillard était joyeusement pavoisé.

Passons maintenant au compte rendu « technique » de la revue :

Au moment où nous arrivons sur le plateau, un peu avant. 1 heure 45, les troupes achèvent de se former.

Elles se présentent de la manière suivante :

PREMIÈRE LIGNE

Face au Sud-Est

(Jalonnée par quatre fanions rouges)

1. État-major du20e corps d'armée.

2. Officiers généraux et assimilés sans commandement.

3. Officiers sans troupe et assimilés de l'armée active.

4. Officiers sans troupe et assimilés (réserve et armée).

5. État-major de la 11e division.

6. Compagnie cycliste du 4e bataillon de chasseurs.

7. 4e bataillon de chasseurs (sa droite appuyée à l'allée des pommiers).

8. Les régiments d'infanterie de la 11e division

9. 37e, en colonnes doubles.

DEUXIÈME LIGNE

Face au Sud-Ouest

(Jalonnée par deux fanions rouges)

1. régiment d'artillerie, en bataille a intervalles serrés.

2. 20e brigade de cavalerie (5e hussards et 12e dragons) en lignes de masses.

Toutes les troupes sont en tenue de campagne. L'impression produite est très fortes.

Tout à coup retentit la sonnerie de « Garde à vous ». Il est deux heures exactement. C'est le général Pau qui débouche sur le plateau, par la ferme de Malzéville. Le général Pistor, commandant de la division, s'avance à vive allure au-devant du commandant du 20e corps d'armée et le salue de l'épée. Des commandements retentissent : « L'arme sur l'épaule... droite ! » « Sabre... main ! » et aussitôt ces deux lignes présentent, par leur immobilité absolue, l'aspect le plus impressionnant, cependant, que musiques et fanfare jouent la Marseillaise et que les tambours et clairons battent et sonnent « Aux champs ».

Le général Pau est accueilli par des cris de : « Vive l'armée ! » « Vive le général Pau ! »

Le général en chef passe rapidement devant le front des troupes, saluant au passage officiers généraux, officiers supérieurs, drapeaux et étendards.

*

*   *

A 2 heures 15, les troupes prennent déjà la formation préparatoire du défilé et vont se masser contre le bois de Flavémont.

Peu après, au signal du général Pistor la masse s'ébranle pour le défilé, dont la ligne est jalonnée par des fanions bleus.

Il s'opère dans l'ordre suivant :

Compagnie cycliste du 4e bataillon de chasseurs. — Fanfare du 4e bataillon de chasseurs. — Général Pistor, commandant les troupes. — bataillon de chasseurs. — Musique du 26e. — État-major de la 21e brigade. — 26e d'infanterie, colonel Sibille. — 69e d'infanterie, colonel Hugot-Derville. — État-major de la 22e brigade. — 37e d'infanterie, colonel Bajolle. — 79e d'infanterie, colonel Couturier.

Ce défilé, très correct, a lieu l'arme sur l'épaule droite et baïonnette au canon. Puis vient le 8e d'artillerie au trot, dans un alignement parfait qui soulève, comme toujours, de véritables ovations.

Enfin voici, précédée de son état-major.la brigade de cavalerie, qui défile au galop, dans un ordre superbe et fort admiré.

*

*   *

Mais voici le clou : « La marche en bataille en avant », par les régiments d'infanterie en colonnes de bataillons, dans à l'ordre : 79e, 37e, 69e et 20e. Chaque brigade est accolée et un intervalle est ouvert entre les deux colonnes pour le 4e bataillon de chasseurs, qui se trouve donc au centre même de la formation.

Les batteries, sonneries, musiques et fanfare de la division entière sont placées en arrière du bataillon de chasseurs et c'est au son de marches entraînantes, que cette masse de 13 bataillons s'ébranle dans un ordre parfait, un alignement impeccable donnant ainsi un spectacle de force et de discipline incomparable. Le coup d'œil est unique et les acclamations enthousiastes du public prouvent une fois de plus l'union étroite, intime, absolue des Nancéiens et de l'armée qu'ils désirent tant voir forte et belle (c'est le gage le plus sûr de paix pour le pays.)

Mais voici le fanion tricolore. Les troupes à pied déboîtent aussitôt à droite et à gauche pour laisser le champ libre à la brigade de cavalerie, qui au galop dans une très brillante chevauchée.

L'artillerie suit au trot.

Les troupes à cheval sont acclamées.

Le général Pau, dont la physionomie est si sympathique déjà aux Nancéiens, ses compatriotes, quitte le plateau, escorté par le 5e hussards. Il est salué et acclamé par tous. Sa figure est radieuse.

A la fin de. la revue, vers trois heures, un grain cause un sauve qui peut général parmi les promeneurs et les gentes promeneuses au corsage clair, au gracieux chapeau fleuri. Une ondée printanière, quoi !

*

*   *

En somme, belle et heureuse journée, laissant à tous le spectacle toujours si réconfortant d'une armée solide et instruite. Mais pourquoi cette constatation ne nous laisse-t-elle complètement heureux ! C'est que nous apercevons une ombre à ce riant tableau. Ne parle-t-on pas du renvoi de deux classes, la première dans les environs du 14 de juillet, la deuxième après les manœuvres.

Quelle diminution des effectifs, surtout pour nous, à la frontière !

Les effectifs. C'est énorme. Mais les cadres, c'est encore plus important. Est-on en mesure de remplir efficacement toutes les vacances qui vont se produire ? Voila toute la question.

Ainsi que l'a si judicieusement dit le général Langlois, par une loi des cadres qu'on devait préluder à l'application de la loi sur le service de deux ans. Malheureusement, on ne l'a pas fait — et on a bâti cet édifice en commençant par le sommet au lieu de faire d'abord de solides fondations.

Ce sera un moment critique à passer a dans les corps de troupe. Mais il ne faudrait pas pour cela, perdre confiance ; d'autant qu'on pourra remédier à l'insuffisance des effectifs par des appels échelonnés de réservistes.

Détails complémentaires

Une des caractéristiques de la revue d'hier a été une affluence bien moindre de curieux, quoique la foule ait été considérable tout de même. Mais, le plateau est vaste ! Les voitures de maître, et les autos étaient surtout en bien moins grand nombre — probablement en raison du concours hippique.

La revue a été de tous points très réussie. Aucun accroc, aucun incident.

La compagnie cycliste a été très remarquée au défilé ; citons également le bataillon de chasseurs, qui s'est irréprochablement présenté. Il a défilé de la façon la plus brillante, et il donnait l'impression d'un corps bien dans la main de son chef.

La 11e division : 26e, 69e, 79e, ne mérite également que des éloges.

La mise en batterie du 8e d'artillerie, mouvement final, sur la crête, a été très appréciée et a soulevé des bravos unanimes.

Le service d'ordre était, bien organisé, en somme nous ne pouvons qu'applaudir, comme nous l'avons fait déjà, au magnifique spectacle auquel nous avons assisté.

Au moment de la charge finale de la 20e brigade de cavalerie, un petit garçon qui n'a pu s'échapper à temps, a été violemment bousculé — il s'est prestement relevé cependant, et il paraissait n'avoir, heureusement, aucun mal.


Albums de cartes postales
Fêtes et manifestations
Guerre 1914-1918
Webmaster - Infos
Ecrire à Grouillot