BmN Kiosque lorrain

L'Est républicain du vendredi 10 septembre 1909

La Revue d'Art-sur-Meurthe

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La retraite aux flambeaux

11 septembre

On le sait déjà, la journée du samedi 11 septembre 1909 sera marquée par deux manifestations militaires et patriotiques d'un éclat considérable :

La revue d'Art-sur-Meurlhe

La grande retraite aux flambeaux de Nancy, où ne figureront pas moins de huit musiques d'infanterie, cinq fanfares de chasseurs à pied, sept fanfares de cavalerie, deux fanfares d'artillerie, soit vingt-deux corps de musique, au total.

Voici quelques nouveaux détails :

La Revue d'Art-sur-Meurthe

Plan de la revue

Par le plan ci-contre, il est facile de se rendre compte que la revue sera passée à la sortie même du village d'Art-sur-Meurthe, dans la plaine qui s'étend entre ce village et celui de Lenoncourt.

Rien n'est donc plus facile que de s'y rendre.

La distance de la gare de Laneuveville-devant-Nancy au terrain de la revue peut être évaluée entre trois et quatre kilomètres.

La distance ne doit pas être très supérieure, depuis la gare de Varangéville.

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Le plan — on l'aura remarqué — représente les différentes « phases » de la manœuvre :

1° Les carrés blancs (formation préparatoire de rassemblement) 

Les carrés couverts de hachures, représentent la « formation de revue ».

Les carrés à hachures sur les bords représentent » la formation préparatoire de défilé ».

Enfin — après le défilé — les troupes occuperont la route allant d'Art-sur-Meurthe à Lenoncourt. Ce seront « les emplacements d'arrêt après le défilé ».

Enfin les petits carrés marqués, à l'intérieur, d'une croix, indiquent l'emplacement des « postes de secours » de divers régiments.

Ajoutons encore :

Que les initiales CC, marquent les compagnies cyclistes.

Que les anneaux marquent Les fanions.

Que la remise des décorations aura lieu dans le terrain compris entre la « ligne de défilé » et les tribunes, le général Pau étant placé devant ces tribunes.

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Rappelons que la revue commencera à dix heures et demie.

Et, voilà ce qui nous embarrasse un peu pour présenter la requête de nombreux employés de commerce, désireux d'assister à la revue, car la permission de la matinée ne suffira pas.

Il ne nous appartient pas de peser sur la décision à prendre par MM. les chefs de maison, mais ce que le journal peut dire, c'est que ceux de ces messieurs qui pourront, — sans nuire sérieusement à l'expédition des affaires — accorder ce congé, feront une bonne action.

Un congé jusqu'à trois heures, suffirait, ce ne serait donc pas la tournée complète.

Les wagons de la revue

On peut voir en, ce moment à la gare de Nancy un train de wagons à un étage, venant de Paris. Ces wagons sont envoyés, comme on sait, pour la revue de samedi.

Pavoisons !

Le président et le comité de la F. C. N. prient les commerçants de Nancy de pavoiser et illuminer leurs magasins, le samedi soir, jour de la grande retraite militaire.

La Retraite aux flambeaux

du samedi 11 septembre 1909

Ordres des musiques pour le défilé

2e division de cavalerie. — Rues des Dominicains, Saint-Georges, des Jardiniers, Molitor, de Bitche, Lionois, de Strasbourg, du Montet, avenue de la Garenne, quartier.

1er bataillon de chasseurs. — Rues Stanislas, d'Amerval, de la Pépinière, place Camot, rue de Serre, place Thiers, rue du Faubourg-Saint-Jean, place de la Commanderie, rues Kléber, Dupont-des-Logcs, Pasteur, Exposition (entrée rue de Graffigny, sortie porte Blandan).

2e bataillon de chasseurs. — Rues des Dominicains, Saint-Georges, Saint-Dizier, porte Saint-Nicolas, rues du, St-Charles, caserne d'artillerie.

4e bataillon, de chasseurs. — Rues Stanislas, des Carmes, Raugraff place du Marché, rues des Quatre-Églises, Charles-III, de l'Abbé-Didelot, de Mon-Désert, de Phalsbourg, de la République, boulevard d'Alsace-Lornaine, avenue de la Garenne, rues Jeanne-d'Arc, du Montet, Maréchal-Exelmans, quartier d'artillerie.

17e bataillon de chasseurs. — Rues des Dominicains, Saint-Georges, du Manège, des Orphelines, Jeannot, Charles-III, St-Dizier, porte Saint-Nicolas, rues de Strasbourg, de l'Abbé-Grégoire, Pichon, du Montet, quai de la Bataille, rue de Saurupt, quartier d'artillerie.

20e bataillon de chasseurs. — Rues Stanislas, Saint-Dizier, Gambetta, place Thiers, rues du Faubourg-Saint-Jean, Jeanne-d'Arc, Exposition (entrée porte Jeanne-d'Arc, sortie porte Blandan), rues du Sergent-Blandan, du Montet, Saint-Charles, quartier d'artillerie.

79e régiment d'infanterie. — Rues des Dominicains, Saint-Georges, Saint-Dizier, Charles-III, Mon-Désert, Sainte-Marie, Exposition (entrée Jeanne-d'Arc, sortie Blandan), caserne Moilitor.

160e régiment d'infanterie. — Rues Stanislas, Guerrier-de-Dumast, de Serre, de la Ravinelle, Isabey, de Rigny, Victor-Hugo, Jeanne-d'Arc, Exposition (entrée Jeanne-d'Arc, sortie Blandan), quartier Molitor.

37e régiment d'infanterie. — Rue et faubourg Stanislas, rue Saint-Lambert, place de la Commanderie, rues de Villers, Blandan, quartier Landremont.

26e régiment d'infanterie. — Rues des Dominicains, Saint-Georges, de la Constitution, d'Alliance, Préfecture (arrêt, un morceau), place d'Alliance, rues Bailly, du Manège, des Tiercelins, du Tapis-Vert, du Faubourg-Saint-Georges, Bastien-Lepage, Sainte-Catherine, caserne Thiry.

153e régiment d'infanterie. — Rues des Dominicains, Saint-Georges, de la Visitation, Gambetta, place Thiers, rues du Faubourg-Saint-Jean, de la Commanderie, place de la Croix-de-Bourgogne, rue de la Croix-de-Bourgogne, de Graffigny, Exposition (entrée Graffigny, sortie Blandan), quartier Landremont.

146e régiment d'infanterie. — Rues Stanislas, des Cannes, Raugraff, des Quatre-Églises, Charles-III, des Jardiniers, de l'Ile-de-Corse, caserne Thiry.

69e régiment d'infanterie. — Rues Stanislas, des Michottes, cours Léopold, rues de Metz, du Ruisseau, du Faubourg-das-Trois-Maisons, de Malzévilte, Grand-vrille, du Bastion, boulevard de la Pépinière, caserne Thiry.

156e régiment d'infanterie. — Rue Héré, place de la Carrière, quartier général (arrêt, Aux Champs, un morceau), Grande-Rue, rues de la Citadelle, Sellier, Grand-ville, Sigisbert-Adam, boulevardi de la Pépinière, caserne Thiry.

20e brigade d'artillerie et de cavalerie.— Rues Stanislas, des Michottes, place Carnot, rues de Serre, du Faubourg-St-Jean, quai Isabey, rue de Lorraine, rues du Grand-Verger, Victor-Hugo, des Bégonias, du Faubourg-Saint-Jean, Jeanne-d'Arc, Exposition (entrée porte Jeanine-d'Arc, sortie porte Blandan), rue du Sergent-Blandan, quartier.

La retraite sur la place Stanislas

1° Roulement de tambours avertissement à 9 heures moins 2'. — 2° A 9 heures sonnant, roulement et retraite de pied ferme, par les sonneries et batteries des 11eet 39e divisions. — 3° Retraite de pied ferme par les 20e brigades. — 4° Sambre et Meuse. — 5° Chant du Départ, 11e et 39e divisions. — 6° Fanfares de la 2e division de cavalerie. — 7° Père la Victoire, 11e et 39e divisions. — 8° Sidi-Brahim, bataillons de chasseurs. — 9° Marche Lorraine, 11e et 39e divisions. — 10° Fanfares des 20e brigades. — 11° Hymne anglais, 11e division. — 12° Marseillaise, 11e et 39e divisions. — 13° Fanfare de la 2edivision, de cavalerie sans bouger pendant l'évacuation de la place. — 14° Défilé.

Mesures d'ordre

Par arrêté municipal, la circulation des chevaux et de tous les véhicules, y compris les tramways, sera interdite :

1° Sur les places Stanislas et de la Carrière, ainsi que dans les rues adjacentes sur une longueur de cent mètres, le samedi 11 septembre 1909, à partir de 8 heures du soir et jusqu'après la dislocation des musiques et fanfares qui prendront part à la retraite 

2° Sur la place de la Carrière, à partir de 2 heures de l'après-midi, et sur toutes les voies publiques, au passage du Cortège fleuri, le dimanche 12 septembre 1909.


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L'Est républicain du samedi 11 septembre 1909

La Revue de samedi

L'ordre de bataille — Les chefs

Depuis plusieurs années déjà, le 20e corps d'armée n'avait pas été réuni dans une grande revue.

On se rappelle les belles solennités militaires de Lacroix-sux-Meuse, du plateau de Malzéville, où défila cette formidable masse disciplinée préposée à la défense de notre frontière.

Ce spectacle patriotique sera donc donné de nouveau, samedi 11 septembre, dans la plaine d'Art-sur-Meurthe.

Voici l'ordre de bataille du 20e corps et quelques notes biographiques sur les chefs qui ont l'honneur de le commander :

Les chefs du 20ème corps

COMMANDANT LE 20e CORPS

Général de division PAU

La physionomie de notre concitoyen, le général Pau, est trop connue pour que nous ayons besoin d'y insister.

Fils d'officier, le général Pau est né en 1848. On sait que, tout jeune lieutenant, il fut blessé à la main, droite en 1870 et dut subir une douloureuse amputation.

Le général Pau était capitaine à 22 ans, le 8 novembre 1870. Général de division en 1903, il commandait la 14e division à Belfort lorsqu'il fut nommé à Nancy.

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Le chef d'état-major du corps d'armée, le colonel d'infanterie breveté Gérôme, est également d'origine lorraine. Né à Badonviller, le 2 mars 1857, sous-lieutenant en 77, il servait à Nice lorsqu'il fut nommé sous-chef d'état-major du corps. Il succéda comme chef d'état-major au colonel Colle

11e DlVISION D'INFANTERIE (NANCY)

Général HOUDAILLE

Camarade de promotion du général Pau, le général Houdaille est, comme lui, né en 1848. Il est originaire de Rochefort. Entré au service en 1867, sous-lieutenant en 69, général de brigade en 1902, il commanda la 29e brigade d'infanterie, puis une division coloniale par intérim. Appelé également par intérim au commandement de la 11e division, en remplacement du général Pister, il ne tarda pas à être titularisé.

21e BRIGADE

Général BALFOURER

Longue barbiche, yeux vifs derrière le lorgnon à monture d'or, le général Balfourier a été plusieurs années officier d'ordonnance du général de Boisdenemetz, alors commandant la 11e division d'infanterie à Nancy.

Né le 27 avril 1852, à Paris, le colonel Balfourier commandait le 130e d'infanterie et était secrétaire du comité d'état-major, lorsqu'il succéda au général Valabrègue.

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69e d'infanterie, colonel Duplessis. Le nouveau colonel du 69e a fait dans l'Est une partie de sa carrière militaire. C'est un Spinalien, né le 10 décembre 1857. Il a commandé plusieurs années un bataillon de chasseurs dans les Vosges et servait tout récemment encore comme lieutenant-colonel au 35e à Belfort.

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26e d'infanterie, colonel Sibille. Un Lorrain annexé, né à Sarreguemimcss le 28 septembre 1853. Entré à Saint-Cyr en 1873, commanda le 3e bataillon du 69e, fut directeur du 2e bureau de la direction de l'infanterie, et fut promu colonel en remplacement du colonel Goëpp.

22eBRIGADE

Général ESPINASSE

Fils du ministre de l'intérieur de Napoléon XII, qui trouva une mort glorieuse en Italie, le général Espinasse est un vieux soldat d'Afrique. Né à Paris, le 21 décembre 1853, il a pris une part active aux événements du Sud-Oranais.

Nommé au commandement d'une brigade d'infanterie en Algérie, il fut appelé à succéder à Nancy au général Faurie, nommé par intérim au commandement de la 6e division d'infanterie à Paris.

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37e d'infanterie, colonel Bajolle. Un Africain, lui aussi, qui échangea la tunique bleu de ciel des tirailleurs algériens contre La tunique noire de l'officier d'infanterie de ligne. Né à Marseille, le 9 juin 1856.

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79e d'infanterie, lieutenant-colonel Guillemot. (Le titulaire du régiment, le colonel Silhol, commande par intérim une brigade).

Très connu dans l'Est, ancien capitaine au 26ee ancien commandant du 2e chasseurs à Lunéville.

Né à Malans (Haute-Saône), le 15 février1858.

39e DIVISION D'INFANTERIE (TOUL)

Général GŒTSCHY

Né à Toul, le 11 août 1848, a passé lui aussi la plus grande partie de sa carrière de fantassin en Algérie, a commandé la 57e brigade, a succédé au général Pamard en 1907.

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77e brigade, général Franchet d'Esperey.Né en 1856, ancien lieutenant-colonel du 69e à Nancy, s'est vaillamment conduit en Chine, commandait le à 60e Besançon, lorsqu'il fut nommé par intérim au commandement de la 77e brigade.

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146e, colonel Entz. Un ancien élève du lycée de Nancy, né à Ruestenhardt (Haut-Rhin), le 30 septembre 1853.

Entré à Saint-Cyr en 1872, lieutenant-colonel en 1901, a été nommé colonel sur place.

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153e colonel Kauffeisen. Né à Schlestadt, en 1851, entré à Saint-Cyr en 69, ancien lieutenant-colonel du 149e à Épinal.

78e BRIGADE

Général DEFFORGES

Né à Roanne, le 15 mars 1853, a été à plusieurs reprises chargé de missions à l'étranger, était colonel à Rouen, lorsqu'il fut nommé général de brigade à Toul en 1905.

156e colonel Joly. Né en 1850 à Paris, entré à Saint-Cyr en 1869, était précédemment lieutenant-colonel du 32e à Tours.

160e colonel Heymann. Un Messin, né le 29 novembre 1850, saint-cyrien en 1868, colonel en 1902, commandait précédemment le 74e à Rouen.

LES BATAILLONS DE CHASSEURS

On verra également à la revue défiler les cinq bataillons de chasseurs du corps d'armée.

1er (Troyes), 2e (Lunéville), 4e (Saint-Nicolas), 17e (Rambervillers), 20e (Baccarat).

LES TROUPES DE FORTERESSE

Un groupe de forteresse de Toul y figurera également. Il est composé des quatrièmes bataillons des et des 26e, 69e et 160e.

LA CAVALERIE

Deux groupes distincts : D'abord la cavalerie de corps d'armée (20e brigade de cavalerie), commandée par le colonel de Cornulier-Lucinière, commandant le 6e hussard, à Commercy, le successeur du général Gauthier, passé au cadre de réserve, n'étant pas encore désigné.

Avec le 6e hussards, la brigade comprend le 5e hussards (Nancy), colonel Taufflieb, un Strasbourgeois, et le 12e dragons, de Pont-à-Mousson.

Rappelons que le colonel de Cornulier-Lucinière — parent de l'ancien chef de la division — est notre ancien attaché militaire en Espagne et en Portugal.

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Le deuxième groupe de cavalerie se compose de la 2e division de cavalerie indépendante de Lunéville, commandant par intérim général de brigade de Mas-Latrie.

Le général de Mas-Latrie à sous ses ordres la brigade de chasseurs du général Besset et la brigade de dragons du général Cherfils, l'écrivain militaire bien connu, ancien colonel du 7edragons, à Fontainebleau.

L'ARTILLERIE

L'artillerie de corps d'armée a à sa tête le général de brigade Chatelain. Né en 1851 ; il commandait auparavant un régiment d'artillerie à Besançon.

La brigade comprend le 8e régiment de Nancy, colonel Berrot et le 39e d'artillerie, de Toul.

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Tel est l'ordre de bataille des belles troupes qui seront présentées dans la plaine d'Art-sur-Meurthe au général Pau par le général Gœtschy, le plus ancien divisionnaire.

Il y aura là un de ces magnifiques spectacles qui vivifient et réconfortent l'âme des foules.

On acclamera, comme il convient, ces milliers d'hommes de conditions si diverses venus de tous les points de la France, unis dans un même devoir patriotique librement consenti et joyeusement accepté.

Léon PIREYRE.

LES DÉCORATIONS

Voici les décorations qui seront décernées à La revue d'Art-sur-Meurthe :

Légion d'honneur

Commandeur : M. le colonel Couturier, du 79e d'infanterie.

Officiers : MM. les chefs de bataillon : infanterie territoriale, Moriset ; génie territorial, Martignon.

Chevaliers : MM. le chef de bataillon Pelletier, du 36e territorial d'infanterie ; lieutenant Crèn, du 42e territorial.

Médaille militaire

Le sergent-major réserviste Dellahaigue, du 4e bataillon de chasseurs ; maréchal des logis Kirsel, de cavalerie territoriale ; soldat Ruff, du 42e territorial d'infanterie.

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L'Est républicain aux manœuvres du 20e corps d'armée

Charges à la baïonnette

Haraucourt, 6 h. 1/2.

Lentement, la brigade Espinasse gagne les hauteurs de Quatre-Bouteilles et de la ferme Saint-Louis.

Un vent frais souffle sur le plateau envahi de tous les côtés à la fois par des troupes. La plaine ressemble vraiment à ces tableaux de batailles qu'on admire dans Les musées nationaux.

A quatre heures. Le 79e de ligne et le 20e chasseurs se précipitent, baïonnettes hautes, vers la ferme Saint-Louis, où le 153e de ligne s'est réfugié. Les clairons sonnant la charge. Les canons grondent furieusement.

Clameurs, hurrahs, mêlée de képis rouges et de manchons blancs, chevauchées de dragons et de hussards lancés à toutes brides — le spectacle impressionne.

Les brigades ennemies s'acharnent. Le crépuscule verse sa cendre grise sur l'horizon. On distingue à peine les troupiers allongés, au repos, derrière les moissons en javelle.

A tout instant, le refrain : « Il y a la goutte à boire là-haut... » annonce de nouvelles charges.

Il est exactement 6 h. 05 quand la répétition des sonneries avertit les combattants que le feu doit cesser et qu'ils vont gagner leurs cantonnements.

Saint-Nicolas, 8 h. soir.

Les troupes sont exténuées.

Elles m'ont traîné derrière elles pendant une journée entière — et je cède comme elles à la fatigue.

Le 153e d'infanterie, le 6e hussards, le 39e d'artillerie arrivent à Saint-Nicolas, en pleine nuit. Les routes sont pleines de soldats harassés, épuisée littéralement par une manœuvre qui, pour les compagnies ayant pris, la veille, le service d'avant-poste, a duré environ vingt-quatre heures d'affilée.

Quand donc ces braves gens souperont-ils ?

La bataille de Lenoncourt

Vendredi, Lenoncourt, 2 h. 30 soir.

Le dernier jour des manœuvres du corps d'armée a été favorisé par un temps agréable. Peu de soleil. Des nuages déchirés en flocons d'étoupes. Des routes en train de sécher. Seuls, les champs engluaient d'argile les semelles.

Craignant que la division indépendante de cavalerie fit, pendant la nuit, une brusque démonstration contre le parti bleu, le général Houdaille avait prescrit un service d'avant-postes destinés à garder sérieusement la 11e division.

La manœuvre de jeudi terminée à la nuit tombante, l'ordre de cantonnements indiqua Courbessaux et Réméréville pour gîtes d'étape au 4e chasseurs et au 69e de ligne. Les feux étaient déjà allumés ; la réconfortante odeur de la soupe flattait les appétits, — quand un ordre nouveau changea ces dispositions : les petits vitriers allèrent à Buissoncourt et les fantassins logèrent à Haraucourt.

Quant à la soupe, il y fallut renoncer. En dépit du proverbe, la troupe dormit mal, n'ayant pas dîné. Se battre à jeun a quelque chose de beau peut-être ; mais on n'est pas toujours d'humeur à se montrer héroïque.

Est-ce à dire que les ventres creux sont incapables d'actions d'éclat ? Non pas. Jeudi dernier, le 17e chasseurs chargea, avec une telle fougue, une si magnifique impétuosité qu'il réussit à s'emparer du drapeau.

Les « lignards » résistèrent tant qu'ils purent. Ils en vinrent aux mains avec leurs agresseurs, si bien que le drapeau souffrit de la bagarre : la hampe fut brisée et les franges d'or arrachées.

Et je puis vous assurer que le 17e chasseurs n'avait pas vidé, avant cet exploit, des gamelles trop pleines !

Le même jour devant les ponts de Saint-Nicolas, le général Franchet d'Espérey entraînait le 1er chasseurs dans un assaut furieux qui donnait la victoire aux braves gens ralliés par son épée — et cet épisode souleva l'enthousiasme. La fanfare sonnait la marche de Sidi-Brahim.

Vendredi matin, au petit jour, on apprenait que le corps de Toul, outre une division d'infanterie indépendante, recevrait encore l'appui de plusieurs canons de forteresse.

...A 4 heures, nous escaladons les collines qui limitent, au nord, de Saint-Nicolas.

Une compagnie du génie (parti rouge) exécute des retranchements entre le bois des Quatre-Bouteilles et la côte 298.

Les postes de signaleurs échangent entre eux les ordres et communiquent les renseignements qu'ils ont pu obtenir sur les positions de l'adversaire.

La 2e compagnie du 4e chasseurs se déploie, sur le plateau au nord des Quatre-Bouteilles, en une longue ligne où ses tirailleurs tiennent en échec, pendant deux heures, les efforts réunis du 146e et du 153e. A six heures et demie, le général Pau passe dans son automobile Peugeot, pilotée par le capitaine Garcin. Il se dirige vers Haraucourt pour se rendre compte de la situation respective des partis en présence.

Une heure plus tard, le groupe de chasseurs des 17e et 20e bataillons évacue Lenoncourt, attaqué par un régiment d'infanterie.

Sur la gauche, le 69e de ligne bat en retraite sur Haraucourt. Une seule compagnie fait maintenant face au 4e chasseurs ; mais, débordé sur ses deux ailes, celui-ci est contraint, après une résistance opiniâtre, de se porter en arrière à la hauteur des puits de soude. Deux compagnies venant de la côte 273, marchent sur Lenoncourt.

La compagnie du 4e chasseurs, quelques instants auparavant, avait empêché le feu d'une batterie débouchant d'un repli de terrain situé derrière les fours à chaux.

Avant même que la batterie eût le temps de dételer ses pièces, un mouvement audacieux des chasseurs annihilait l'effet de ces pièces.

Le commandant Desruelles ne ménagea pas ses félicitations à la 2e compagnie.

A 8 heures 10, dans le chemin creux reliant Buissoncourt et Haraucourt, en suivant la Pissotte, le général Pau rencontre de la 11e division, descend de son automobile. Il s'entretient quelques instante avec le général Houdaille. Ce dernier donne l'ordre d'amener, en suivant la Pissotte, au sud-est de Buissoncourt, la 22e brigade, qui devait primitivement s'arrêter à Haraucourt.

La 21e brigade, partie de Buissoncourt et de la Maison-Blanche, cherche à reprendre Lenoncourt. Elle est appuyée par l'artillerie de la division qui établit ses pièces à la Maison-Blanche, à hauteur nord-est de Buissoncourt. La 22e brigade se tient au sud-est de Buissoncourt, prête à appuyer l'attaque. Deux bataillons restent en réserve près de la tour de Domèvre, à la disposition du général en chef.

Le 26e prend position sur les hauteurs entourant la Maison-Blanche, tandis que le 69e assure la possession, comme point-d'appui, de Domèvre et de Buissoncourt.

Le mouvement des colonnes se dessine autour de Lenoncourt qu'il s'agit de reprendre au parti rouge, en raison de l'importance stratégique que cette position présente pour le général Houdaille,

De toutes parts, le canon gronde ; les feux de salve, le fracas des mitrailleuses retentissent. Vers dix heures, Lenoncourt est sérieusement menacé. La lutte s'acharne. Vacarme infernal. A la sonnerie de l'assaut succède, la sonnerie réjouissante de la fin de la manœuvre.

M. le général Pau informe les officiers supérieurs que la « critique » aura lieu à l'hôtel de ville de Buissoncourt.

Les troupes se reposent à la grand'halte, avant de rejoindre les cantonnements où elles se prépareront pour la grande revue du corps d'armée.

La première partie des manœuvres est finie. Elle appelle des commentaires ; elle suggère des réflexions ; elle fourmille d'anecdotes qui trouveront leur place, tôt ou tard, dans les articles que nous nous proposons de consacrer aux manifestations militaires dont nous avons été le témoin au cours de cette semaine.

Achille LIÉGEOIS.

Le général Turner aux manœuvres

Sir Reginald Turner, le général anglais en retraite, dont on se rappelle la superbe tunique rouge au cours de la semaine anglaise, suit les manœuvres du 20e corps.

C'est en son honneur qu'on joue le God save samedi soir à la retraite.


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L'Est républicain du dimanche 12 septembre 1909

La journée du 20e corps

Nancy, samedi 11 septembre 1909

La revue d'Art-sur-Meurthe et la grande retraite aux flambeaux du samedi 11 septembre constituent une splendide tournée destinée à couronner la première partie des manœuvres du 20e corps.

La seconde partie des manœuvres commencera la semaine prochaine. Elle sera beaucoup moins importante. Ce seront des manœuvres de brigade contre brigade. En un 0n a interverti l'ordre habituel des choses, le général Pau et plusieurs autres officiers généraux devant, comme on le sait, partir comme arbitres, pour les manœuvres du Centre.

Espérons que les manœuvres de la prochaine semaine seront moins fatigantes et seront favorisées par un temps meilleur, que celles qui viennent de se terminer et qui appellent quelques réflexions.

La Revue d'Art-sur-Meurthe

Voici, pour déblayer, quelques informations détachées :

Les départs. — A la gare.

Dans la matinée de samedi, les guichets installés dans quatre petites baraques en bois dans la cour de la gare, ont été assiégés par les personnes avides de contempler nos belles troupes à la revue du 20e corps.

Vers huit heures et demie a eu lieu le plus gros coup de feu, les guichets ne suivaient pas à délivrer des billets, plusieurs employés munis d'une sacoche en ont distribué de la main à la main.

Dix-sept trains ont été formés en gare de Nancy. Quatre mille personnes ont été dirigées sur Laneuveville et Varangéville.

Sommer à la Revue

LE DÉPART

Sommer, comme il l'avait promis, s'est rendu, samedi, à la revue. Un de nos collaborateurs a assisté à son départ de Jarville. Voici son récit :

Samedi, à. 7 heures du matin, Sommer arrive-à l'aérodrome de Jarville.

Aussitôt son arrivée, les mécaniciens graissent le moteur et vérifient toutes les pièces de l'aéroplane, car M. Sommer va partir pour la revue. De temps est d'ailleurs très propice. Pas de vent, un clair soleil joue à travers les rares nuages qui passent.

A 8 heures 1/2, le biplan est sorti du hangar ; les mécaniciens et Sommer donnent un dernier coup d'œil pour voir si tout est en place. Puis Sommer escalade l'appareil et s'assied sur la petite chaise en osier. Un mécanicien fait tourner l'hélice, le moteur est mis en marche et le biplan part. Après avoir parcouru environ 80 mètres, il s'élève gracieusement dans l'air fait un tour de piste en 4 minutes, puis vint atterrir devant le hangar.

A 9 heures moins le quart, Sommer remonte sur son appareil. L'hélice est de nouveau tournée et l'aéroplane s'élance.

Il s'élève d'abord à dix mètres de hauteur, puis quand Sommer vire devant les tribunes il est à vingt mètres.

Quatre tours de piste sont faits. Sommer entame le cinquième tour. A ce moment, il plane à 50 mètres de hauteur ;l'on croit qu'il va revenir, mais Sommer pique droit sur le plateau d'Art-sur-Meurthe et quatre minutes après il a disparu à l'horizon, se rendant à la revue du 20e corps à Lenoncourt. Il est à ce moment exactement neuf heures moins une minute. Il y avait une centaine de personnes présentes à ce moment à Jarville.

Aussitôt Sommer disparu, les trois mécaniciens montent dans une automobile ;un tour de volant, le moteur ronfle, l'automobile démarre et part aussi pour la revue.

Grave incident aux manœuvres ?

(De notre correspondant de Toul)

« On raconte à Toul, et je vous transmets le bruit sous les plus extrêmes réserves, qu'un grave incident se serait produit aux manœuvres entre deux capitaines du 153e, à la suite d'une discussion d'ordre politique. Il y aurait même eu voies de fait. »

Veille de Revue

Anxiétés. — Le calme après la tempête.

On se demandait avec inquiétude, vendredi soir, alors que, d'un ciel d'encre, strié de lointains éclairs, une pluie torrentielle tombait, si la revue du lendemain ne subirait pas tout au moins un néfaste contre-coup.

Sans doute, l'assurance d'une manifestation grandiose de nos forces militaires d'avant-garde était au plus haut point tentante, mais la perspective de traverser les champs boueux à souhait et d'assister à un défilé sous les gouttières des parapluies ne l'était guère.

Il est vrai qu'en cette saison capricieuse, le ciel est d'humeur versatile, et l'on se disait tout bas que lorsque le vent aurait achevé le dégomement de ses outres et que les nuages auraient pleuré tout leur saoul, le soleil pourrait bien prendre sa revanche.

Et c'est dans cet espoir que l'on a fait quand même ses préparatifs de départ et que l'on s'est mis au lit. On songeait aussi aux braves troupiers couchés à la bonne ou mauvaise fortune des granges, ou aux grand'gardes à qui le règlement ne donne, contre les intempéries que la philosophie joyeuse de la jeunesse, et que la pointe des baïonnettes, vaillante contre l'ennemi, mais impuissante contre les averses.

Le départ

Enchantement du réveil ! Samedi, à l'aube, il faisait beau. C'était une aube exquise d'automne, à l'air tiède, aux étoiles jouant à cache-cache avec quelques moutonnantes nuées. Puis c'est l'apparition du soleil, à l'Orient empourpré.

De bonne heure, l'on part. Les uns s'en vont sur les autos rapides, dont les pneus font gicler la boue, au grand dam des vulgaires piétons ;les autres se jaunissant invraisemblablement les reins de mortier sur leurs bécanes. Le plus grand nombre se précipite vers la gare et, dans un tohu-bohu tout à fait pittoresque, escalade les wagons à étage que, de dix minutes en dix minutes, la Compagnie de l'Est met à la disposition des fervents de la revue.

Il y a aussi les voitures de maître et les voitures de place. Quelques négociants ont même sorti leurs vastes chars-à-bancs de livraison, et tout cela se retrouve bientôt sur la route de Lenoncourt.

Ah ! certes, ce n'est pas la boue qui manque à la chaussée, c'est la chaussée qui manque pour tant de monde ! Aussi, piétons et même bicyclistes, empiètent-ils largement sur la bordure des prés, laissant aux automobiles et aux voitures le risque de se faire embrasser les roues en de dangereuses accolades.

Une fois le défilé commencé, il ne finit plus... Vaudrait-il faire concurrence à la Meurthe, dont le flot qui fuit est remplacé par le flot qui le pousse, toujours, sans répit, de telle façon qu'il semble que c'est toujours le même flot qui passe ?

Bosserville a fait la toilette patriotique de ses fenêtres, où claquent gaiement les drapeaux à la brise matinale. Mais on n'a pas fait celle des rues, où une boue gluante accroche le sol à vos talons.

Sur la route d'Art-sur-Meurthe, la marche est tout aussi difficile. Que de boue ! Que de boue ! Attention ! Place aux artilleurs ! C'est le régiment qui, après une nuit passée à Nancy, se transporte au terrain de la revue. Fanfare en tête, le régiment traverse Laneuveville. Il est 8 h. 1/2. On se montre, là-bas, du côté de Jarville, l'aéroplane de Sommer qui accomplit des prouesses. Osera-t-il celle de pousser jusqu'au dessus des troupes ?

Art-sur-Meurthe s'est mis en frais d'urbanité et de patriotisme. A l'entrée du village, un arc de triomphe est soutenu par deux troncs touffus de sapins. Une Large banderole porte cette inscription : « Aux troupes du 20e corps, Art-sur-Meurthe ».

Tout le long de la rue qui grimpe à Lenoncourt et réclame de sérieux coups de jarrets des bicyclistes, les maisons sont parées de verdure, de fleurs, de banderoles et de drapeaux.

Les restaurants ont sorti leurs tables, que le premier train de Nancy accapare. Est-ce que l'air frais et les trois kilomètres de tirage dans la boue auraient déjà semé la fringale ?...

Quoi qu'il en soit, on arrose copieusement œufs et sandwichs avec la bière ou le vin clairet.

A partir du village, d'ailleurs, de nombreuses cantines sont installées en bordure de la route. Le publie s'installe et fête leurs provisions, tandis que certains restaurateurs retardataires, avec voitures trop chargées, doivent donner de l'épaule pour vaincre la résistance des ornières.

Et c'est dans ce décor pittoresque que l'on arrive au terrain de la revue.

Le terrain de la revue

Bien détestable, ce terrain, pour la marche. Si léger que pose le pied, on enfonce profondément dans les luzernières molles et la terre friable qui la semaine dernière encore était couverte de moissons.

Ce terrain est fréquemment ballonné. C'est au point que l'on ne peut pas distinguer d'avance la moindre compagnie, sinon, de temps en temps, par une agitation de képis dans une échancrure.

Un immense cordon d'infanterie défend l'entrée aux profanes qui n'ont pas reçu« le Sésame, ouvre-toi » de la carte. En revanche, le bon public couronne les moindres mamelons d'essaims bigarrés et tumultueux ; s'entasse à rangs pressés et interminables derrière les sentinelles ; grimpe aux arbres de la route, se hisse sur les véhicules. On a vu même des échelles !

Vers neuf heures et demie, un lièvre vient fort à propos rompre l'attente. La maligne bête, tapie, toute apeurée, dans un restant de luzernière, près des tribunes, saisit le moment propice où cabriole le cheval d'un gendarme pour se mettre sans doute sous la protection de l'ennemi légal des braconniers, et file à toutes jambes vers les bois du voisinage.

Bien avant dix heures, les pourtours du champ, immense pourtant, où nos belles troupes du 20e corps vont défiler bientôt, sont envahis par les curieux. Tout le monde voudrait se placer au premier rang, aux premières loges, si l'on peut dire, et l'on entend maints grincheux pester contre l'intrusion, cauteleuse parfois, souvent brusque, des nouveaux venus.

Les paniers à victuailles se heurtent. Il y a parfois des plaintes significatives de bouteilles en danger...

Quant aux tribunes, elles sont plus que remplies, plus qu'archi-combles. Elles débordent. Elles sont absolument insuffisantes, et c'est à se demander si pour cinq cents personnes au plus qu'elles peuvent contenir, on n'aurait par hasard pas délivré plusieurs milliers de cartes ?.... Là aussi, il y a des récriminations et des bouts de dialogue qui n'ont pas toujours l'amabilité et la galanterie pour principe.

Et tout le brouhaha inhérent à la foule — il y avait là, dit-on, plus de 80.000 personnes — se contente, pour subitement s'apaiser, d'un coup de clairon ordonnant quelque mouvement militaire.

D'ailleurs, peu à peu, ces alertes se multiplient, les galops d'estafettes se précipitent. L'instant solennel approche. Il a sonné, ou plutôt il a tonné, car c'est le canon qui l'annonce, en même temps que le clairon.

Plus de cent photographes préparent leurs appareils.

Au loin, les clairons lancent tour à tour la sonnerie « aux champs », tandis que le général Pau vient saluer le monde officiel des tribunes et que les masses d'infanterie, les baïonnettes luisant de toute la longueur de leur acier poli au gai soleil comme autant de miroirs, semblent sortir de terre et viennent s'aligner à 200 mètres environ des tribunes.

Les cinq bataillons de chasseurs forment le centre, entre les deux divisions d'infanterie. Les cyclistes sont à droite, immobiles, leur bécane au dos, dans le prolongement de la 11e division.

Dans le lointain, résonnent les fanfares de cavalerie. Hussards, chasseurs, dragons apparaissent bientôt, dans l'éblouissement des sabres ou le flamboiement coloré des lances.

Il est 10 h. 45, lorsque l'escorte du général Pau, en tête de laquelle caracolent brillamment les spahis au blanc burnous, arrive devant le front des divisions, que lui présentent leurs commandants respectifs.

Les sonneries « aux champs » ou les Marseillaise se répondent de régiment à régiment, de bataillon à bataillon.

On remarque avec une réelle admiration l'immobilité complète des hommes, au moment où passe le général Pau au galop de son cheval Aussi, enthousiaste, la foule ne ménage point les cris de « Vive l'armée ! »

La revue n'a duré qu'un quart d'heure. Onze heures n'ont pas encore sonné, en effet, que les commandements retentissent de toutes parts. On va se former pour le défilé.

En attendant ce moment solennel, on s'amuse de la déconvenue des photographes qui ont essayé de pousser jusqu'aux lignes et doivent rebrousser chemin en hâte, avec un officier qui galope à leurs côtés.

En revanche, toute une famille, un homme, deux femmes et deux enfants, se trouve prise entre la cavalerie et l'infanterie. Elle voudrait bien, semble-t-il, aller en avant ou retourner en arrière, mais elle est prise dans un carré infranchissable.

Sommer et son aéroplane

La revue du 20e corps - Sommer en aéroplane

L'aviateur Sommer au-dessus de la revue

Au même Instant, Sommer, tenant parole, arrive avec son aéroplane.

— Sommer ! L'aéro !... Ce cri fait traînée de poudre. Tout le monde, en un clin d'œil, est debout. On acclame.

L'aviateur, très maître de son appareil, longe les bois, passe au-dessus des chasseurs cyclistes, frôle les lances des dragons, et va tourner sur le mamelon assis à la sortie d'Art-sur-Meurthe.

Il réapparaît et disparaît à deux ou trois reprises, avant de virer pour de bon vers son hangar de Jarville, en suivant la vallée de la Meurthe.

Pourquoi le dirigeable n'est-il pas là ?

Ah ! pourquoi notre dirigeable ne lui a-t-il pas donné la réplique ?

La joie eût été complète, joie toute de fierté patriotique en présence des nombreux spectateurs venus d'un pays où l'on ne parle point de ses dirigeables sans une pointe d'orgueil justifié.

On aurait cependant tout oublié, on aurait tout pardonné au Dirigeable, si des dispositions avaient pu être prises pour qu'il assistât à la revue d'Art-sur-Meurthe.

C'était son poste, d'être là, et, y étant, — comme son devoir le commandait — il eut été, en même temps, à l'honneur !

Mais laissons de côté ces tristes pensées. Devant nous, tous les drapeaux et étendards déploient au vent d'automne leurs glorieuses couleurs.

C'est le moment de la remise des décorations, moment sublime où les yeux de plus d'un se mouillent, tandis que la sonnerie traditionnelle — et si touchante, ma foi — retentit au milieu des bravos.

Groupe pittoresque : une vingtaine de photographes sont à l'affût, genou en terre, pour fixer ce superbe tableau.

Remise des Décorations

Après que le général Pau a passé devant le front des troupes, le 79e — désigné pour rendre les honneurs — s'avance face aux tribunes, les drapeaux et étendards, et les généraux prennent place devant le régiment.

Le général Pau fait sonner le : « Garde à vous » par les clairons ; le 79e met l'arme sur l'épaule ; les officiers et militaires qui doivent être l'objet d'une distinction et qui, jusqu'alors sont restés avec les officiers sans troupe à la gauche des tribunes, sont amenés devant ces tribunes.

Un signe du commandant du 20e corps, les clairons ouvrent « le ban ».

Le général Pau, d'une voix forte, prononce la formule officielle ; il remet la cravate de commandeur de la Légion d'honneur au colonel Couturier, qui commandait il y a quelque temps le 79e.

Rappelons que le colonel Couturier — qui a pris sa retraite au mois d'avril dernier — est attaché comme colonel de réserve, au service des commandements.

*

 *  *

Officiers. — Le chef de bataillon d'infanterie territoriale Meriset ; le commandant Martignon, commandant le bataillon territorial du génie.

Chevaliers. — Le capitaine Pelletier, du 36e d'infanterie territorial ; le lieutenant Cren, du 42e territorial Lorsque le général Pau remet la croix à chacun des nouveaux promus, il donne en même temps l'accolade. On applaudit chaleureusement dans les tribunes et autour de la piste.

*

 *  *

Le ban est fermé ; une minute s'écoule ; un nouveau ban s'ouvre pour la remise des médailles militaires :

A M. Delahaigue, sergent-major de réserve du 4e bataillon de chasseurs, demeurant à Nancy, rue de Laxou, 33.

A M. Virtel, maréchal des logis à l'escadron de cavalerie territoriale de la 7e région, chef d'expédition à la maison Aubry Bezombes.

Au soldat de 1re classe Ruff, du 42e territorial. Ce militaire porte la tenue de l'infanterie coloniale ; il a fait les campagnes du Tonkin, de Chine et de Madagascar, dont il porte les médailles commémoratives.

Lorsque le général Pau leur accroche la médaille, il s'entretient un instant avec chacun, notamment avec le colonial.

Le ban est fermé.

Les drapeaux et étendards vont reprendre la place dans le rang ; le 79e rejoint l'emplacement qu'il doit occuper pour le défilé, les clairons et musiques se placent à la tête de la division, pour l'entraîner...

Le Défilé

Et c'est au milieu de toutes ces saines émotions, de ces menus incidents plus ou moins originaux, qu'arrive l'instant tant attendu du défilé.

La matinée s'enfuit avec la rapidité des minutes heureuses. Nous tenons à présent 11 heures et demie.

Ce sont les chasseurs cyclistes qui ont l'honneur de l'ouverture. Leurs clairons, en tête, soufflent à pleins poumons une marche endiablée !

En raison de l'état du terrain, chasseurs et officiers ont leur bicyclette sur le dos.

Les quatre musiques de la 11e division les suivent et font brusquement à droite, face aux tribunes, où elles jouent une formidable Marche Lorraine.

Après eux, voici les soldats du génie, vigoureux gaillards, habitués, déjà chez eux, à manier la rame, le rabot, la scie ou le marteau.

La compagnie a une impression de force toute particulière. Il y a là des hommes dont la taille n'a pas craint de monter haut, et dont les torses robustes donnent une agréable impression de force et de santé.

L'infanterie de ligne forme le principal, c'est-à-dire le plus important tableau.Pensez donc ! Huit régiments d'infanterie.Les divisions de Nancy et de Toul tout entières — division de fer et division d'acier — augmentées de leurs réservistes et de plusieurs de leurs bataillons détachés à la garde de nos forts.

Elle défile par bataillon, en ligne de compagnie. C'est là une formation tout à fait agréable pour le coup d'œil, qui n'aime pas les trop petits paquets,

La 11e, passe première. Le mauvais état du terrain, abominablement détrempé, gêne malheureusement la marche et enlève un peu de l'allure si alerte que l'on est habitué à voir chez les troupiers français.

Mais les régiments y vont de toute leur admirable énergie et, après une minute de flottement, ils arrachent crânement, en cadence, leurs guêtres boueuses à la glu des ornières.

On s'attarde avec curiosité à regarder les mitrailleuses, que leurs servante poussent a même les roues de toute la force de leurs reins de 20 ans. Les mitrailleuses de certains régiments étaient démontées et a dos de mulets.

Des braves. Des airs de fanfare. La Sidi-Brahim !... Après l'infanterie de ligne, la légère, les « vitriers ».

Il y a cinq bataillons de gars trapus, carrés d'épaules. On voit sans doute moins de « boucs,» traditionnels qu'au temps des soldats de quatre ans, mais il en reste encore beaucoup. Dans les « vitriers », c'est à le croire, le poil au menton n'attend pas le nombre des années.

Au reste, s'il ne poussait pas, il se pourrait bien qu'un rapport du commandant donnât le choix aux imberbes entre le « clou » et le « poil forcé ». — Qu'ils se débrouillent.

Bravo ! Bravo ! les barbus de Troyes, de Saint-Nicolas, de Lunéville, de Rambervillers, de Baccarat, avec votre étendard et vos fanfares, on irait se faire trouer la peau, comme les vieux, au bout du. monde !

Peu à peu, la foule s'emballe. On chante la « Sidi-Brahim ». On chante n'importe quoi, mais on chante de son mieux avec les cinq fanfares. Ah ! non, que l'on ne vienne plus nous dire que l'âme de la Patrie se meurt. Que l'on joue donc un air de bataille et qu'une main dresse le drapeau !... Et les plus hésitants suivront en chantant, comme jadis les anciens en sabots...

*

 *  *

L'infanterie de Toul accompagne les vitriers. Ses quatre musiques jouent Sambre-et-Meuse avec une guerrière énergie. Ah ! nos braves troupiers ! Ils font ce qu'ils peuvent, allez, pour sortir avec honneur du mortier qui les empêtre. Comme ce spectacle eût été superbement correct sur le sol herbeux et sec du plateau de Malzéville.

Il est juste midi quand les premières lignes de l'artillerie arrivent à leur tour à hauteur des tribunes. Les premiers trompettes sont, naturellement, en tête, mais ils restent muets. Les musiques de la 39e division continuent la Marche lorraine.

Les avant-trains tirent, au pas, les redoutables pièces bleues.

A remarquer qu'une fanfare a tenu à honneur de sommer à la tête de son régiment.

De tout cet ensemble de batteries qu'une allure lente permet de contempler à son aise, se dégage une impression de puissance et de force qui fait du bien au cœur.

Et soudain, les pièces se précipitent dans un galop accéléré. Elles ont hâte de céder la place à la cavalerie, dont les sept régiments arrivent à l'autre bout du champ.

Le 6e hussards, de Commercy, puis le 5e, de Nancy, passent au trot de leurs alertes coursiers.

Les dragons chevelus de Pont-à-Mousson précèdent les batteries volantes de Lunéville, qu'accompagne la brigade de chasseurs à cheval de la 2e division.

Le défilé est dignement fermé par la brigade de dragons, de Lunéville, dont la forêt de lances rythme le pas des chevaux, au balancement de ses flammes.

A midi 20, le général Pau s'avance au-devant des tribunes, acclamé longuement.Le général en chef paraît content. Il a le sourire et ce sourire déchaîne de longs cris, de « Vive l'armée ! ». C'est une véritable ovation,

La charge finale

Un quart d'heure suffit aux cavaliers pour se préparer à l'apothéose, c'est-à-dire à la traditionnelle charge finale.

Les batteries volantes s'alignent à chaque aile extrême du terrain. Elles vont faire un simulacre de combat, la canonnade suprême avant rentrée en scène du sabre.

Et, soudain, tonnent les pièces bleues.

Un éclair. Peu ou pas de fumée... Le public, de plus en plus s'enthousiasme. On aperçoit, rangées en bataille, les masses de cavalerie qui arrivent, face aux tribunes, dans un cliquetis d'acier.

Hussards, chasseurs et dragons luttent d'entrain... La charge est endiablée. Comme en bataille véritable, les cavaliers poussent de longues clameurs. La foule leur répond par des cris sans fin, des battements de mains, de trépignements de pied. C'est du délire lorsque ces 5.000 chevaux, bien en main, s'arrêtent brusquement, à 100 mètres du général Pau et de son escorte. Pas un retardataire. Pas une chute !...

C'est là un tableau réconfortant, dont le souvenir restera longtemps dans le cœur des Lorrains patriotes et qui n'a pas manqué de faire réfléchir les nombreux étrangers venus de là-bas tout exprès, de l'autre côté de la frontière, et de réjouir beaucoup d'autres venus aussi de l'autre côté.

Cette fois, c'est bien fini. Il est une heure et demie. Le soleil, maintenant se cache sous les nues, qui, peu à peu, ont envahi le ciel...

Le retour

Quel retour, grands dieux, quelle précipitation ! Quelles bousculades ! Est-ce la perspective du déjeuner qui met ainsi des ailes aux pieds ?

La chaleur devient lourde. On dirait que le ciel se prépare pour un nouvel orage...

Eh bien ! tant pis ! — Dût-il être trempé jusqu'aux os, nul, j'en suis certain, ne regrettera d'être venu, car il pourra parler longtemps d'un des plus beaux spectacles militaires auxquels il soit donné d'assister.

Rentrée du général Pau à Nancy et de la 11e division

Les cantonnements

A deux heures moins le quart, le général Pau, — précédé de la fanfare du 5e hussards, de Nancy, et de la fanfare du 18e dragons, de Pont-à-Mousson, — rentrait à Nancy par la porte Saint-Nicolas. Il était suivi de, son, état-major, et du 5e hussards, tout entier, ainsi que du lieutenant-colonel et du commandant de gendarmerie.

Est-il besoin d'ajouter que le public était aussi nombreux que-sympathique sur tout le parcours ?

*

 *  *

Les régiments de la garnison viennent d'arriver à Nancy.

Samedi matin, on ignorait complètement dans les communes suburbaines si on logerait des militaires. A midi les maires des communes étaient dans la même ignorance.

Le 153e cantonne à Art-sur-Meurthe et le 160e à Laneuveville.

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 *  *

Après une journée de repos, dimanche, les manœuvres recommenceront par des évolutions de division et de brigade qui dureront jusqu'au 17, dans la région de Nomeny et de Pont-à-Mousson.

J. MORY.

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Quelques échos de la revue

A la tribune d'honneur, on remarquait M. Beauchet, maire de Nancy, accompagné de MM. Gérard, Ruttinger, François, Michaut et Chrétien, adjoints ; MM. Boutroue, chef de cabinet du préfet, et Bovier-Lapierre, secrétaire général ; M. Furby, procureur général ; M. Barabino, président du tribunal ; M. Antoine, maire de Laneuveville ; M. Muscard, maire de Lenoncourt ; M. le commandant Picot, président de la section vosgienne des Vétérans ; MM. Jean Grillon et comte de Ludre; députés ; Brisson, directeur des postes de Meurthe-et-Moselle ; M. Laffitte, directeur général de l'Exposition, etc., etc.

Nous rencontrons sur le terrain M. Pallez, un propriétaire d'Art-sur-Meurthe, qui a logé vendredi, dans sa ferme, la compagnie du génie :

— Aussitôt arrivés, ces braves militaires, nous dit-il, malgré la fatigue d'une journée de manœuvre, entreprirent d'approprier le terrain pour le défilé des troupes et pour la charge finale de cavalerie.»

Nous recueillons encore ce « tuyau » : Un officier anglais, M. le général de Béthune-Sully, qui avait suivi le général Pau aux manœuvres ne put assister à la revue.

Un télégramme l'a rappelé brusquement à Londres.

Fait à noter :

— Les deux officiers, nous dit un personnage bien informé, s'étaient rencontrés pour la première fois à Liverpool.un mois auparavant, lors d'un mariage où tous deux remplissaient les fonctions de témoins.

Le général anglais avait perdu à la guerre des Indes le bras droit. Les journaux d'outre-Manche ne manquèrent pas de faite remarquer ce qu'avait de curieux la rencontre des deux glorieux mutilé, qui, l'un et l'autre, avaient perdu le bras droit au service de leur patrie. »

Au moment où les troupes allaient défiler le général Pau s'est avancé à pied vers la tribune d'honneur ; il sera la main à M. Beauchet, à M. le comte de Ludre et à M. Bovier-Lapierre.

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 *  *

Un détail entre mille montre quelle affluence se pressait aux environs du terrain de la revue : le chef de gare de Laneuveville n'a pas reçu moins de douze mille tickets militaires — lesquels, on le sait, accordent aux soldats le droit d'entrer gratuitement à l'Exposition.

Au retour, la cohue de voitures, d'automobiles, charrettes de tout âge et de tout style, de cantines, d'ambulances, de fourgons, le passage des cavaliers formaient sur la route un indescriptible chaos.

Tous les genres de locomotion avaient été mobilisés. C'est au point qu'à Nancy une noce n'a pas pu trouver de voitures !

Des groupes déjeunaient sur l'herbe, hâtivement : repas improvisés où la belle humeur assaisonnait les plats !

La commune d'Art-sur-Meurthe fut littéralement envahie par les consommateurs, avides de trouver un restaurant, un café, un coin de table où ils apaiseraient leur soif et leur faim. Les commerçants ont fait le maximum !

Avant d'arriver au village, nous apercevons M. Roger Sommer, avec qui nous échangeons quelques paroles au vol :

— Parti de Jarville à neuf heures, nous dit-il, j'ai viré au-dessus de Mont-Repenti. La différence d'altitude entre l'aérodrome et le terrain de la revue gênait mes mouvements ; mais j'ai, triomphé de cette difficulté... Mon appareil s'est parfaitement tenu ! »

Et M. Sommer ajoute, non sans une pointe de fierté, car, dans sa sortie, il a traversé trois fois la Meurthe et franchi les bois sans incident : — C'est la première fois qu'un aéroplane apparaît dans une revue. » Dans les champs, le 153e et le 146e d'infanterie, derrière les faisceaux, préparent les feux pour le café de la grand'halte. Des « corvées » se détachent avec leurs seaux vers les fontaines d'Art-sur-Meurthe.

Le spectacle de cette cuisine en plein air intéresse vivement la foule.

Mais, l'on ne tarde pas à entendre, de tous côtés, les sonneries du rassemblement. On boucle en hâte les sacs et l'on regagne, qui ses casernes de Nancy, qui ses cantonnements, en chantant les plus joyeuses chansons de marche.

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La Retraite aux flambeaux

La grande journée militaire de samedi a été dignement clôturée par la retraite aux flambeaux annoncée et qui eut lieu a neuf heures, place Stanislas.

le rassemblement

Dès huit heures moins un quart, les musiques et fanfares se dirigeaient vers la caserne Thiry, où était fixé le rassemblement.

Des officiers et des adjudants, munis de falots, allaient et venaient dans la vaste cour, s'occupant à placer en ordre toute une masse composée non seulement de musiciens mais encore de nombreux soldats chargés du service d'ordre ou porteurs de torches.

Le spectacle était très curieux.

La caserne était pointillée de lumières. Des ordres, des appels, des falots qui s'allumaient soudain et lançaient de gros jets de flammes vives.

A huit heures et demie précises, le lieutenant-colonel Wirbel, major de la garnison, fit sonner le « garde à vous » par des clairons de chasseurs à pied et un imposant cortège se déroula à travers la vieille rue Sainte-Catherine — toute sombre — pour arriver dans, la clarté de la

Place Stanislas

Celle-ci brillait de mille feux.

Des- flammes de bengale faisaient ressortir la merveilleuse beauté des grilles de Jean Lamonr, se jouaient sur les frondaisons d'or du jardin de la Rotonde.

Et quelle foule ! On peut dire que tout Nancy était sortie hier soir

Les fenêtres étaient garnies de groupes compacts et les toits eux-mêmes étaient envahis.

Cependant le terre-plein de la place Stanislas était loin d'être complètement envahi. Cela tient à ce que le cordon de sentinelles qui l'entourait avait été établi d'assez bonne heure et que le public n'avait pas eu le temps de l'occuper complètement.

Tout autour de la place les cafés étaient pris d'assaut, de même rue Héré.

Le service d'ordre était assuré, de façon parfaite, par la place et la police municipale.

*

 *  *

Vingt-deux musiques et fanfares sont prêtes à jouer : fanfares de cavalerie et d'artillerie, hussards aux dolmans bleus mêlés aux dragons dont le casque est orné d'une crinière rouge, masse profonde des fantassins, alertes chasseurs à pied.

9 heures vont sonner à l'horloge de l'hôtel de ville lorsqu'un sourd roulement exécuté par les tambours des 11e et 39e divisions annonce la retraite.

Et le programme se déroule dans le rythme des marches guerrières, évocatrices de gloire. C'est Sambre-et-Meuse qui fait penser aux immortels soldats de la Révolution ; le Chant du départ, le Père la Victoire.

Puis vient, exécutée par les bataillons de chasseurs, cette Sidi-Brahim si allègrement française.

C'est encore la Marche lorraine, de Ganne, et le tout se termine par la Marseillaise et par un morceau qu'exécutent les fanfares de la 2e division de cavalerie.

La foule applaudit chaleureusement, surtout les chasseurs à pied.

Après la retraite, les musiques et fanfares ont fait le tour de la place. Bien entendu, les magnifiques spahis de l'Exposition ont obtenu leur habituel succès.

*

 *  *

Et la foule se retira lentement, escortant les musiques qui se dirigent vers l'Exposition. La soirée est très belle, soirée de septembre, où passent de vieux souvenirs guerriers, au cœur même de notre Lorraine.

*

 *  *

Le long des trottoirs, la foule gaie et bon enfant se range pour voir défiler les troupiers qui — malgré la fatigue de ces rudes manœuvres — ont une excellente allure de discipline et de vaillance.

Rue des Dominicains, un petit incident comique. Les passants acclament un superbe nègre. Coiffé d'un panama, portant un veston noir et un pantalon blanc, il fume un énorme cigare et porte à la boutonnière une grosse fleur violette.

Le nègre ne se fâche pas d'ailleurs, il répond par de bons mots et agite joyeusement un élégant parapluie.

Beaucoup d'animation en ville toute la soirée.

On était heureux de ce spectacle réconfortant vu dans un cadre d'une idéale splendeur.

L. P.

Les musiques à l'Exposition

C'est vers dix heures du soir que les musiques militaires arrivaient à l'Exposition toute pleine de lumière et de bruit.

La plupart des stands étaient gracieusement pavoisés. On admirait la décoration du kiosque où M. Aron avait tenu à justifier le renom du Planteur de Chiffa : les guirlandes de verres de couleur ornaient la terrasse ; le bal du village Alsacien s'animait aux danses des joyeux drilles et de leurs gaies compagnes.

Pendant qu'ils traversaient le parc Sainte-Marie, les soldats ont été l'objet de chaleureuses ovations, notamment les « p'tits vitriers ».

Une foule amusée se répondait parmi les attractions. Le concert tunisien obtenait son ordinaire succès ; le water-chute et le huit-volant procuraient quelques émotions aux amateurs de ces sports... aériens.

Jusqu'à l'heure où se fermèrent les portes et s'éteignirent les illuminations, la même allégresse ne cessa de régner — et l'on se promit de continuer le lendemain.

Ainsi se termina cette « journée du 20e corps », comme nous l'imprimions en commençant le journal.

Ce fut une belle journée pour nous. Il faut remercier le général Pau d'avoir groupé, dans le splendide décor de la place Stanislas, toutes les musiques de son commandement, qui forme en fait « l'armée de Nancy » comme on dit « l'armée de Paris ».

On n'oubliera ni le défilé des fanfares de la division de Lunéville, ni celui — si vif si enlevé — des fanfares des cinq bataillons de chasseurs, orgueil des agrestes villes de notre frontière.

Nos excellentes musiques d'infanterie (Toul et Nancy), fermaient ce cortège harmonieux, qui se prolongea jusque dans l'Exposition, à travers nos rues égayées et bruyantes.

Belle journée pour nous, citoyens de Nancy, mais rude pour la troupe, à laquelle — on ne saurait trop le répéter — la direction de l'Exposition serait « chic » d'accorder aujourd'hui l'entrée gratuite, ainsi que, d'ailleurs, on l'avait annoncé tout d'abord.

Puisque cette « Journée du corps » a pris place et a été comprise dans les « Attractions de l'Exposition », les soldats — sauf raison majeure, que nous ignorons — pourraient bien, ayant été à la peine, être quelque peu au plaisir — plaisir bien raisonnable, au surplus, que la promenade dans une Exposition !


BmN Kiosque lorrain

L'Est républicain du lundi 13 septembre 1909

Après la première phase des manœuvres du 20e corps

« Les manœuvres doivent être l'image fidèle de la guerre... »

Soit !

Comme, à la guerre, c'est l'imprévu qui arrive le plus souvent, les opérations du corps d'armée, pendant la première semaine des manœuvres en Meurthe-et-Moselle, ont donc souffert fréquemment de l'imprévu.

On déjeunait quand on avait le temps ; on se couchait au petit bonheur ; des officiers, privés de gîte, s'attablèrent à Saint-Nicolas dans un estaminet où ils attendirent en jouant aux cartes le moment de repartir dans l'imprévu; un commandant d'artillerie et un médecin-major partagèrent à Montigny la paille du cantonnement avec les artilleurs de Nancy.

Les municipalités, prises de court, envahies à l'improviste par le « campement» n'avaient pas le loisir d'informer le commerce local que des troupes consommeraient pain, viande, denrées alimentaires — et les approvisionnements manquèrent.

Imprévus aussi, les cantonnements. Des régiments entiers rebroussaient chemin, en pleine nuit, abandonnant les villages où ils avaient préparé la soupe — et c'était un triste cortège qui se déroulait à travers champs, avec les marmites, les « bouthéons » où le café refroidissait…

Vendredi, le 26e avait emprunté, aux habitants de Drouville, les chaudrons, voire les lessiveuses, pour la soupe. Tous les récipients furent emportés à Haraucourt, sur le coup de onze heures du soir, pas un soldat ne se souciant de jeter la viande et les légumes à moitié cuits.

La population de Haraucourt fut surprise en plein sommeil. La mairie jugea inutile d'allumer les réverbères, et le spectacle de toutes les compagnies errant dans les ténèbres, revêtait, à la clarté blême des lanternes, des formes fantomatiques.

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Imprévue, la longueur des étapes. Pendant deux jours entiers, les réservistes, mal entraînés, usèrent leurs godillots sur les routes détrempées par les averses, sous un ciel qui ouvrait toutes grandes ses écluses, depuis Domèvre jusqu'à Bayon, ne prenant pas même le temps, à Gerbévillcr, de goûter le repos nécessaire.

Les chasseurs résistèrent. S'il y eut chez eux des malingres, des malades, des éclopés, nous n'avons guère pu constater leur « abandon » ; mais, par contre, les soldats de la ligne — notamment ceux du 79e — « lâchèrent » en nombre inquiétant.

L'opinion des chefs et de leurs hommes sur les manœuvres est identique. Les félicitations adressées aujourd'hui même par le général Pau paient un légitime hommage aux efforts, à l'endurance, aux admirables vertus dont le commandant du 20e corps a pu mieux que nous encore apprécier l'inaltérable fermeté.

Mais nous sommes persuadé que le général Pau n'a pu se rendre un compte exact des épreuves auxquelles l'« Image fidèle de la guerre » exposait ses régiments et qu'il ignora la plupart des incidents dont nous avons été le témoin.

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On est loin évidemment des commodes manœuvres d'autrefois. Les cantonnements au petit jour ; le thème était publié quatre jours à l'avance ; le campement allait directement aux villages où les hommes seraient logés ou cantonnés ; la consommation des vivres de réserve, pain biscuité et boîtes de « singe », était indiquée à jour fixe, comme les programmes que tracent les agences Cook aux touristes pour une excursion en Suisse, un pèlerinage à Rome ou un voyage circulaire.

Nous ne demanderons point un retour au bon vieux temps, aux méthodes qui ne laissaient à l'imprévu qu'une place restreinte ; mais la réduction des périodes d'instruction militaire exige que l'on applique avec tempérament le système actuel.

A peine arrivés à la caserne, avant les marches d'entraînement, les séries réglementaires de tirs, les exercices sur le Champ-de-Mars, nos réservistes sont soumis aux fatigues de leurs camarades de l'active — et, dans ces conditions, il ne faut point que les rangs s'éclaircissent rapidement.

Puisque le temps manque pour les préparations rationnelles aux manœuvres, il s'agit de diminuer les redoutables conséquences d'un « imprévu » dont notre corps d'armée a profondément souffert pendant la dernière semaine.

... Nous repartons — demain, lundi — avec les brigades de Nancy, nous suivrons avec entrain les opérations militaires qui vont se dérouler entre Moncel et Pont-à-Mousson. — Il serait heureux qu'on pût enregistrer une amélioration dans un régime où les inconvénients sont, à notre humble avis, plus considérâtes que les avantages.

Achille LIÉGEOIS.

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La manœuvre de lundi

Nous croyons savoir que la manœuvre de lundi, pour la 11e division, se propose pour thème une marche sur Château-Salins.

La rencontre entre les 21e et 22e brigades aurait donc lieu dans les environs de la frontière.

Si nos renseignements sont exacts, le 26e d'infanterie cantonnerait à Sornéville, le 69e serait à Mazerulles ou à Moncel.

Le départ pour les troupes de la garnison aura lieu, à l'heure où paraîtront ces lignes.

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Ordre du jour du général Pau

Félicitations aux troupes

L'ordre du jour suivant a été adressé aux troupes du 20e corps :

Ordre du corps d'armée n° 20

« Officiers, sous-officiers, caporaux, brigadiers et soldats du 20e corps d'armée de l'armée active et de la réserve.

Profondément ému du magnifique spectacle d'entrain, de vigueur physique et morale, de discipline parfaite et d'instruction militaire que vous venez de donner pendant ces six journées de manœuvres dans notre pays Lorrain, je vous adresse l'expression de ma plus complète satisfaction et de ma gratitude.

Aux progrès réalisés déjà, il fallait pour les chefs comme pour les soldats, en ajouter d'autres ; il fallait pousser plus loin encore notre préparation, et dans ce but nous rapprocher davantage des conditions de la guerre.

C'était un surcroît de difficultés et de fatigue, que vous avez su supporter, parce que nécessaires.

Qu'il reste fier de lui, le 20e corps d'armée! Fier de ses efforts, de sa valeur militaire, des traditions qu'il garde, de l'exemple qu'il donne, et de la confiance qu'il inspire!

Le général en chef,

Signé : PAU. »



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