BmN Kiosque lorrain

L'Est républicain du samedi 29 octobre 1904

Le Salon des arts décoratifs de Nancy

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Impression d'ensemble

Tous ceux qui s'intéressent — et ils sont légion — à la belle renommée artistique de la Lorraine saluent avec plaisir, avec joie, l'ouverture de cette exposition d'art décoratif de Nancy, dans laquelle une pléiade d'artistes, nos compatriotes, affirme sa vitalité de plus en plus grande, son incessant labeur, ses progrès constants.

Depuis plusieurs années déjà, on parlait d'une exposition à Nancy, qui fut spéciale à l'art décoratif.

Cet art décoratif bien lorrain semblait relégué à une place qui n'était pas la sienne dans les salons annuels de la Société lorraine des Amis des arts.

Le distingué vice-président de cette société, M. E. Bour, le comprit l'un des premiers, et il n'eut de cesse, aidé d'artistes éminents et de quelques personnes dévouées, de mener à bien le projet de l'exposition d'art décoratif, ouverte aujourd'hui samedi et à laquelle, en l'inaugurant, M. le directeur des beaux-arts donne la consôécration officielle.

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Ils ont été à la peine, ils sont maintenant à l'honneur, tous les artistes qui, pendant de longs mois, ont tant travaillé pour l'exposition.

L'œuvre de leurs doigts diligents, de leur cerveau fertile, apparaît maintenant en sa pleine beauté, en son harmonieux ensemble.

La première galerie de la salle Poirel a été transformée en une véritable merveille.Le staff s'est prêté aux savants modelages, aux capricieuses fantaisies de l'art nouveau. M. Vallin a donné les plans de cette galerie, M. Mienville en fut l'architecte, il eut comme précieux collaborateurs deux jeunes sculpteurs de grand talent et de beaucoup d'avenir, MM. Surmély et Burtin, élèves de Bussière.

M. Vautrin, sculpteur de la maison Cayotte, a aussi exécuté plusieurs des ornements de cette galerie.

Ornée d'une admirable cheminée de Vallin avec un encadrement aux teintes subtiles dû au peintre Ramel, elle contient de grands panneaux décoratifs de nos artistes.

Voici, de Barotte, un sujet largement traité dans cet amour profond de la nature ce qui donne tant de puissance au talent de ce sincère artiste.

Plus loin, une grande composition de Prouvé où est exaltée magnifiquement la joie de vivre, une joie saine, robuste d'avoir des yeux et de voir, de vibrer à toutes les émotions, à toutes les douleurs comme à tous les plaisirs.

M. Peccalle, de Saint-Dié, M. Colle, de Baccarat, MM. Maclot et Martiguon présentent, également dans cette galerie, des panneaux décoratifs de valeur.

Au fond de la galerie, le salon de Prouvé destiné à la préfecture et figurant la Réunion de la Lorraine à la France.

Dans la galerie centrale exposent les maisons nancéiennes célèbres« : Gallé, Daum, Majorelle, Vallin et d'autres qui, sans les égaler, ont acquis déjà une enviable notoriété.

Au milieu de la galerie a été placé, par un pieux sentiment, le portrait du fondateur de l'École de Nancy, Émile Gallé, par V. Prouvé.

…Dans une première visite, nous ne pouvons livrer, bien entendu, qu'une impression d'ensemble sur cette exposition si remarquable.

Nous nous proposons de la parcourir en détail. Nous lâcherons de dégager les nouvelles formules, les idées, directrices de nos artistes qui donnent un si vif éclat au renom de notre petite patrie. — L. P.

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C'est aujourd'hui, samedi, à 2 heures, qu'est inaugurée solennellement l'Exposition d'art décoratif, dans la salle Poirel.

A cette cérémonie, M. H. Marcel, directeur des beaux-arts, prendra la parole, et l'orchestre du Conservatoire exécutera, sous la direction de M. Guy Ropartz, le programme suivant« :

Ouverture des Maîtres Chanteurs (R. Wagner). — 2° Morceau symphonique de Rédemption (C. Franck). — 3° La Cloche des Morts (J.-Guy Ropartz). — 4° Ouverture d'Egmont (L. Van Beethoven).

Les membres des Sociétés des Amis des arts et de l'École de Nancy ont pu retenir des places sur présentation de leur carte le public sera admis à 1 h. 1/2. Il n'est pas douteux que les Nancéiens se rendent en foule à cette fête de l'art lorrain.

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Le comité informe les personnes qui n'auraient pu retenir leurs places pour la conférence Roger Marx sur Émile Gallé les jours de location, que les places non louées seront mises à leur disposition à l'ouverture de la conférence.

L'entrée sera ouverte au public à partir de 4 heures.


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L'Est républicain du dimanche 30 octobre 1904

L'exposition d'art décoratif

M. Marcel, directeur général des Beaux-Arts, accompagné de M. Roger Marx, inspecteur général des musées, est arrivé à Nancy, comme nous l'avons annoncé, dans la nuit dé vendredi à samedi et est descendu à la préfecture.

MM. Marcel et Roger Marx, accompagnés de M. le préfet, visitaient, à dix heures du matin, les ateliers. Émile Galié et, à onze heures, arrivaient à l'hôtel de ville. Au seuil du musée municipal, M. le maire, accompagné de MM. Mercier, adjoint, Larcher, directeur de l'École des beaux-arts, et des membres de la commission du musée a reçu les visiteurs et leur a souhaité la bienvenue.

M. Marcel a répondu qu'il était très heureux de venir à Nancy, où il était déjà venu, du reste, pendant les vacances Puis a commencé la visite du musée, au cours de laquelle M. le directeur des beaux-arts a engagé la municipalité à y faire de la place en enlevant les tableaux n'ayant pas grande valeur, promettant de les remplacer par des tableaux de l'État.

M. le maire a pris acte de cette promesse. Au sortir du musée de peinture, les visiteurs se sont rendus au Musée lorrain qu'ils ont visité très rapidement et de là ont gagné la préfecture où ils ont déjeuné.

Nous apprenons avec plaisir qu'à l'issue de la visite du musée municipal, M. Marcel a remis à M. Bour, vice-président de la commission du musée, la rosette d'officier de l'instruction publique.

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L'inauguration du Salon d'art décoratif a eu lieu samedi comme nous l'avions annoncé. Elle fut précédée d'une audition donnée salle Poirel par l'orchestre du Conservatoire. Un peu après deux heures, M. Marcel, directeur des beaux-arts, entouré des membres du comité de la société lorraine des Amis des arts, fait son entrée dans la loge municipale. L'orchestre joue la Marseillaise. Puis le concert commence. Il se compose de l'ouverture des Maîtres Chanteurs, du morceau symphonique de Rédemption, de Franck ; de la Cloche des Morts, de M. Ropartz ; enfin, de l'ouverture d'Egmont, de Beethoven. Programme et exécution excellents. L'audition terminée, le public envahit les galeries Poirel. Notre collaborateur artistique dira les splendeurs de l'exposition, le merveilleux coup d'œil de l'entrée, la grâce infinie des détails, l'harmonie majestueuse de l'ensemble. Le reporter doit se borner à enregistrer les exclamations admiratives qui échappèrent à toutes les bouches devant les galeries Poirel transformées, méconnaissables. Le directeur des beaux-arts s'arrête au seuil de la galerie du fond. Là, M. Aubin, président de la société lorraine des Amis des arts, prononce un court discours, de forme et de fonds excellents. M. Marcel répond. Son discours est une belle page littéraire. Il y caractérise le rôle, l'originalité, le but, de l'École de Nancy. Il affirme Nancy décentralisatrice. Sa peinture de l'art nouveau puisant toutes ses inspirations dans la nature est d'une jolie et captivante poésie. L'hommage qu'il rend à notre Lorraine est juste, vrai, sans apparence d'exagérations oratoires.

Après ce discours, très applaudi, le public, se répand dans les galeries. L'exposition est ouverte.

Le banquet

Le banquet offert à M. Marcel, directeur général des beaux-arts, a été donné, selon le programme prévu, samedi, à 7 heures du soir, dans les salons Walter, place Stanislas. 110 convives environ. M. Marcel président.

Nous avons noté à sa droite MM. Beauchet, maire de Nancy; de Ludre, député; Maringer, ancien maire de Nancy« ; Daum, industriel d'art ; Mercier, Déglin, adjoints au Maire.

A la gauche de M. Marcel avaient pris place MM. Aubin, président de la Société des amis des arts; M. le préfet ; M. Roger Marx, inspecteur général des musées ; M. le recteur; M. l'adjoint Michaut ; M.Vallin, Industriel d'art ; MM. les adjoints Gérard et Ruttinger.

Remarqué également dans la brillante assistance les peintres Friant et Prouvé ; MM. Majorel, Bour, vice-présidents de la Société lorraine des amis des arts; Henri Mengin ; Quintard, président de la Société d'archéologie lorraine; Martin, doyen de la Faculté des lettres: Camille Mathis; Larcher, directeur de l'École des beaux-arts ; Bourgon, architecte départemental ; nos confrères Goulière-Vernolle, Thiolère, secrétaire général de l'Association de la presse de l'Est.

Bien entendu, de nombreux exposants et autres artistes de la région lorraine participaient également à ces agapes qui furent excellemment servies selon les traditions bien connues de la maison Walter.

Au dessert, deux seuls toasts, ainsi qu'il avait été annoncé.

M. Aubin, président de la société des Amis des arts, remercia chaleureusement de nouveau M. le directeur des beaux-arts et le pria de transmettre à M. le ministre de l'instruction publique une expression de la reconnaissance pour les récompenses qu'il a bien voulu décerner en ce jour à des artistes de l'école de Nancy. (M. Galelet de la maison Majorelle, M.Berger de la maison Daum, MM. Herbst, Soriot, Holderbach, de la maison Gallé, ont reçu en effet les palmes académiques.

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M. Aubin formula ensuite en terminant un vœu : celui de voir les arts décoratifs recevoir aux prochaines expositions de la société Lorraine des Amis des arts un emplacement digne de leur importance. Il exprima à la foule sa confiance envers la municipalité pour obtenir sur ce point une solution favorable. (Applaudissements.)

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Le toast du directeur des beaux-arts suivit. M. Marcel n'est, pas un orateur, il ne possède ni l'art des périodes, ni le geste qui scande les phrases harmonieuses. Ses paroles — très simples — furent cependant singulièrement éloquentes, il dégagea à merveille la formule de l'art décoratif lorrain qui n'a rien d'agressif, rien d'outrancier mais qui se manifeste avec une mesure parfaite, un sentiment si bien compris des nuances.

Le directeur des beaux arts a prononcé l'éloge de Nancy. Notre ville pouvait vivre, dit-il sur son passé, se contenter d'être une ville de touristes admirateurs d'une parfaite œuvre d'art, elle a voulu aller de l'avant, agréer de nouvelles conceptions du beau;

On apprécie d'autant à Paris, dans les milieux officiels, cet effort lorrain. Le directeur des beaux-arts en donne l'assurance, il boit à la continuité, à la constante perfection de cet effort (Appl. répétés).

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Un concert d'instruments anciens donné par Fernand Pollain et d'autres artistes terminèrent cette belle soirée qui réunit la plupart des notabilités nancéiennes et nos vaillants artistes.

M. Marcel a repris, dans la nuit, le train pour la capitale.



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