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L'Est républicain du vendredi 28 avril 1911

Mort subite du général Houdaille

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C'est avec un vif regret et une douloureuse émotion que les Nancéiens apprendront la mort subite du général de division Houdaille, commandant la 11e division, décédé subitement en son hôtel, jeudi, à cinq heure et demie du soir.

Le général Houdaille aurait pris froid, dans la soirée de mercredi, et une catastrophe imprévue a mis fin aux jours de cet officier général qui paraissait encore si plein de vie.

Le général Houdaille aurait été frappé d'une attaque sur la route de Champigneulles et il n'a pas tardé à y succomber.

Le général Albert-Pierre Houdaille était né à Rochefort, le 7 septembre 1848.

Entré à Saint-Cyr à 19 ans, en 1887, il était sous-lieutenant en 1869, lieutenant en 72 capitaine en 1875, chef de bataillon en 1887, lieutenant-colonel en 94, colonel en 1898, général de brigade en 1902.

En cette qualité, il commanda avec distinction la 29e brigade d'infanterie (15e division, 8ecorps) à Mâcon.

Le général de brigade Houdaille était à la tête d'une division d'infanterie coloniale, lorsqu'il fut nommé au commandement par intérim de la division d'infanterie de Nancy. Il fut titularisé quelques mois plus tard.

Le général Houdaille succédait au général Pistor, nommé au commandement de la division d'occupation de Tunisie.

De taille moyenne, les cheveux en brosse, une courte moustache barrant le visage martial, le défunt avait une allure très énergique et toute juvénile.

Il était de la promotion des Pau et des Gœtschy.

Mardi dernier encore il présentait à ce dernier sa belle division d'avant-garde sur le Plateau de Malzéville.

Le général Houdaille paraissait en excellente santé.

Nous le voyons encore, rentrant à Nancy, la croix de commandeur au cou, monté sur un superbe et fringant cheval d'armes, ayant derrière lui un brillant essaim de jeunes officiers d'état-major.

Le général Houdaille laisse une veuve et deux fils. Mme la générale Houdaille, souffrante depuis un an déjà, avait vu sa santé s'améliorer. Aussi, samedi prochain, devait-il y avoir une grande soirée à l'hôtel de la division.

Des deux fils du général, l'un est élève, à l'École spéciale militaire, l'autre est étudiant en droit.

Tous les Nancéiens — pour qui les deuils de l'armée deviennent volontiers des deuils personnels — s'inclineront avec respect devant cette tombe si prématurément ouverte pour un des meilleurs et des plus loyaux serviteurs du pays.

Léon PIREYRE.

A l'hôtel de la division

Des qu'elle y fut connue, la fin si brusque du général Houdaille a provoqué dans tous les milieux une profonde consternation.

Au cercle militaire, ce fut une «stupeur. Personne ne pouvait se faire à l'idée que le chef de la 11e division, dont on avait, deux jours auparavant, admiré la fière tenue à la tête de ses troupes, pendant lia revue en l'honneur de la mission japonaise; venait d'être en quelques instants emporté par un mal mystérieux.

Jeudi matin, le, général Houdaille était, comme d'habitude, monté à cheval vers neuf heures du matin. Il avait fait une assez longue promenade. Les officiers, qu'il avait rencontrés sur-la route, s'accordent à dire qu'il semblait alerte et dispos.

Aux environs de Champigneulles, le chef de la 11e division interrompit sa promenade. Il éprouva une sorte de lassitude, accompagnée de fièvre ; il décida de regagner Nancy par le tramway et, en arrivant à son domicile, il s'alita pour ne plus se relever.

Mme la générale Houdaille manda aussitôt au chevet du malade M. le médecin principal Boppe.

L'inquiétude s'empara de sa famille, de son entourage. Quelques rares intimes furent admis à lui rendre visite. Bientôt, les progrès du mal, rapides, inexorables, ne laissèrent plus d'espoir. Une issue fatale devait enlever à l'affection, au dévouement de ceux qui le chérissaient avec tant d'affection le soldat si vaillant, dont la santé, l'entrain, la vigueur et la belle humeur semblaient d'abord écarter toute inquiétude.

A cinq heures et demie, en pleine possession, de toutes ses facultés, le général Houdaille rendait le dernier soupir :

— Il est mort avec sérénité, nous a dit un des témoins de sa fin.

La douleur, le deuil emplirent alors l'hôtel de la division. Ce fut un morne et triste défilé d'amis, de camarades, d'officiers, également atterrés par la funeste nouvelle.

A chaque instant, un visiteur nouveau se présentait. M. le général Gœtschy accourut un des premiers ; puis ce fut le général Balfourier.

Le commandant en chef du 20e corps et le commandant de la 21e brigade exprimèrent à la générale Houdaille leurs compliments attristés de condoléances et se retirèrent après une courte visite.

Le défunt reposait sur son lit. La mort n'avait point altéré la noblesse du visage. Ce fut son ordonnance qui lui ferma les yeux. Une religieuse vint aider à la toilette funèbre. Des cierges furent allumés dans la chambre dont le silence n'était troublé que par le pieux chuchotement des prières et les sanglots d'une famille en proie à une indicible douleur.

Dans la soirée, Mme la générale Houdaille renonçait à admettre auprès d'elle les personnalités qui lui apportaient, dans cette pénible circonstance, l'hommage ému de leur sympathie et de leurs regrets.

Nous avons noté, sur le registre où s'inscrivirent les noms des visiteurs, ceux de MM. Adolphe Bonnet, préfet de Meurthe-et-Moselle, M. le général et Mme Aubier, M. le maire de Nancy et ses adjoints, les colonels Varlet, Gérôme, Grossetti, Duplessis, Taufflieb, Després, commandant les régiments d'infanterie, de cavalerie et d'artillerie de la garnison, de Nancy ; lieutenant-colonel Guillemot, lieutenant-colonel Lormeau, major de la garnison, MM. les officiers d'état-major, M. George, président du tribunal de commerce, les magistrats, les membres des corps élus, les hautes personnalités du monde politique, judiciaire, académique et militaire de Nancy.

Dans l'immense vestibule de l'hôtel, où deux corbeilles s'emplissaient de cartes déposées par les arrivants, l'ordonnance du général Houdaille répondait à voix basse aux questions, opposait son inflexible consigne à la respectueuse insistance des visiteurs.

... Et, dehors, sous la pluie battante, dans les ténèbres où soufflaient des rafales, ce fut, jusqu'à une heure avancée de la nuit, un interminable et morne pèlerinage de fiacres, d'automobiles qui amenaient, sur la place Carrière, au seuil de la maison mortuaire, le cortège des amis qu'à péniblement éprouvés l'implacable cruauté du Destin.

Achille LIÉGEOIS.


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L'Est républicain du samedi 29 avril 1911

La mort du général Houdaille

L'Est républicain du samedi 29 avril 1911

La mort du général Houdaille

Portrait du général Houdaille

Avant les obsèques

Pendant une partie de la matinée de vendredi. M. le général Balfourier, commandant la 21e brigade, et M. le lieutenant-colonel Lormeau, du 26e de ligne, major de la garnison, se sont longuement entretenus dans les bureaux de la Place au sujet des obsèques.

En raison de certaines convenances, la journée du dimanche fut d'abord envisagée ; on s'arrêta un moment à la matinée de lundi, mais la date du 1ermai, qui motive le maintien d'une partie de la garnison dans ses casernes, fit qu'en dernier lieu on choisit la matinée de samedi prochain.

Le cortège se formera à neuf heures devant le quartier général, 8, place de la Carrière.

Un service religieux sera célébré à l'église Saint-Epvre pour le repos de l'âme du défunt.

Les troupes rendront les honneurs militaires. Une musique jouera des marches funèbres. Le nouveau règlement sur le service intérieur des places stipule que les honneurs seront rendus aux généraux de division par la moitié des troupes de la garnison, à la condition que celle-ci ne dépassent pas le maximum d'une division.

Tel est le cas pour Nancy. C'est donc une brigade d'infanterie, avec artillerie et cavalerie qui accompagnera samedi matin la dépouille mortelle du général Houdaille.

A l'issue de la cérémonie religieuse, le cortège se dirigera sur la gare, où un fourgon des pompes funèbres est spécialement réservé pour le transport du corps à Saint-Étienne (Loire), où aura lieu l'inhumation.

On ignore les dispositions testamentaires du défunt, s'il a exprimé le désir que ni fleurs ni couronnes ne soient offertes et qu'aucun discours ne soit prononcé sur sa tombe.

La municipalité a déjà prescrit les mesures du service d'ordre ; la compagnie ; de tramways a été également avisée de l'itinéraire qu'emprunteront les obsèques, afin de modifier, s'il y avait lieu, le mouvement de ses voitures.

Le cortège se rendra à la gare, dont la cour sera complètement évacuée par les fiacres et les taxi-autos ordinairement en station, par la rue d'Amerval, la rue Stanislas, la place Dombasle, la rue Gambetta et la place Thiers, sauf modifications ultérieures.

Dans la soirée de vendredi, le drapeau du quartier général a été hissé et mis en berne.

Le deuil de rigueur a été prescrit aux officiers de la garnison qui, pendant trente jours, porteront à leur épée un nœud de crêpe.

Les condoléances

Les visites se sont succédé sans interruption à l'hôtel de la division.

Mme la générale Houdaille n'a autorisé que de rares intimes à pénétrer auprès d'elle. Un planton se tenait dans le vestibule de l'hôtel et présentait aux amis de la famille le registre dont les pages ont été rapidement couvertes de signatures.

Nous avons eu l'occasion de recueillir sur les derniers moments du général Houdaille quelques renseignements :

— Jeudi matin, le chef de la division, nous dit un capitaine, avait fait seller de bonne heure son cheval. Il choisit, Champigneulles comme but de sa promenade quotidienne. Quelque temps qu'il fît, le général Houdaille sortait toujours sans manteau. En vain, ses proches lui reprochaient ses imprudences : très dur pour ses hommes, il n'usait envers lui-même d'aucun ménagement et les conseils, les objurgations se brisaient sur sa volonté de fer. Il galopa dans les bois de Haye ; il y rencontra une compagnie d'infanterie qui manœuvrait aux abords de la Belle-Fontaine ; il s'informa auprès du capitaine et, satisfait, il s'éloigna, en proie à un étrange malaise.

Il confia sa monture à l'ordonnance qui le suivait :

— Je rentrerai chez moi par le tramway, dit-il.

La matinée de jeudi était plutôt fraîche. Un orage avait assailli le général, au cours de sa promenade. Son dolman était trempé d'eau. Pour se sécher un peu, l'officier entra dans un café pour attendre le passage du prochain, tramway :

— Je ne me sens pas très bien, dit-il... J'éprouve au creux de l'estomac une vive brûlure... J'ai des frissons...

Les voyageurs qui prirent place à ses côtés dans le car, observèrent qu'à son retour à Nancy le général Houdaille avait « mauvaise mine ».

M. le médecin principal Boppe fut mandé en toute hâte ; mais les efforts, les ressources de la science échouèrent, hélas ! devant les progrès rapides du mal qui, en moins d'une demi-journée, terrassait cette nature si pleine d'énergie et d'activité.

— « Son imprudence lui a été fatale... conclut notre interlocuteur.

La famille

Un des fils du défunt est Saint-Cyrien. Un télégramme fut envoyé vers six heures du soir au général directeur de l'École, afin de prévenir avec tous les ménagements possibles le jeune homme atteint par la catastrophe dans ses plus chères affections.

D'autres dépêches, lancées dans toutes les villes où le général avait des parents, répandirent la funeste nouvelle, tandis que, de son côté, M. le colonel Dantan, chef d'état-major du 20e corps, informait le ministère de la guerre.

Un des neveux du général, M. Garin, occupe une haute fonction à Lunéville, dans la succursale de la Société Générale.:

— Je me trouvais précisément avec lui hier au soir, nous a déclaré un de ses amis... Il ignorait encore le triste événement.

Dans la matinée de jeudi, les deux fils du général Houdaille et de nombreux parents étaient réunis autour du chevet funéraire, dans la chambre transformée en chapelle ardente.

Son entourage évoquait la carrière de ce brave soldat si brusquement enlevé.

— Les traits de courage et de générosité abondent. Plusieurs anecdotes révéleraient que sous sa fermeté si dure en apparence, vibraient les élans d'une bienveillance, d'une pitié sincères.

On citait des exemples :

— Aux manœuvres, il s'attablait toujours le dernier, pendant le repas des grandes haltes... C'était un vrai chef... Il voulait s'assurer, préalablement, que ses officiers, ses troupes ne manquaient de rien ; il veillait à la stricte exécution de ses ordres, de ses recommandations ; il songeait à son propre bien-être seulement après avoir acquis la certitude que les autres jouissaient des mêmes satisfactions...

Tandis que s'échangent à voix basse les confidences, on distingue un bout de carton oublié sur un meuble où la négligence des domestiques l'abandonna comme une épave dans le désarroi de quelque épouvantable naufrage : c'est l'invitation de Mme la générale Houdaille à des amis pour fêter le terme heureux de sa convalescence.

On lit sur le bout de carton une date :

« samedi 29 avril, 3 heures après-midi », avec deux mots d'une poignante ironie : « bridge et tour de valse ».

La Mort a déchiré le programme et, d'une heure de danse et de joie elle a fait une heure de désespoir, de deuil inconsolable, d'angoisse et de larmes...

Ludovic CHAYE.

Le commandement de la 11e division

En raison de la mort de M. le général de division Houdaille, M. le général de brigade Balfourier, commandant la 22e brigade d'infanterie, a pris provisoirement le commandement de la 11e division.

Les grands enterrements militaires à Nancy

... Nous croyons qu'il n'est pas mort, à Nancy, de général de division en activité de service depuis le général Antoine-Dominique Abbatucci, qui appartenait à une illustre famille corse.

Le général Abbatucci, commandant la 11e division, mourut, en 1878, au palais du gouvernement. Il avait 60 ans, étant né en 1818,

Ses obsèques — quoique la garnison n'égalât pas celle d'aujourd'hui — furent très solennelles.

Elles furent présidées, à Saint-Epvre, par l'évêque, depuis cardinal Foulon.

Les Nancéiens n'ont pas oublié non plus l'enterrement du général Hugot, commandant la 22e brigade. Il succomba pendant que celle-ci était aux grandes manœuvres.

On fit revenir aussitôt les 37e et 79equi, en tenue de campagne, rendirent à leur chef les suprêmes honneurs.

Parmi les officiers généraux du cadre de réserve, dont les pompes militaires accompagnèrent le cercueil, signalons le général Hanrion, ancien commandant la 11e division, ancien commandant de corps d'armée.

Fils d'un modeste maître tailleur, il avait accédé rapidement aux plus hauts degrés de la hiérarchie. Il était entouré à Nancy de la sympathie générale.

Rappelons également les obsèques du général Dubouays de la Bégassière, décédé, en son hôtel de la rue de la Ravinelle, quelques mois après son passage au cadre de réserve.

Les honneurs militaires lui furent rendus par tout le 37e que commandait le colonel de Castelnau et des détachements des divers corps de la garnison.

*

*  *

En outre, il serait trop long d'énumérer tous les généraux servant dans diverses régions de la France et des colonies qui ont tenu à dormir leur dernier sommeil dans nos nécropoles.

C'est ainsi qu'à Préville repose le général Massiet, mort divisionnaire de cavalerie, et, au Sud, le général Maggiolo, mort commandant l'artillerie en Algérie.

*

*  *

Les obsèques d'un général sont un spectacle émouvant et imposant, au possible, dans une grande ville frontière comme Nancy.

Les musiques militaires jouent la marche funèbre de Chopin, si navrante dans sa lenteur, les tambours battent, les drapeaux s'inclinent. C'est le deuil de toute une armée.

Et puis, les troupes défilent une dernière fois devant la bière de celui qui les a commandées. Ce ne sont plus alors des airs funèbres, mais des marches victorieuses, symbolisant la foi donnée en l'avenir par l'exemple même des morts. — L. P.

Note de la mairie

Le maire de Nancy informe ses concitoyens que la circulation des voitures sera interrompue sur la partie centrale de la place Thiers, le samedi 29 avril, de 10 heures 1/4 à 11 heures du matin, pour permettre aux troupes qui accompagnent le corps du général Houdaille de rendre les derniers honneurs.

Les voitures de service à la gare emprunteront les rues Piroux et Crampel pendant la durée de la cérémonie.

Marche du cortège

Itinéraire : Rues Lafayette, de la Monnaie, place Carnot, rue Guerrier-de-Dumast, rues Stanislas, Piron, Mazagran.

Rentrée des troupes dans leurs casernes par le chemin de la Petite vitesse et la rue de Mon-Désert.

Ordre de marche : 1er escadron de hussards, 26e d'infanterie, deux bataillons, d'infanterie : 3e bataillon formant la haie ; 37e d'infanterie, 8e d'artillerie, 1er escadron du 5e hussards.


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L'Est républicain du dimanche 30 avril 1911

Les obsèques du général Houdaille

Obsèques du général Houdaille. — Le cortège

Les obsèques du général Houdaille. — Le cortège

Les obsèques du général Houdaille ont été célébrées, comme il avait été annoncé, samedi, à 9 heures du matin.

Dès huit heures et demie, sous un ciel morne, tout chargé do pluie, les troupes qui devaient figurer dans cette suprême revue avaient pris place sur la Carrière.

Près de l'Arc-de-Triomphe, se trouvaient deux batteries du 8e, puis sur de terre-plein de la place, sous les arbres, magnifiques dans leur verdure tendre, s'alignait la masse profonde des fantassins.

Des hussards se tenaient devant le Palais du Gouvernement.

La foule était relativement peu considérable ; elle était facilement contenue par un paternel service de police.

Cependant de nombreux officiers arrivent, pénètrent sous le porche de l'hôtel de la division orné de draperies noires, aux initiales du défunt, et vont présenter leurs condoléances à la famille.

Mais le ciel s'obscurcit de plus en plus.

A neuf heures, il tombe une formidable averse que Les soldats reçoivent avec leur stoïcisme habituel.

L'eau dégouline le long des tuniques, perle au bout des baïonnettes.

Peu après, arrive le clergé de Saint-Epvre et on procède à

La levée du corps

L'instant est émouvant au possible. Lorsque le cercueil qui contient la dépouille mortelle du général Houdaille apparaît, le commandement : « Armes sur l'épaule droite » retentit.

Les clairons et tambours « rappellent », puis les accents de la Marseillaise s'envoient dans leur superbe ardeur.

Le cortège

Le cortège se met en marche vers l'église Saint-Epvre, En tête, un escadron de hussards, puis Ja musique du 26e, derrière laquelle marche le général Balfourier, commandant les troupes, deux bataillons du 26e le troisième formant la haie.

Le corbillard, de première classe, est orné de drapeaux tricolores.

Il était suivi du cheval d'armes du défunt, caparaçonné de noir et conduit par son ordonnance.

Les cordons du poêle sont tenus par M. Kingsbourg, vice-président du conseil de préfecture ; M. Michaut, premier adjoint au maire ; M. Adam, recteur ; le général Defforges, commandant la 39e division d'infanterie à Toul ; le général de Mas-Latrie, commandant la 2e division de cavalerie à LunévilLe, et l'intendant militaire Défait, directeur des services «administratifs du 20e corps.

Le deuil est conduit par les fils du défunt et d'autres membres de la famille.

Derrière, viennent M. le préfet de Meurthe-et-Moselle ; le général Gœtschy, commandant le 20e corps ; M. George, premier président ; M. Furby, procureur général.

Reconnu dans l'assistance, les généraux Langlois et Mathis, anciens membres du conseil supérieur de la guerre ; Espinasse, Franchet d'Espérey, Bajolie, Gandin, Aubier, Cherfils, Joly, de Saint-Haouen, etc.,etc.

Tous les officiers de la garnison non retenus par le service assistaient aux obsèques, ainsi que des délégations des garnisons voisines.

Le cortège était fermé par le 37e d'artillerie et un escadron de hussards.

A l'église

Au milieu d'une accalmie, il a gagné la basilique Saint-Epvre.

Autour du catafalque, se rangèrent, garde d'honneur, les drapeaux des sociétés militaires de Nancy.

La messe fut dite par le chanoine Briot, curé de la paroisse, et l'absoute donnée par un vicaire.

L'église était toute tendue de draperies funèbres.

Sur la place Thiers

A dix heures un quart, le service était terminé et le cortège se mettait en route pour la gare où il arrivait à 10 h. 35.

Devant la statue du Libérateur du Territoire, deux chevalets sont posés. On y place un instant le lourd cercueil de chêne couvert de la tunique, des épaulettes et de l'épée du défunt.

Au loin, les musiques du 26e et du 37e de ligne jouent alternativement des airs funèbres.

La minute est solennelle. Au pas lent de son attelage, le corbillard traverse l'immense espace qu'ont dégagé les services d'ordre confiés par M. Flury, commissaire central, aux commissaires et aux brigadiers de police.

La foule, est énorme. Elle est maintenue par des barrages du 69e de ligne, l'arme sur l'épaule. Les drapeaux des sociétés de vétérans se rangent, les personnalités font la haie.

M. le général Gœtschy s'avance devant le cercueil que l'on vient de déposer et, d'une voix où vibre une sincère et profonde émotion il adresse en ces termes un suprême adieu à celui dont il fut moins le chef que le fidèle compagnon d'armes :

Discours du général Gœtschy

Le chef du vingtième corps d'armée remercie les haute» personnalités civiles et militaires d'être venues en si grand nombre affirmer la sympathie qui unit la population de Nancy et la garnison.

Il parlera en ancien ami du défunt, dit-il, pour rendre hommage à son caractère et pour retracer les étapes de sa brillante carrière

— Il a quitté Saint-Cyr au seuil de l'Année Terrible. Il s'est jeté dans Metz. Puis, après les tristesses de la captivité, il est entré à l'École de guerre, animé par le patriotique désir de préparer les glorieuses revanches.

L'activité du général Houdaille n'a cessé de s'exercer dans tous les domaines qui s'ouvraient devant elle. Au Tonkin, il a pris part aux expéditions sur le haut Fleuve Rouge :

— Aussi bien dans les services d'état-major qu'à la tète des troupes qu'il a commandées, il donna toujours l'exemple...

Nous avons, pour ainsi dire vécu côte à côte, ajoute le général Gœtschy; Quand la confiance du président de la République m'a appelé au poste que j'ai l'honneur d'occuper, mon premier soin a été d'aller serrer la main de mon vieil ami Houdaille et de lui demander la continuation d'une collaboration qui m'avait été si utile quand, lui à Nancy et moi à Toul, nous commandions précédemment les deux divisions sœurs.

Le général en chef retrace ensuite les derniers moments du défunt, tels que nous les avons relatés :

— Et maintenant, il est là !... dit-il en désignant d'un geste douloureux le cercueil autour duquel sont groupés les officiers d'état-major aux plumets d'écarlate et les d'eux religieuses en cornettes blanches.

— Que nos larmes, nos sanglots tombent en rosée bienfaisante sur la pauvre femme écrasée en plein bonheur sous le poids affreux de son deuil !

Puis, se tournant vers les deux fils du général Houdaille, il les adjure de suivre le noble exemple qu'il leur a montré :

— Ayez toujours devant les yeux la précieuse image de celui dont la vie a été toute de droiture, de dignité, de travail et de sacrifice !

Les troupes défilent...

Il est 11 heures 20. Les troupes vont défiler ; elles sont échelonnées, en masse compacte, au long de la rue Stanislas. Le soleil se joue sur la forêt hérissée des baïonnettes. Par intervalles, un ordre retentit.

Bientôt, les régiments s'ébranlent et, par la courte rue Piroux, ils débouchent, l'un après l'autre, musique en tête.

Le 26e de ligne ouvre la marche ; il défile en colonnes de compagnies ; puis le 37e rend à son tour les honneurs, suivi de près par les pièces bien alignées du 8e d'artillerie et par un détachement du 5e hussards.

La cérémonie dure environ dix minutes.

Le cortège se reforme et se rend dans la cour des messageries de la gare, faubourg Saint-Jean, où M. Nérot, inspecteur principal de la Compagnie de l'Est, a pris les dispositions nécessaires.

La dépouille mortelle du général Houdaille est déposée dans le fourgon spécial n° 6872, qui le transportera à Perreux, où aura lieu l'inhumation.

La branche de buis bénit passe des mains des fils du défunt aux doigts de tous les assistants. Les compliments de condoléances sont exprimés à Mme la générale Houdaille et bientôt la foule se disperse, en proie à une profonde émotion.


BmN Kiosque lorrain

L'Est républicain du lundi 1er mai 1911

Tribune publique

Ni fleurs, ni couronnes

Monsieur le directeur.

Je vois à propos de l'enterrement de M. le général Houdaille, l'avis « Ni fleurs, ni couronnes ».

Si des personnes de cette importance adoptent ce parti, en vertu de l'inévitable égoïsme humain, la majorité suivra. Il en résultera un dommage pour le commerce et la misère pour une catégorie d'ouvriers.

Je ne suis pourtant pas directement en jeu, puisque je suis mécanicien. Mais le commerce en souffre, mon patron risque lui aussi de travailler un peu moins et finalement j'en subi aussi le contre-coup.

Les fleurs sont pourtant une des rares belles choses de l'existence et si j'étais riche, j'en voudrais des monceaux à mon enterrement, comme ces anciens Égyptiens qui nous égalent bien et qui se faisaient enterrer avec ce qui avait charmé leur existence.

Et puis cela fait vivre les ouvriers.

Veuillez agréer, monsieur le directeur, mes salutations empressées.

Un de vos lecteurs, ouvrier.

P. S. — Entendant tout le monde critiquer cet abandon de l'ancienne coutume, qui était la bonne, j'ai cru bon de vous en faire part.



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